Le Pape allergique aux adulateurs


Aujourd'hui, j'ai 80 ans. Je n'entend pas vos souhaits...

C'est lui-même qui le dit... mais le moins qu'on puisse dire est que cela ne saute pas vraiment aux yeux. Antonio Socci saisit l'occasion du 80e anniversaire de François pour souligner la contradiction (18/12/2016)


 


Suivre les activités de François, lire les homélies à Sainte Marthe pour y relever jour après jour les redites, et même les obssessions papales, voire parfois les bizarreries théologiques et les exégèses hasardeuses, relayer les innombrables déclarations improvisées imprudemment prononcées dans de multiples interviews et rencontres, bref tout ce qui fait sa popularité dans les médias.... oui, tout cela a tendance à devenir péniblement répétitif, ou même carrément lassant. Répétitive, aussi, la ritournelle des "adulateurs", dont le discours ne bouge pas d'un iota malgré les faits qui s'accumulent et prouvent que la barque de Pierre tangue dangereusement bien qu'ils affirment qu'elle file sur une mer d'huile, répétant à satiété les mêmes lieux communs sur la popularité, la miséricorde, l'ouverture aux exclus et les "extraordinaires" dons de communicant tout en disqualifiant les moindres critiques.
Dernier exemple en date, les 80 ans du Pape, qui ont vu dans les médias et sur les réseaux sociaux un assaut de flatterie et de louanges, comme en témoignent les images ci-dessus, recueillies sur internet (on appréciera tout particulièrement le tweet - un parmi d'autre.... - du P. Spadaro).
A ce sujet, voici ce que disait Benedetta Frigerio dans son éditorial publié hier sur la Bussola:


(...) Dans l'exaltation générale, on est impressionné de voir sa popularité croître sans relâche dans l'indice de l'appréciation mondaine, qui s'emplit la bouche et les yeux du nom et des images de Bergoglio, mais qui avec la même emphase attaque l'Église et son magistère. Admettons que ce climat euphorique (même de la part des chrétiens) ne nous convainc pas, raison pour laquelle nous ne nous mettons pas dans la file.
« Sainteté malgré votre fatigue, nous attendons votre parole, parce que dans la lutte de tous les jours, petite ou grande, votre parole nous fait nous sentir sans crainte». Ce sont les souhaits du serviteur de Dieu Luigi Giussani (fondateur de Communion et Libération, ndt) pour la fête de Jean-Paul II, le 4 Novembre 1979. En peu de mots, Giussani priait le pape de continuer à faire le pape, confortant le peuple par sa parole adhérant à l'Evangile.

Quelle différence avec toutes ces célébrations qui frôlent l'idolâtrie, ne faisant qu'augmenter le culte personnaliste de l'homme François et obscurcissant Celui qu'il est appelé à représenter: le Christ. Au contraire, notre gratitude est (devrait être? ndt) pour la présence de l'autorité de Pierre, garante de notre foi et de la continuité dans l'histoire de sa barque, l'Eglise.

C'est pourquoi, contrairement à la majorité des messages de célébration retentissant dans les journaux et à la télévision, c'est cette présence que nous voudrions célébrer. Surtout en continuant à prier pour le Saint-Père, comme chaque jour pendant la messe, afin qu'il nous rappelle au Christ dont il est le vicaire. Et afin qu'il lui soit fidèle pour nous guider en toute sécurité et pour se modeler de plus en plus sur Lui, restituant ses traits à toute l'Eglise, et ensuite au monde pour qu'il croie. Là sont nos voeux et nos prières pour le Pape.



Concluons en admettant qu'il n'y a certes rien de mal à souhaiter son anniversaire au Pape, je l'ai fait moi-même du temps où Benoît XVI régnait, et j'ai recueilli avec joie les hommages du monde entier, y compris politiques, qui lui étaient parvenus pour son 80e anniversaire. Mais cela devient gênant quand ces hommages s'accompagnent de critiques envers l'Eglise - dont le Pape est du reste le premier à donner l'exemple -, et surtout quand c'est lui-même qui affirme (dans le langage fleuri qu'il affectionne) qu'il n'aime pas les "lèche-bottes", et qu'il leur préfère ceux qui le critiquent (si c'est vrai, il se garde bien de leur montrer).
Bref, dans ce choeur (qui semble) presque unanime, voici une autre voix discordante, celle d'Antonio Socci - dont les commentaires se font ces derniers temps plus rares (peut-être est-il lui aussi gagné par la lassitude...).

80 ans, désir de politique


17 décembre 2016
www.antoniosocci.com
Ma traduction

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«Je suis allergique aux adulateurs» a récemment déclaré le pape Bergoglio interviewé par TV2000, ajoutant qu'il préfère ses critiques et même ses détracteurs aux adulateurs. Il a expliqué: «Nous, à Buenos Aires, nous les appelons ‘lecca calze’ (lèche-chaussettes) et l'image est justement celle de quelqu'un qui lèche les chaussettes d'un autre» (ndt: passons encore une fois sur la vulgarité des expressions utilisées par le Pape!!).

Les mots parlent d'eux-mêmes. Il reste à voir si le pontife argentin, dans ces quatre années, a fait quelque chose pour éloigner de lui les nombreuses adulations. Ses 80 ans (aujourd'hui) entraîneront tous les médias aux célébrations habituelles (nous verrons à quel point elles seront adulatrices), mais produiront également des bilans, et cette fois, des bilans de fin de saison.

CRÉPUSCULE
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Un peu parce que c'est l'âge canonique auquel l'Église a établi que les cardinaux quittent toutes leurs charges et perdent aussi le droit de participer au conclave.
Cela ne s'applique pas au Pape, mais d'une certaine façon, la question est dans l'air parce que si à 80 ans, on est considéré comme inapte à voter à un conclave, le problème se pose à plus forte raison pour une charge aussi lourde que celle du Pape (ndt: un argument à pondérer, du temps de Benoît XVI, je n'ai pas un instant éprouvé le sentiment qu'il était trop âgé).
Aussi parce qu'après la renonciation (encore fraîche) de Benoît XVI, le pape François a dit à plusieurs reprises que la «retraite» d'un pape doit maintenant être considérée comme naturelle, comme celle des évêques (qui advient à 75 ans). Du reste, il a déclaré avoir «le sentiment que mon pontificat sera bref, 4 ou 5 ans».
Et puis dans le monde, il y a eu un bouleversement géopolitique, en particulier avec la victoire Trump et la sortie de scène de la présidence Obama qui a été le cadre impérial de ce pontificat (comme on l'a vu lors de sa visite aux États-Unis, où Bergoglio - de façon totalement inhabituelle - s'est lancé à l'attaque du candidat Trump).

BILANS
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Il y aura donc deux types de bilans.
D'un côté, certains laïcs qui, comme Eugenio Scalfari, considèrent le pape Bergoglio comme un «révolutionnaire et un prophète», et même le seul pape révolutionnaire dans l'histoire .
De l'autre, certains catholiques qui, justement pour cette raison (parce qu'il a des ambitions révolutionnaires et semble vouloir démolir tout) le considérent comme une véritable catastrophe qui provoque des tremblements de terre dans l'Eglise .
Mais il peut y avoir une troisième possibilité. Entre ceux qui voient Bergoglio comme une sorte d' "alter Christus" (encore plus miséricordieux que Jésus, dont il démolit les commandements rigoureux) et ceux qui soupçonnent que le pape argentin est une sorte d'Antéchrist, il y a une troisième école de pensée.
Celle de ceux qui le voient comme un «pauvre Christ», placé - par une série de forces - dans un rôle trop au-delà de ses possibilités.
Ceux qui l'ont porté à cette haute charge s'attendent à ce qu'il «ouvre» l'Eglise au monde (c'est-à-dire qu'il abatte les murs de l'Église pour que ses ennemis puissent s'en emparer).
Lui - avec peu de connaissance théologique et une formation approximative, imprégnée de vieille "théologie de la libération" argentine - pense (ou veut penser) que c'est le moyen de faire revivre la foi chrétienne, sans se soucier du fait que là où sa recette a été expérimentée il y a eu une issue tragique et l'échec.
Animé d'un grand activisme et d'un air d'autorité (comme il le dit de lui-même), il se considère comme l'homme d'un tournant «irréversible» dans l'histoire du christianisme, mais le résultat qu'il a obtenu, c'est d'avoir envoyé l'Église dans un chaos doctrinal et pastoral dévastateur, faisant exploser des divisions jamais vues.

SANS PRÉCÉDENT
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Dans un récit de fiction qui vient de sortir en italien (ndt: "La sacrée semaine: qui changea la face du monde") , l'anthropologue français Marc Augé imagine que le dimanche de Pâques 2018, un 1er Avril, François apparaît au balcon de la basilique Saint-Pierre et annonce - urbi et orbi - que Dieu n'existe pas et n'a jamais existé.
Ç'aurait été impensable pour tout autre pape, mais de la part de Bergoglio, le monde séculier en arrive même à espérer cela. Parce qu'en réalité, il en a tellement dit qu'il ne manque plus que ce coup de pioche final. Cette annonce n'est en effet pas très éloignée de la phrase explosive qu'il a dite à Eugenio Scalfari, dans leur premier entretien: «Il n'y a pas un Dieu catholique» .
De sorte que depuis lors, on se demande «mais Bergoglio, il représente qui?». Et surtout, on se demande pourquoi les catholiques devraient aller à l'église (du reste, depuis le début de ce pontificat la pratique religieuse catholique est en chute libre ...).
Depuis cette interview d'ectobre 2013, même en laissant de côté les idées inouïes que lui attribue Scalfari (son confident), les déclarations déconcertantes du pape argentin se sont succédé dans un crescendo qui est désormais en train de mettre sens dessus dessous toute l'Église, contraignant même des cardinaux influents à intervenir publiquement pour demander à l'évêque de Rome qu'il précise ou se corrige (en effet, peu de gens savent qu'un pape ne peut pas faire ou dire ce qu'il veut, mais qu'il a le devoir de réaffirmer et défendre toujours et seulement la doctrine catholique, et non pas ses vues personnelles, en particulier si elles sont hétérodoxes).
Ces jours-ci, par exemple, il en a dites d'autres. Jeudi dernier, parlant aux malades, il a dit: «Dieu est-il injuste? Oui, il a été injuste envers son fils, il l'a envoyé sur la croix».
Une affirmation qui a suscité la perplexité parmi de nombreux fidèles qui l'ont considérée comme blasphématoire (comme d'autres de ses phrases précédentes). Mieux vaut en donner une interprétation bienveillante, c'est-à-dire penser qu'il s'agissait d'un regrettable malentendu.
Reconnaissant toutefois le continuel risque d'imbroglio d'un homme qui - avec peu de connaissances théologiques et sans profondeur spirituelle - s'aventure a braccio dans des thèmes très délicats. Par surcroît en se moquant et en attaquant durement les catholiques fidèles à la doctrine de l'Eglise contre lesquels il a forgé d'innombrableses expressions.

IMPASSE
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Ses cibles sont principalement ces évêques et ces cardinaux qui - fidèles à leur rôle - essaient de l'aider à retrouver sa route, en particulier avec les fameux "Dubia" liés à cette Amoris laetitia qui provoque le trouble et la confusion parmi le peuple chrétien .
Bergoglio refuse de répondre à la demande de clarification des cardinaux et réagit avec une dureté inexplicable. Evidemment, dans ce cas , il préfère les adulateurs à ceux qui lui posent - respectueusement - des questions graves et nécessaires.
Des intellectuels catholiques ont écrit que la situation de l'Eglise est si grave qu'elle rappelle la crise arienne du IVe siècle, quand - grâce à l'appui de l'empereur - l'hérésie arienne conquit la quasi-totalité des pasteurs et alors que la vraie foi catholique semblait sur le point d'être balayée.
C'est certainement excessif. Mais la confusion se répand et il y a un sentiment que Bergoglio s'est mis dans une impasse, en ne voulant plus parler à l'Eglise qui lui demande la confirmation de la foi.
Il ne lui reste que les questions politiques pour lesquelles la gauche anti-mondialiste le considère comme le leader. Andrea Riccardi lui-même, un de ses fans, notait hier sur le "Corriere della Sera" (ndt: article à lire ici www.corriere.it) qu'en opposition à Trump, «François constitue un point de référence alternatif, de l'écologie, aux migrations et à l'économie."

Donc, la messe est finie, reste la politique.