L'appât des diaconesses


La brève analyse de Marco Tosatti, suite, à une énième sortie impromptue de François n'est qu'une opinion personnelle, mais qu'il est très tentant de partager (16/5/2016)

>>> Voir aussi:
¤ Des femmes diacres? (I)
¤ Des femmes diacres? (II)
¤ Des femmes diacres? (III)

 
[Le crescendo médiatique] aide à comprendre le caractère diabolique d'un mécanisme de communication dans lequel il n'est pas toujours facile de distinguer si le Pape est la victime, plus ou moins consciente et plus ou moins heureuse du rôle, ou l'artisan habile. Selon moi, il s'amuse souvent à voir l'effet qu'il fait ...

Sauf que... lancer des appâts en attendant les réactions qu'ils suscitent pour s'en amuser, est-ce bien le rôle du successeur de Pierre, dont le devoir est plutôt de "confirmer ses frères dans la foi" - et pas de créer la confusion?

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A propos de ce "magistère liquide" (pour ne pas dire carrément flottant) du Pape François, il faut absolument lire l'analyse qu'en donnait le 13 mai Sandro Magister sur www.chiesa (cf. Oui, non, je ne sais pas, décidez vous-mêmes. Le magistère liquide du pape François):


Il ne dit jamais tout ce qu’il a dans la tête. Il le laisse seulement entrevoir. Et il laisse se répandre les interprétations, y compris les plus disparates, à propos de ce qu’il dit ou écrit.
Que l’on utilise ce genre d’approche dans des entretiens privés, cela peut se comprendre. Mais Jorge Mario Bergoglio y a systématiquement recours en public, dans ses actes de magistère officiel, même lorsque tout le monde s’attend à ce qu’il tire des conclusions et qu’il donne une réponse claire et définitive.
Par rapport au magistère des papes précédents, gravé dans le marbre, travaillé mot à mot, sans équivoque, le changement introduit par François va faire date.
...
Non aux portes barricadées, non aux révolutions. Mais la troisième voie imaginée par François n’est pas du tout immobiliste. Bien au contraire.
En remettant en discussion ce qui, avant lui, paraissait définitif, il a ouvert un processus qui donne le même droit de cité aux opinions les plus inconciliables et donc aussi aux réformistes les plus ardents.


Le hameçon des diaconesses


MARCO TOSATTI
San Pietro e dintorni
13/05/2016
Ma traduction

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On peut dire beaucoup de choses du Pontife régnant, mais certainement pas qu'il ignore comment stimuler et éveiller l'enthousiasme des médias, émoustillés dans l'attente permanente d'un nouvel appât sur lequel se jeter.

Et donc, juste au moment où les discussions et le débat sur la communion et les divorcés remariés commencent à montrer des signes de fatigue, hier (jeudi 12 mai), le pape a saisi l'occasion pour s'assurer les ovations des bonnes religieuses de l'UISG, l'Association des Supérieurs Générales, et lancer au monde le hameçon des diaconesses.

Qu'a dit le Pape? Nous citons un article du collègue Tornielli sur Vatican Insider:

«Au cours de la session de questions-réponses de la rencontre, on a demandé entre autres au Pape pourquoi l'Eglise exclut les femmes du service comme diacres. Les religieuses ont dit au Pontife que dans l'Eglise primitive, les femmes servaient comme diacres (*) et ont demandé: «Pourquoi ne pas constituer une commission officielle qui étudierait la question?». Le pape a répondu qu'il en avait parlé il y a quelques années avec un "professeur bon, sage", qui avait étudié l'utilisation des femmes diacres dans les premiers siècles de l'Église. François a expliqué qu'il ne savait pas encore exactement quel était le rôle ces diacres. Le pape se rappelle avoir demandé au professeur: "Qui étaient ces femmes diacres?"... Avaient-elles l'ordination, ou pas?". "C'est un peu obscur", avait-il répondu. "Quel était le rôle de la diaconesse à cette époque?". "Mettre en place une commission officielle qui étudierait la question?" s'est ensuite demandé Bergoglio à haute voix. "Je pense que oui. Il serait bon pour l'Eglise de clarifier ce point. Je suis d'accord. Je vais parler pour faire quelque chose de ce genre". "J'accepte", a dit ensuite le pape. "Il me semble utile d'avoir une commission qui clarifie tout cela" ». (**)


Si ma mémoire ne me trahit pas, je me rappelle que la question a été longuement débattue dans les années 70 et 80 (??) par des spécialistes, et qu'en substance, la conclusion à laquelle on était arrivés, c'est que le mot "diacre", ou au féminin "diaconesse" exprimait une forme de service dans l'Église, mais qui n'avait rien à voir avec le ministère des prêtres; ou, même, des diacres masculins. Il ne me semble certes pas qu'il s'agissait d'un premier grade vers la prêtrise, comme l'est aujourd'hui, et depuis des siècles, le diaconat.

Bref, le pape a approuvé l'idée d'une commission historique; et, à ce qu'il semble, rien de plus. Mais cela suffit pour que certains quotidiens annoncent que les futures femmes diacres (mais le Pape a-t-il annoncé qu'il y en aura?) pourront marier, donner le baptême et Dieu sait quoi d'autre encore.
Un crescendo qui aide à comprendre le caractère diabolique d'un mécanisme de communication dans lequel il n'est pas toujours facile de distinguer si le Pape est la victime, plus ou moins consciente et plus ou moins heureuse du rôle, ou l'artisan habile. Selon moi, il s'amuse souvent à voir l'effet qu'il fait. Mais c'est une opinion personnelle. A vous de décider.

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NDT:
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(*) C'est la "preuve par l'Eglise primitive que j'évoquais hier (cf. Des femmes diacres? (III)).
(**) On peut s'étonner que le Pape ignore les travaux de la CTI de 2003 (ibid)