La volte-face de François


... lors du discours de voeux à la Rote Romaine. Antonio Socci pense qu'en habile politique, devant le grand succès populaire annoncé du Family Day du 30 janvier, il a prudemment rectifié le tir, sur le mariage et la famille... au moins pour le moment (23/1/2016).

>>> Le discours du Pape (pour le moment seulement en italien): w2.vatican.va

>>> Voir aussi:
¤ François et le "mariage" gay
¤ La non-ingérence du Pape dans la vie politique

 

Le peuple du Family Day entraîne même Bergoglio
et le «contraint» à donner son soutien (à contrecœur) à Bagnasco et à la manifestation du 30 janvier
(mais connaissant Bergoglio, il pourrait revenir dessus)


www.antoniosocci.com
Ma traduction

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«Ce qui est arrivé est un petit miracle, espérons qu'il dure...».
C'est ainsi que, parmi les catholiques les plus orthodoxes, on commente le surprenant discours d'hier du pape Bergoglio. Même si l'on redoute des gelées qui démentent le soudain printemps.
En effet, la dernière phrase du pape - «il ne peut y avoir de confusion entre la famille voulue par Dieu et tout autre type d'union» - en plus lors d'un discours solennel à la Rote romaine -, tombe en plein milieu du débat parlementaire sur les unions civiles.
On est également frappé par la proximité de cet argument papal avec les doutes sur la constitutionnalité de la loi qui - apparemment - ont trouvé une oreille attentive au Quirinal (résidence du Président de la République italienne, ndt).
Ainsi, la déclaration d'hier est considérée, en quelque sorte, comme une torpille papale inattendue contre la loi sur les mariages homosexuels.
Pour Jean-Paul II ou Benoît XVI (ou tout autre pape) cela aurait été plus que normal, mais pas pour François. En outre, dans l'Eglise italienne, deux lignes opposées s'affrontent, celle incarnée par le président de la CEI le cardinal Angelo Bagnasco (en continuité avec le pontificat de Jean-Paul II et de Benoît XVI) et celle menée par le Secrétaire Mgr Nunzio Galantino qui fait la pluie et le beau temps, car il est considéré comme l'homme de confiance de Bergoglio.
Les signaux en provenance du Vatican, jusqu'à hier, étaient contraires au cardinal Bagnasco: on a même parlé d'une audience avec le pape qui a été annulée. Mais à présent, la sortie de Bergoglio semble renverser la balance. Non pas tant les mots eux-mêmes, que le moment choisi.
Il est en effet de notoriété publique que ce pape, sur les dits «principes non négociables» parle toujours à contretemps, c'est-à-dire quand il n'y a pas de lutte en cours. C'est un choix politique précis qui vise à exclure l'Eglise de la controverse et donc d'une incidence directe dans le débat public.
Mais cette fois - et pour la première fois - l'intervention tombe juste au bon moment et résonne comme un soutien aux catholiques engagés dans la défense de la famille.
Difficile de dire quels développements elle aura, mais - s'il n'y a pas d'inversion de tendance - le cardinal Bagnasco, à la réunion de la CEI, aura la voie aplanie pour le soutien au Family Day du 30 Janvier.
Quelle est la cause d'un «virage» si incroyable de Bergoglio?

QU'Y A-T-IL DERRIÈRE?
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Beaucoup de catholiques croient que le «miracle» a été favorisé par une véritable avalanche de prières venues de centaines de monastères de clôture et de l'initiative «Une heure de garde».
Aussi parce que cette authentique «arme secrète» (la prière) avait déjà eu un succès retentissant lors des deux Synodes sur la famille, en 2014 et en 2015, où la ligne Kasper-Bergoglio avait été étonnamment mies en minorité.
Mais il y a probablement plus: le calcul. Nous savons que le Pape jésuite est un calculateur politique très habile. L'affaire du Family Day est un tremblement de terre qui a pris tout le monde par surprise. Le soulèvement du peuple chrétien a crû et s'est agrandi spontanément par la base, par les familles elles-mêmes.
Sans structures organisationnelles et sans vrais leaders (les noms qui servent de points de référence ne sont pas connus), on a assisté à un phénomène impossible à arrêter qui, après avoir rempli - le 20 Juin - la Place Saint-Jean de Latran, vise aujourd'hui à remplir le Circus Maximus. Un objectif fou.
Tous les spécialistes savent que personne en Italie n'est en mesure de remplir ni la première, ni - à plus forte raison - la seconde «place». Seule la CGIL (équivalent de la CGT, ndt) et toute la gauche à son apogée, mais vraiment à son apogée, pouvaient le faire avec un énorme effort d'organisation et les moyens de transport payés. Et pour des raisons très importantes.
Qu'à partir de la base, sans aucune organisation ni aucun leader, un peuple - à ses frais! - se mette en marche au nom de la famille et des enfants, en plus en un froid dimanche de Janvier, connaissant l'hostilité du Vatican, et que ce peuple grandisse d'heure en heure, a pris tout le monde par surprise. Et cela a tout emporté.
Avant tout, les évêques qui, timidement, l'un après l'autre, avec Bagnasco, donnent maintenant leur adhésion au Family Day.
Mais le phénomène doit avoir fait réfléchir aussi le Pape Bergoglio, lequel - sensible comme il l'est au consensus des foules - ne veut pas risquer d'être «désavoué» avec Galantino par le peuple chrétien qui marche sur la route de Jean-Paul II et de Benoît XVI, en opposition tacite à sa ligne.
Surtout, c'est un peuple chrétien qui les jours derniers, à cause de certaines attitudes de la hiérarchie, en est venu à remettre en question la possibilité de payer les huit pour mille (l'impôt à l'Eglise, ndt). Argument auquel même l'Eglise de Bergoglio est extrêmement sensible.

LES VRAIS SURPRISES DE L'ESPRIT
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Ce que tout le monde - de Bergoglio aux évêques - a sous-évalué jusqu'ici, à mon avis, ce sont les traces profondes et indélébiles qu'ont laissé dans l'âme de notre peuple les figures et les pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI. Mémoire maintenue vivante par les très rares voix qui n'ont pas changé de camp et ne se sont pas ralliées à la cour bergoglienne.
Le peuple chrétien s'est soulevé contre la loi Cirinnà si massivement qu'il a induit le pape jésuite, fin calculateur politique, à écouter Bagnasco plutôt que Galantino.
Et cela crée un gros problème même à Renzi, qui pensait qu'il pouvait compter sur le consentement tacite du Vatican. Aussi parce que, dans les sondages, la grande majorité des Italiens (et pas seulement les catholiques) est contre. D'ailleurs, notre pays a des problèmes si graves que le fait de discuter des unions civiles en déconcerte beaucoup.
En outre, le «cas Renzi» pose également une question catholique: le premier ministre, en effet, est notoirement un croyant et en 2007, il a même adhéré au Family Day. Qu'aujourd'hui, il ait changé au point d'être même le principal promoteur de la loi sur les nouvelles unions, le met en opposition explicite et totale avec les déclarations officielles de l'Eglise, lesquelles - bien qu'elles remontent à Jean-Paul II et Benoît XVI - sont toujours en vigueur pour les politiciens catholiques. Il faut en tirer les conséquences.

L'AUTRE NOUVEAUTÉ
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Enfin, dans le discours prononcé hier par le pape à la Rote romaine , il y a un autre point important. Qui corrige l'un des passages les plus ambigus de son Motu Proprio sur les annulations du mariage (par ailleurs difficile à appliquer), dans lequel il semblait que l'absence d'une foi vécue pourrait être évoquée pour «prouver» un vice dans le consentement matrimonial, et donc ouvrir la voie à l'annulation par l'Eglise.
Voici ce qu'a déclaré hier le pape:

«Il est bon de rappeler clairement que la qualité de la foi n'est pas une condition essentielle du consentement matrimonial, qui, selon la doctrine de toujours, ne peut être vicié qu'au niveau naturel (cf. CIC, can. 1055 § 1 et 2). En fait, l'habitus fidei est infusé au moment du baptême et continue d'avoir une influence mystérieuse dans l'âme, même quand la foi n'a pas été développée et semble psychologiquement être absente. Il n'est pas rare que les fiancés, poussés au vrai mariage par l'instinctus naturae, au moment de la célébration aient une connaissance limitée de la plénitude du projet de Dieu, et que seulement après, dans la vie de famille, ils découvrent tout ce que Dieu Créateur et Rédempteur a établi pour eux. Les carences de la formation dans la foi et aussi l'erreur concernant l'unité, l'indissolubilité et la dignité sacramentelle du mariage ne vicient le consentement matrimonial que si elles déterminent la volonté (cf. CIC, can. 1099).
C'est précisément pour cette raison que les erreurs affectant la nature sacramentelle du mariage doivent être évaluées très attentivement»


Cela semble une «correction» de son Motu Proprio, qui en indique une application «restrictive». Evidemment, les observations critiques (par exemple du cardinal Burke), ont atteint leur cible.
Les critiques sont plus utiles au pape que les adulateurs.

Antonio Socci