Le martyre des religieuses du Yémen


Le récit bouleversant de la seule survivante du massacre (20/3/2016)

>>> Sur ce sujet, lire:
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L'Eglise des martyrs (I)
¤ L'Eglise des martyrs (II)

 

Il y a une semaine, je recevais sur la messagerie de mon site un billet très touchant, signé "Céline":

Ce soir, je souhaite vous remercier du fond du coeur pour les articles sur les soeurs Missionnaires de la Charité exécutées à Aden ce 4 mars. J'ai été choquée de voir que rien n'en a paru, ou si peu. J'ajoute que j'étais la "coopératrice malade et souffrante" de l'une des soeurs, depuis des années, soeur Judith. Depuis le début de la guerre, je ne pouvais plus communiquer avec elle, et je ne savais d'elle et des siens que ce que les Soeurs de Paris me disaient. Je vous remercie pour la lettre traduite, que je vais précieusement conserver. Je sais que soeur Judith, ainsi que ses soeurs, savaient qu'elles risquaient de mourir. Merci pour votre hommage, je suis plus que touchée. Merci infiniment.


C'est aussi en pensant à Céline que je traduis le récit de la fin dramatique des quatres soeurs martyres, qui a été publié par le National Catholic Register, et reproduit sur le site Asia News, auquel renvoie ce matin Antonio Socci sur sa précieuse page Facebook.

Le récit est avec des mots très simples, sans trop de souci pour les temps des verbes, et je n'ai pas cherché à l'embellir. Tel quel, il est d'autant plus poignant.

Unique survivante du massacre du Yémen,
Sœur Sally, décrit le martyre de ses sœurs


18 mar 2016
www.asianews.it
(Ma traduction)

* * *

La Supérieure de la communauté d'Aden a confié à une sœur l'histoire dramatique de l'attaque de la maison de soins infirmiers pour personnes âgées et personnes handicapées. Les sœurs ont été tuées en raison de leur «fidélité» à leur mission, en s'étant trouvées prêtes «à accueillir leur Epoux». Un sacrifice de sang dans l'espoir qu'il apportera «des semences de paix pour le Moyen-Orient et aidera à arrêter Isis».

«A cause de leur fidélité, elles se sont trouvées au bon endroit au bon moment, prêtes à accueillir leur Epoux». C'est avec ces mots que Sœur Rio décrit le sacrifice des sœurs Missionnaires de la Charité massacrés à Aden, au Yémen, le 4 Mars pour des «raisons religieuses». La religieuse a enregistré le témoignage dramatique de Sœur Sally, Supérieure de la maison pour personnes âgées et handicapées attaquée par les militants de l'État islamique (IS). La seule survivante, Sœur Sally a confié à Sœur Rio l'histoire de l'attaque, et la violence des milices.
L'histoire a été transcrite ultérieurement par une troisième religieuse, Sœur Adriana, qui a publié le texte (que nous publions ci-dessous) et l'a envoyé vers les différentes communautés religieuses aux États-Unis.

Récemment, Mgr Edward Rice, évêque auxiliaire de l'archidiocèse de Saint-Louis, a cité plusieurs passages de l'histoire dramatique de Sœur Rio, faisant l'éloge du sacrifice consenti par les religieuses pour leur foi et leur service aux autres. Un service qui reflète le charisme de la fondatrice de l'ordre, Mère Teresa de Calcutta.

Voici l'histoire dramatique du matin de l'attaque, enregistrée par les Missionnaires de la Charité et publié par le National Catholic Register:

* * *


Les sœurs ont eu la messe, puis le petit déjeuner comme d'habitude. Comme d'habitude, le père reste en arrière dans la chapelle pour dire des prières, puis pour arranger des choses autour de l'enclos. A 8 heures du matin, elles ont dit la prière d'apostolat et toutes les cinq se dirigent vers la maison. A 8 heures, [les hommes de l'] ISIS, habillés en bleu, sont arrivés, ont tué le garde et le chauffeur.

5 jeunes hommes éthiopiens (chrétiens) se sont mis à courir pour dire aux sœurs que l'ISIS était ici pour les tuer. Ils ont été tués un par un. Ils les ont attachés à des arbres, leur ont tiré dans la tête et leur ont fracassé le crâne.

Les sœurs ont couru 2 par 2 dans des directions différentes, car les hommes et les femmes sont dans des maisons séparées. 4 femmes, qui travaillaient, ont crié «Ne tuez pas les sœurs! Ne tuez pas les sœurs!». L'une d'elle était la cuisinière depuis 15 ans. Ils les ont tués aussi.

Ils ont attrapé Sœur Judith et Sœur Reginette en premier, les ont attachées, leur ont tiré dans la tête et écrasé le crâne. Quand les sœurs ont couru dans des directions différentes, la Supérieure a couru au couvent pour essayer d'avertir le père Tom.

Ils ont attrapé Sœur Anselm et Sœur Marguerite, les ont attachées, leur ont tiré dans la tête et écrasé leurs têtes dans le sable.

Pendant ce temps, la Supérieure n'a pa pu se rendre au couvent. On ne sait pas combien d'hommes ISIS étaient là.

Elle a vu toutes les sœurs et les aides tués. Les hommes de l'ISIS arrivaient déjà au couvent alors elle est allée dans la chambre froide, car la porte était ouverte. Ces hommes de l'ISIS étaient partout, à sa recherche, car ils savaient qu'elles étaient 5. A trois reprises au moins, ils sont venus dans la chambre froide. Elle ne cachait pas, mais est restée debout derrière la porte - ils ne l'ont jamais vue. C'est un miracle.

Pendant ce temps, au couvent, le père avait entendu les cris et consommé toutes les hosties. Il n'a pas eu le temps de consommer la grande Hostie, alors il a jeté l'huile de la lampe du sanctuaire et l'a dissoute dans l'eau.

Un voisin les a vu mettre le Père Tom dans leur voiture. Ils n'ont trouvé nulle part la moindre trace du père. Tous les objets religieux ont été brisées et détruits - Sainte Vierge, crucifix, autel, tabernacle, pupitre pour le lectionnaire - même les livres de prières et des bibles.

Vers 10 heures - 10 heures 15, les hommes de l'ISIS ont terminé et sont partis.

Sœur Sally est venue chercher les corps des sœurs. Elle les a réunis. Elle est allée auprès des patients, chacun d'eux individuellement pour voir s'ils étaient OK. Tous étaient OK. Pas un seul n'avait été blessé.

Le fils de la femme qui était la cuisinière (qui a été tuée) l'appelait sur son téléphone portable. Comme elle ne répondait pas, il a appelé la police, et il est venu avec la police et il a trouvé ce grand massacre. La police et le fils sont arrivés vers 10 heures 30.

La police a essayé d'emmener Sœur Sally de là - elle a refusé de laisser les gens qui pleuraient, «Ne nous laissez pas; restez avec nous». Mais la police l'a forcée à aller avec eux parce que l'ISIS savait qu'il y avait 5 sœurs, et ils étaient convaincus qu'ils ne s'arrêteraient pas jusqu'à ce qu'ils la tuent aussi. Donc, finalement, elle a dû partir. Elle a emmené quelques vêtements et les corps des sœurs, et la police l'a amenée à un hôpital international appelé "Médecins sans frontières" pour la protection. Comme il n'y avait pas assez de place dans la morgue de cet hôpital pour les corps des sœurs, la police a emmené les corps vers un hopital ayant une morgue plus grande.

Sœur Sally a dit à Sœur Rio qu'elle était très triste parce qu'elle restait seule et n'était pas morte avec ses sœurs. Sœur Rio lui a dit que Dieu voulait un témoin et aussi: «Qui aurait trouvé les corps des sœurs, et qui nous aurait dit ce qui est arrivé? Dieu veut que nous sachions».

Le Pape François contactait très souvent, par son secrétaire, le Secrétaire d'Etat du Yémen, - environ une fois par semaine pour s'assurer que les sœurs allaient bien, et les rassurer de sa proximité. Aujourd'hui, le secrétaire du pape a envoyé le message: «Je vous remercie, petites MC (Missionnaires de la Charité) - aujourd'hui martyres». Et il a ajouté qu'il leur offre les 40 heures de prière qui commencent le Premier vendredi du mois.

Sœur Sally a raconté à Sœur Rio que le Père Tom leur disait chaque jour, «Nous sommes prêts pour le martyre».
Sœur Judith: ils ont essayé par tous les moyens de lui faire suivre des études supérieurs, mais ils n'ont pas réussi à la faire sortir du Yemen.
Sœur Reginette: pour elle, des cours de niveau élémentaire étaient prévus, mais on n'a pas pu la faire sortir.
Dieu les voulait là.

Aden est une ville riche - une ville portuaire. Aden voulait être son propre état, donc ils ont pris l'ISIS pour les aider à lutter contre le Yémen. C'est pour cela que l'ISIS l'a emporté à Aden. C'était la guerre de l'année dernière, avec tous les bombardements. Ils ont gagné, de sorte que c'est fini, mais l'ISIS ne part pas. Ils veulent prendre le pouvoir et exterminer toute présence chrétienne. Ils n'ont pas tué les sœurs dans la guerre parce qu'ils n'avaient aucune raison politique de perdre du temps avec elles. Mais maintenant, elles sont la seule présence chrétienne et l'ISIS veut se débarrasser de tout le christianisme. Donc, elles sont de véritables martyres - elles sont mortes parce qu'elles sont chrétiennes. Elles auraient pu mourir tant de fois durant la guerre, mais Dieu a voulu qu'il soit clair qu'elles sont des martyres de la foi.

Sœur Rio dit que Sœur Sally s'est complètement abandonnée. La police tente de la faire sortir, car ils en auront après elle jusqu'à ce qu'ils la tuent. Elle s'est entièrement abandonnée et a dit à Sœur Rio - tout ce que Dieu veut. Elle a dit que les autres musulmans sont si respectueux d'elles. Elle a dit de prier pour que leur sang soit des graines pour la paix au Moyen-Orient et pour arrêter l'ISIS.

Elle a dit que s'ils ont kidnappé le père Tom, très probablement ils vont attendre 2 jours, puis demanderont en échange du père Tom soit de l'argent, soit la libération de leurs membres détenus en prison.

Sœur Rio a dit qu'elles étaient tellement fidèles - l'ISIS savait exactement quand elles partaient et quand faire irruption. Et à cause de leur fidélité, elles étaient au bon endroit au bon moment et était prêtes quand l'Epoux est venu..

Sœur Adriana dit qu'elle pense qu'écraser des têtes a quelque lien maléfique avec «Elle écrasera la tête du serpent» (Apocalypse), une sorte de moquerie ou un signe de plus de leur méchanceté.

* * *

Les noms corrects des sœurs sont:
Sœur M. Sally, MC (Supérieure)
Sœur M. Anselm, MC (Bihar)
Sœur M. Marguerite, MC(Rwanda)
Sœur M. Judith, MC (Kenya)
Sœur M. Reginette, MC (Rwanda)

(MC est pour "Missionnaire de la charité")