Le nouveau Luther sur le trône de Pierre


Le dernier "Fuori moda", d'Alessandro Gnocchi, à propos, entre autre, de la cérémonie prévue en Suède pour commémorer le 500e anniversaire de la réforme (30/1/2016)

 

Comme d'habitude, Alesssandro Gnocchi est passionné (et d'une sincérité totale, parce qu'il est libre, une singularité qui mérite d'être soulignée aujourd'hui!), comme d'habitude, il peut sembler excessif. Et comme d'habitude, je m'empresse de préciser que j'aurais encore plus hésité à publier un tel texte il y a seulement un an. Mais il faut reconnaître qu'une accumulation de faits, en particulier récents, donnent un fondement solide aux arguments de ce courageux catholique, qui ne cesse depuis plus de deux ans de tirer pour nous la sonnette d'alarme.

Dans sa rubrique hebdomadaire "Fuori moda" sur le site Riscossa Cristiana, Alessandro Gnocchi répond cette semaine à une certaine 'Marianne', désorientée par la décision du pape de participer à une cérémonie conjointe entre catholiques et luthériens pour commémorer le 500e anniversaire de la Réforme, et la multiplication de déclarations et de gestes contradictoires:
«Nous mène-t-il tous par le bout du nez? (..) Un jour, il semble être l'orthodoxie en personne, et le lendemain, avec un triple saut périlleux arrière, le voilà prêt à commémorer Luther»

Chère Marianne...


www.riscossacristiana.it/fuori-moda-la-posta-di-alessandro-gnocchi
27 janvier 2016
Traduction d'Anna

* * *

Votre lettre contient le mot-clé, capable à lui seul d'interpréter l'épisode qui, à juste titre, vous indigne et vous peine. Je me réfère à ce «semble», qu'opportunément vous placez avant «être l'orthodoxie en personne», et qui révèle le sens de tout le pontificat de Bergoglio, cette obscure constellation de trous noirs de la foi qui engloutissent la bonne doctrine sans rien restituer.

L'actuel Pontife «semble» en effet - et juste en des moments rarissimes - «l'orthodoxie en personne», mais il ne l'est pas. Et il ne mène par le bout du nez que les âmes candides, celles moins candides et celles pas du tout candides, qui renoncent volontiers à l'intelligence et à la dignité, car son œuvre de destruction de la foi catholique et de l'Église est même adamantine en se montrant intra et extra muros.

En parlant d'«orthodoxie en personne», vous avez apparemment fait référence au récent discours à la Rote romaine, où Bergoglio a parlé de la «famille voulue par Dieu», disant qu'elle ne peut être assimilée à «aucun autre type d'union».
Je vous pose alors une question, chère Marianne, voire deux: qu'aurait-il pu dire de différent, lui, le sommet de l'Église catholique, en ce lieu, en ces jours mêmes où les catholiques montrent qu'ils réagissent au dessein pervers de détruire la famille?
Et aussi, croyez-vous qu'il lui en a coûté quelque chose, à lui ou au projet de la Nouvelle Église de la Maison Commune à ériger, de balancer quelque chose de catholique, là, au moment opportun, comme le fait n'importe quel habile politicien attrape-gogos? Sauf que tandis que les politiciens jouent avec les chaises et les fauteuils mélangeant vérité et mensonge, le Vicaire du Christ joue avec le destin des âmes, enjolivant les mensonges empoisonnés avec les minces rubans d'une bonne doctrine apparente.

«Il semble», dites-vous, «l'orthodoxie en personne», mais il ne fait que «sembler». Il est le parfait dominus ac magister (seigneur et maître) du dispositif perfide mis au point par le modernisme et démasqué une fois pour toutes par Saint Pie X.

Dans un tel cadre, il apparaît évident que l'annonce de la participation de Bergoglio aux célébrations du cinq centième anniversaire de la réforme luthérienne est infiniment plus grave que la modeste "bonté" du discours à la Rote romaine, apprécié des "trinarinés" de sacristie (traduction du néologisme "trinariciuto", pourvu de trois narines, forgé par l'écrivain italien Giovanni Guareschi, pour décrire ceux qui par la troisième narine peuvent humer ce qui est plus propice dans le nouveau climat politique ou autre, ndt).
Il faut qu'on le comprenne une fois pour toutes: dans le collimateur des maçons qui sont en train d'ériger la Nouvelle Église de la Maison Commune il y a la foi catholique et ensuite, beaucoup plus tard, tout ce qui en dérive, loi naturelle comprise.
Une fois éliminé cette vieille ferraille qu'est le catholicisme avec tous ses dogmes, ses sacrements, ses rites, ses dévotions, ses petites et grandes fidélités prêtes au petit ou au grand martyre, faire des désormais ex-catholiques un peuple en chemin de pervertis, apôtres de la perversion, sera un jeu d'enfants.
Sur ce point, chère Marianne, tout en ayant confiance que le 30 janvier, ceux qui manifesteront pour défendre la vraie famille seront vraiment nombreux, je me demande aussi combien d'entre eux le feraient pour s'opposer à l'étreinte entre catholiques et luthériens, plus diabolique et contre-nature encore que celle entre homosexuels.

Laquelle de ces deux étreintes tient spécialement à cœur au nouveau Luther installé sur le trône de Pierre - qui a aussi en commun avec son tragique inspirateur le caractère despotique -, ne fait aucun doute.
On ne mettra jamais assez en évidence la violence qui transparaît des actes et des communications, même de ceux apparemment les plus simples et les plus bénins. «Sa Sainteté a l'intention (ha in animo…) de participer à la cérémonie conjointe…» etc, etc… Une décision fondée sur son propre sentiment, son propre vouloir et sa propre intention personnelle, au mépris du dépôt de la foi et de la doctrine qu'il est censé garder.
Pour ne citer qu'un autre exemple récent et aussi scandaleux, la même modalité a été utilisée dans la communication transmise au cardinal Robert Sarah, préfet de la Congrégation pour le Culte Divin concernant les nouvelles normes du lavement des pieds du Jeudi Saint: «Après mûre réflexion, je suis parvenu à la délibération d'apporter un changement aux rubriques du Missel Romain» etc, etc.. Avec toute le violence bancale et vulgaire qui a supplanté la sévérité délicate et impersonnelle du 'plurale maiestatis'. La décadence des époques se voit aussi dans la décadence du style.

Nous l'avions dit dans cette rubrique pas plus tard qu'il y a deux ou trois semaines, que des informations et des rumeurs font penser à une sorte de canonisation conjointe de Luther de la part de catholiques et protestants, colocataires à bas loyer de la Maison Commune, au mépris du Christ, de son Corps Mystique et de son Corps Eucharistique.
De son Corps Eucharistique aussi, chère Marianne, comme c'est arrivé il y a quelques jours dans la Basilique Saint Pierre. Le 15 janvier, pendant la Messe, les prêtres catholiques ont voulu que les pasteurs luthériens présents communient eux aussi, y compris l' "évêque". Et c'est justement ce dernier, un dénommé Samuel Salmi, qui a expliqué comment le sacrilège - comme ne l'appellent plus que les vieilles badernes comme nous - fait partie de «l'attitude œcuménique d'un nouveau Vatican». Comment le blâmer? Seul un "Nouveau Vatican", celui de la Nouvelle Église de la Maison Commune, peut faire d'un sacrilège un nouveau sacrement.

La fondation de la nouvelle église a besoin de gestes sacramentels aux contenus invertis et sacrilèges, elle ne peut donc pas s'abstenir de l'étreinte entre les pasteurs censés garder les Sacrements et les loups qui les ont systématiquement et sans pitié dévorés. L'archétype de toutes les profanations se situe dans la réforme liturgique qui, après Vatican II, a transformé l'autel de lieu de sacrifice en self-service du mystère pascal. Ce n'est pas un hasard si le premier qui s'appliqua avec succès et systématiquement à la destruction de la Messe fur le père de la réforme protestante.

«Vint enfin Luther», écrivait au milieu du XIX siècle l'abbé de Solesmes dom Prosper Guéranger (1) dans le chapitre sur l'hérésie antiliturgique de ses 'Institutions Liturgiques' «lequel ne dit rien que ses devanciers n'eussent dit avant lui, mais prétendit affranchir, en même temps, l'homme de la servitude de la pensée à l'égard du pouvoir enseignant, de la servitude du corps à l'égard du pouvoir liturgique».

En quelques lignes, dom Guéranger montre comment toutes les dépravations, mêmes celles contre lesquelles on manifeste dans la rue ces jours-ci, ont leur clé de voûte dans l'obscurcissement du Sacrifice perpétué dans la Messe.
Jacques Maritain en explique la raison dans le chapitre dédié à Luther dans 'Trois Réformateurs' : «La théologie catholique est ordonnée à Dieu, et elle est, par là même, une science avant tout spéculative. La théologie luthérienne est pour la créature, c'est pourquoi elle vise avant tout le but pratique à atteindre. Luther, qui chasse la charité, et garde, quoi qu'il en ait, la crainte servile, fait tourner la crainte des choses divines autour de la souillure humaine».

Le cœur battant de la Religion de la Maison Commune est justement ici, dans le culte de la souillure humaine à quoi tend le rite inventé par le frère Bugnini (2) et promulgué sans réticence par Paul VI.
On en découvre l'objectif dans ce que dom Guéranger disait sans une conférence à ses moines parlant de la Messe, la vraie:

«Si le sacrifice de la Messe s’éteignait, nous ne tarderions pas à retomber dans l’état dépravé où se trouvaient les peuples souillés par le paganisme, et telle sera l’œuvre de l’Antechrist: il prendra tous les moyens d’empêcher la célébration de la sainte Messe, afin que ce grand contre poids soit abattu, et que Dieu mette fin alors à toutes choses, n’ayant plus de raison de les faire subsister. Nous pouvons facilement le comprendre, car depuis le Protestantisme, nous voyons beaucoup moins de force au sein des sociétés. Des guerres sociales se sont élevées, portant avec elles la désolation, et cela uniquement parce que l’intensité du sacrifice de la Messe est diminuée. C’est le commencement de ce qui arrivera lorsque le diable et ses suppôts, déchaînés par toute la terre, y mettront le trouble et la désolation, ainsi que Daniel nous en avertit. A force d’empêcher les ordinations et de faire mourir les prêtres, le diable empêchera enfin la célébration du grand Sacrifice, alors viendront les jours de malheur ».
(la.revue.item.free.fr/regard_monde230208.htm )


Voilà ce que la Religion de la Maison Commune cache derrière le masque d'une miséricorde défigurée et bonne juste pour se prostituer au monde: les jours de la désolation et des pleurs. Mais ce n'est pas pour autant que les ministres de ce culte inverti doivent nous intimider, bien au contraire.
Saint Antoine le Grand nous l'apprend avec une sublime clarté en nous parlant de la lutte contre le démon. Parmi les nombreux points lumineux de sa "Vie" , écrite par Saint Athanase, je crois que c'est un bon viatique pour les catholiques de nos temps:

«Jusqu’ici, je ne vous ai parlé que comme en passant des artifices du démon.
Mais vous serez heureux, j’en suis sûr, que je m’étende davantage sur ce sujet, puisqu’il vous sera fort utile de graver cette instruction dans votre mémoire.
Lorsque Notre Seigneur est venu au monde, il a terrassé cet ennemi de notre salut, et toutes ses forces ont été détruites. Ainsi ne pouvant plus rien maintenant, il fait comme ces tyrans qui, ayant perdu toute leur puissance, ne peuvent demeurer en repos, et qui, n’ayant plus que la parole, s’en servent pour faire des menaces.
Si vous considérez bien toutes ces choses, il vous sera facile de mépriser les démons. S’ils étaient engagés comme nous dans les liens du corps, ils pourraient dire qu’ils ne peuvent nous trouver quand nous nous cachons, ou que lorsqu’ils nous trouvent ils ne peuvent nous nuire. Car nous pourrions nous cacher et les empêcher de venir à nous en leur fermant les portes.
Mais il n’en est pas ainsi. Il leur est facile d’entrer même si elles sont fermées, et même de voler dans toute l’étendue de l’air, comme leur malheureux prince le démon, étant toujours prêts à nuire par la malice qui est en eux, suivant ce que Notre Seigneur a dit du démon : il est père de toute malice, et il a été homicide dès le commencement (cf. Jn 8, 44).
Il paraît clairement qu’ils ne peuvent rien, puisqu’ils ne sauraient nous faire mourir, bien que notre manière de vivre soit parmi toutes, celle qu’ils ont le plus en horreur. Car le lieu où nous sommes ne les empêche pas de nous dresser des embûches. Ils ne nous considèrent pas comme leurs amis pour nous épargner. Ils n’ont point d’amour pour la vertu qui puisse les porter à bien faire ; et étant remplis de malice, ils n’ont point de plus grande passion que de nuire à ceux qui embrassent la vertu. Mais n’ayant aucune force, tout leur pouvoir se réduit à nous menacer ; et s’ils pouvaient nous faire mal, il n’y aurait rien qu’ils ne tentent pour cela, leur volonté étant toujours portée à nuire aux hommes, et à nous surtout. Ils voient en effet que nous sommes assemblés ici pour parler contre eux et que leur faiblesse augmente à mesure que nous avançons dans la piété.
Ainsi, s’ils avaient quelque puissance, ils ne laisseraient pas en vie un seul chrétien. Car le service et l’honneur que l’on rend à Dieu passent pour abomination dans l’esprit des pécheurs, comme dit l’Ecriture sainte (Eccl., 1, 32). Voyant donc qu’ils ne peuvent nous faire le mal dont ils nous menacent, ils tournent leur rage contre eux-mêmes ; vous devez bien considérer cela pour ne pas les craindre. S’ils avaient quelque puissance, ils ne viendraient pas en troupe, ils ne nous présenteraient point de fantômes, et ils ne se métamorphoseraient point pour tâcher de nous tromper ; mais leur pouvoir secondant leur volonté, ils se contenteraient de nous attaquer seuls. Car ceux qui ne manquent pas de force, ne se servent point d’illusions, ni de bruits pour nous épouvanter ; mais sans employer tous ces artifices, ils usent soudain de leur puissance, pour exécuter leurs desseins. Les démons au contraire, parce qu’ils ne peuvent rien, semblent jouer sur un théâtre, changeant de figures, comme pour étonner des enfants par une multitude de fantômes et de visions. Ceci témoignant de leur extrême faiblesse, nous oblige encore davantage à les mépriser. Au contraire ce bon Ange envoyé de Dieu contre les Assyriens n’eut pas besoin de se faire accompagner d’une grande multitude, ni d’emprunter des figures étranges, ni de provoquer de grands bruits, ni de faire de grands efforts ; mais usant sans peine et avec tranquillité de la puissance qui lui était donnée, il tua en un moment cent quatre-vingt-cinq mille hommes (IV R 19, 35). Les démons au contraire, n’ayant pas le pouvoir de ces bienheureux esprits, sont réduits à tâcher de nous étonner par ces diverses visions»
(www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/peres/antoine/viedesaintantoine.htm, cap X).

NDT

(1) Dom Prosper Guéranger OSB (Ordre de Saint-Benoît), surtout connu sous l'appellation Dom Guéranger, né à Sablé (Sarthe) le 4 avril 1805 et mort à Solesmes le 30 janvier 1875, est un moine bénédictin français, refondateur de l'abbaye de Solesmes et restaurateur de l’ordre bénédictin en France.
Il restaure l'ordre de Saint-Benoît, un des ordres religieux les plus anciens du christianisme, dont les monastères avaient été supprimés en France par la Révolution française (décret du 13 février 1790). Il est aussi connu pour avoir promu le rétablissement de la liturgie romaine en France, et pour avoir composé L’Année liturgique qui initia le mouvement liturgique.
...
Le procès diocésain de béatification du serviteur de Dieu Dom Prosper Guéranger a été ouvert le 21 décembre 2005 (donc sous Benoît XVI...)
(fr.wikipedia.org/wiki/Prosper_Guéranger)

(2) Annibale Bugnini, né le 14 juin 1912 à Civitella del Lago (commune de Baschi en Ombrie, Italie) et décédé le 3 juillet 1982 à Rome, était un évêque catholique, membre de la Congrégation des missions. Proche ami de Paul VI, il fut le principal organisateur de la réforme liturgique dont le concile Vatican II avait posé les bases théologiques. Il est un artisan décisif de la rédaction des livres liturgiques catholiques actuels, surtout du missel, du lectionnaire, et de plusieurs fascicules du rituel et du pontifical.
(fr.wikipedia.org/wiki/Annibale_Bugnini)

Alessandro Gnocchi le désigne donc ici comme franc-maçon