Le rôle de la femme dans la famille chrétienne


« Un peuple, dont le mariage et la famille se dissolvent, est destiné tôt ou tard à la ruine ». Discours de Pie XII aux femmes de l’Action catholique italienne en 1949 (17/6/2016)

 

C’est une bouffée d’air pur.

Certes, nous avons changé d’époque, et même de millénaire, mais beaucoup des déviances sociétales qui explosent aujourd’hui avec une force dramatique étaient en gestation dans l’immédiat après-guerre, et Pie XII en dénonçait déjà les dangers en s’adressant en 1949 aux femmes de l’action catholique italienne.

On ne peut qu’être impressionnés par la noblesse de la langue, qui appartient à cette autre époque, qui nous semble si lointaine - une noblesse qui n’exclut ni la chaleur ni la sensibilité: Pie XII, loin d’être le personnage hiératique et glacé de la légende noire forgée par les ennemis de l’Eglise, montre combien il se souciait de la vie quotidienne des petites gens.

Le discours a été publié ces jours-ci sur le site Riscossa Cristiana.
Seule la version italienne figure sur le site du Vatican.
Anna l'a traduit pour nous en français.

Aux femmes de l'Action Catholique venues à Rome de tous les Diocèses italiens pour célébrer les 40 ans de leur association
Basilique Vaticane, Dimanche 24 juillet 1949



Aussi légitime que soit votre joie, très chères filles, à commémorer les 40 premières années de votre Union, vous vous êtes aujourd'hui rassemblées autour de Nous avec des dispositions et des pensées bien plus élevées. Vous avez voulu marquer une étape dans votre vie ou, comme on a coutume de dire, pour "faire le point", c'est à dire revenir sur le chemin parcouru, considérer d'un œil sûr les circonstances où vous êtes actuellement; vous attendez maintenant de connaître de Nous quels sont les devoirs qu'elles vous imposent et les conseils que Nous allons vous donner. Pour résumer, vous entendez aujourd'hui établir l'itinéraire et le programme de votre prochaine étape.

Au cours de ces 40 années vous avez avancé courageusement, mais le monde a lui aussi marché, et à une rapidité vertigineuse. Il est donc question de voir en premier lieu si vous avez su hâter le pas, afin de ne pas vous laisser dépasser et rester inutilement en arrière. Mais ce qui importe est de voir que vous, assez fortes pour ne pas vous laisser entraîner par la course du temps, vous avez au contraire, d'une manière fût-elle minime, contribué à la guider, à la freiner ou l'accélérer, en un mot à la régler pour lui donner une plus grande fermeté et continuité.

Oui, le monde a marché, mais Nous n'entendons pas parler que des grands événements qui ont marqué les dates mémorables de son histoire, et surtout des deux guerres mondiales, lesquelles - la deuxième incomparablement plus que la première - ont imposé aussi à la femme italienne des sacrifices inouïs et surhumains. Nous pensons surtout à l'évolution accomplie dans cette période de temps dans les conditions de votre vie. Évolution qu'il conviendrait plutôt d'appeler un renversement complet.

Lorsque votre Union est née, cette mutation avait peut-être déjà commencé en quelques points. Maintenant elle est accomplie. La femme italienne, et surtout la jeune, est sortie de la réserve et de l’effacement domestique et est largement entrée dans les postes, les bureaux, les responsabilités et les droits qui étaient auparavant exclusivement propres de l'homme. La femme italienne, et cela est à son honneur, n'est pas entrée le cœur léger dans la vie publique de la nation. Devenue majeure, indépendante et ayant des droits égaux, elle est aujourd'hui sur un pied d'égalité avec l'homme dans l'économie et le travail, dans la science et dans l'art, dans les professions libérales, dans les offices publiques et dans le partage des décisions politiques et administratives de l'État et des Communes.

Déjà à plusieurs reprises, Nous avons eu l'occasion d'exposer les conséquences de cette transformation et de mettre en lumière les obligations qui en découlent. Nous l'avons fait dans les circonstances les plus variées: assemblées de femmes italiennes, Congrès internationaux des femmes catholiques; audiences aux jeunes femmes et aux nouveaux mariés. Nous avons traité de ce sujet aussi bien en général que selon les conditions particulières de la femme: ouvrières, employées, enseignantes, participantes à la vie publique. Que pourrions-Nous donc ajouter sur de si graves questions dont Nous avons si souvent parlé?

Nous sommes néanmoins encouragés à en parler à nouveau avec vous, Femmes de l'Action Catholique, afin de vous recommander un avec ferveur renouvelée les besoins de la famille et de la jeunesse.

Il Nous faut tout d'abord, du fond de Notre âme, adresser d'humbles remerciements au Seigneur Tout-Puissant pour la grande œuvre que vous avez pu réaliser pendant les quatre décennies passées. Que de bonne volonté, que de dévouement, que d'héroïsme chrétien! La devise "Fortes in Fide", que vous avez choisie, est devenue votre éloge. Combien doit à votre apostolat la conservation de la foi et de la vie chrétienne chez le peuple italien; combien vaste a été votre action charitable dans la paix et la guerre, en faveur de toutes les classes de la population! La main de Dieu vous a conduites; la grâce de Dieu vous a fortifiées. Qu'Il en soit loué et glorifié!

Nous vous remercions finalement de façon particulière, filles bien-aimées, pour avoir réalisé une mission de grande importance: éduquer et guider la femme italienne dans l'accomplissement des devoirs importants qui, devant Dieu et sa propre conscience, lui sont échus. C'était un travail hardi et plein d'abnégation celui que vous avez accompli pour la cause de Dieu et pour les biens les plus élevés de la Nation, pour sa civilisation chrétienne. Le Seigneur a béni votre œuvre.

Et maintenant, chères filles, examinons plus de près notre sujet, car beaucoup reste à faire et l'Église attend beaucoup de votre zèle infatigable.
Les appels à l'aide, de plus en plus hauts et perçants, s'élèvent du sol européen et d'au-delà des mers, à cause des conditions malheureuses de la famille et de la jeune génération. Que la guerre en ait en grande partie la faute, c'est bien connu. Elle est surtout coupable de la violente et funeste séparation de millions d'époux et de familles et de la destruction d'innombrables logements.

Mais il est également vrai que la véritable raison d'un si grand mal est encore plus profonde. Elle doit être recherchée dans ce qu’on désigne sous le terme générique de matérialisme, dans la négation ou du moins dans la négligence ou le mépris de tout ce qui est religion, christianisme, soumission à Dieu et à sa loi, devenir et éternité. Le matérialisme, comme une haleine pestilentielle, envahit de plus en plus l'être tout entier et produit ses fruits les plus maléfiques dans le mariage, dans la famille et chez les jeunes.

On peut dire que l'opinion selon laquelle la moralité de tant de jeunes est en décadence constante, est unanime. Non seulement de la jeunesse des villes. Chez celle des campagnes aussi, là où fleurissaient naguère des coutumes saines et robustes, la dégradation morale est à peine inférieure, alors que beaucoup de ce qui incite dans la ville vers le luxe et le plaisir a eu la voie libre aussi dans le village.

Il est superflu de rappeler combien la radio et le cinéma ont été usés et abusés pour diffuser ce matérialisme, et combien eux, le mauvais livre, la licencieuse revue illustrée, le spectacle sans pudeur, le bal immoral, le manque de modestie des plages, ont contribué à augmenter la superficialité, la mondanité, la sensualité de la jeunesse. Les rapports, qui parviennent des régions les plus diverses, signalent ces occasions comme des centres d'abandon moral et religieux des jeunes. Toutefois, le responsable est en premier lieu l'éclatement des mariages, dont l'abaissement moral de la jeunesse peut être désigné comme l'indice et la conséquence funeste.

Il est très possible que ce triste cadre ne s'applique pas dans la même mesure à tous les Pays et que l'Italie compte encore parmi les régions qui /restent encore les plus saines. En effet, nous avons nous-mêmes très souvent admiré les rangs pleins d'assurance d'une jeunesse magnifique, pure, forte, hardie, prête à tout sacrifice pour défendre la foi et la vertu. Et cependant, dans votre Patrie aussi, la jeune génération a été durement touchée.

Pour quels objectifs autres que le salut de la famille et de la jeunesse l'Église devrait-elle œuvrer avec le plus de force ? Dans ce but elle fait spécialement appel à vous, femmes et mères chrétiennes. Vous avez déjà depuis longtemps œuvré à cet objectif et en avez fait le sujet de vos discussions. Les vœux conclusifs de votre Congrès témoignent du noble et apostolique effort d'adapter les nécessités de la société domestique chrétienne aux circonstances présentes. Pour Notre part Nous souhaitons attirer votre attention sur trois points:

1) D’abord, que vous sachiez que tout ce qui peut contribuer à une saine politique sociale pour le bien de la famille et de la jeunesse chrétienne peut toujours compter sur l'aide efficace de l'Église.

Ce que Nous avions dit il y a deux ans aux Hommes de l'Action Catholique, Nous vous le répétons: L'Église catholique soutient fermement les exigences de la justice sociale.

Parmi ces exigences, celle de procurer au peuple les logements nécessaires. En premier lieu pour ceux qui entendent fonder une famille ou sont déjà en train de la fonder. Pourrait-on concevoir une mesure sociale plus urgente? Comme il est pénible est de voir que des jeunes, dans l'âge où la nature incite davantage au mariage, doivent attendre des années et des années uniquement à cause du manque de logement, avec le danger que dans cette attente éprouvante ils flétrissent moralement! Favorisez donc, pour votre part, avec votre propagande et votre action, la mise à disposition de logements, afin que la dignité du mariage et l'éducation chrétienne des enfants n'aient pas à souffrir de ce manque.

Nous bénissons aussi vos écoles d'économie domestique et en général tout ce qui tend à favoriser l'instruction et la formation de la femme au gouvernement de la maison, l'aménagement de sa propre demeure, le soin et l'éducation des enfants; tout ce qui sert à la préparation, non seulement physiologique mais plus encore, spirituelle et sociale, au mariage; tout ce que vous consacrez à la pensée du choix et de formation à votre profession future. N'oubliez pas toutefois que parmi les vocations de la femme il y a aussi la vocation religieuse, l'état de la vierge consacrée à Dieu. Cette remarque est aujourd'hui d'autant plus opportune car dans la très juste évaluation de l'action apostolique dans le monde une ombre de naturalisme, à peine perceptible, pourrait parfois s'insinuer, qui voilerait la beauté et la valeur féconde inhérente au don total du cœur et de la vie. Aujourd'hui l'apostolat de l'Église n'est presque plus concevable sans la coopération des religieuses dans les œuvres de charité, dans l'école, dans l'aide au ministère sacerdotal dans les missions. Il appartient donc aux femmes italiennes d'assurer pour l'Italie les vocations nécessaires. Œuvrez à les susciter! Vous savez déjà que leur effet bénéfique se déverse des vierges consacrées à Dieu sur les familles elles-mêmes, par de nombreuses manières.

2) Si d’un côté nous reconnaissons l'importance d'une saine politique sociale pour le salut de la famille et de la jeunesse chrétienne, elle ne reste cependant qu'un élément préliminaire. Autrement la famille des classes socialement élevées ne serait pas (comme elle est en réalité) également, ou même davantage, exposée à la décadence que celles plus socialement accablées.

Pour la famille comme pour la jeunesse le cancer est l'affaiblissement de la foi et de la crainte de Dieu, de la piété et de l’application, l'infiltration du matérialisme non seulement dans la pensée et le jugement, mais aussi dans la pratique de la vie, même chez ceux, nombreux, qui entendent rester de fidèles croyants.

Contre ce mal il n'y a qu'un seul remède: la fermeté de la foi chez les parents, qui par l'exemple et avec l'instruction religieuse et l'éducation morale génère aussi chez les enfants une foi inébranlable.

Fermeté de la foi! Aucune superficialité donc, aucune forme sans contenu, pas plus qu'une piétié de pur sentiment. Les usages pieux, traditionnels dans les familles chrétiennes, à commencer par le Crucifix et les images sacrées, doivent sans doute être tenus dans le plus grand honneur. Mais elles n'ont leur vrai sens que si elles sont fondées sur une solide foi intime, au centre de laquelle sont les grandes vérités religieuses. Quelle immense valeur a, par exemple, pour l'homme actif et croyant l'idée de l'omniprésence de Dieu, quelle aide incomparable pour l'éducation des enfants!

L'exemple des parents! Qui n'en connaît pas l'irremplaçable efficacité? La prière du père et de la mère ensemble avec les enfants, la scrupuleuse fidélité dans la sanctification des fêtes, le langage respectueux, lorsqu'il est question de la religion et de l'Église, placidité et diligence, conduite honnête, loyale, irréprochable dans la vie.

L'éducation religieuse des enfants! Doux office de la mère dans leurs premières années! Vous, les mères, vous avez alors les enfants en vos mains. Mais le temps qu'on aurait alors perdu, ne pourrait guère être rattrapé, et ce qui a été semé alors en leurs âmes, ne pourrait plus guère être entièrement effacé. En cela consiste votre succès plein de promesses, ô mères chrétiennes, mais aussi votre responsabilité.

3) L'éducation morale de la jeunesse! Elle est d'une telle importance qui, bien que déjà incluse dans les points précédents, elle mérite d'être considérée à part.

Autrefois, lorsque la mère de famille voyait apparaître chez ses enfants les premiers symptômes de l'adolescence et qu’elle redoublait sa vigilance et ses soins pour protéger leur innocence, pour fortifier leur vertu dans la crise de l'âge, elle sentait ses inquiétudes se calmer en les voyant rester fidèles à leurs devoirs religieux, à la sanctification des dimanches et des fêtes.

Aujourd'hui le respect du précepte de la fête [religieuse] n'est plus une garantie sûre pour la conduite morale de la jeunesse. Cette scission de la religion et de la moralité est très significative. Car ces deux éléments, s'ils sont authentiques, forment une unité indivisible. Il y a sans doute toujours eu des fautes morales. Mais lorsque la vie religieuse était saine et solide, elle martelait aussi la conscience, personnelle et publique.

Ici aussi, il n'y a qu'un seul remède. Dès ses premières années, gardez devant les yeux de l'enfant les commandements de Dieu et habituez-le à les observer. La jeunesse d'aujourd'hui, non moins que celle des temps passées, est disposée et prête à bien agir et à servir Dieu. Mais elle doit être éduquée à cela.

Opposez au désir du luxe et du plaisir l'éducation à la franchise et à la simplicité. La jeunesse doit à nouveau apprendre à se dominer et à faire face aux privations. Il ne doit pas arriver qu'elle pèse sur ses parents avec des demandes qu’il leur est impossible de satisfaire. Simplicité de vie et parcimonie ont été de tous temps les vertus propres du peuple italien. Elles doivent rester telles. L'économie nationale elle-même l'exige.

Éduquez la jeunesse à la pureté. Aidez-la, lorsqu’une parole de clarification, un conseil, un guide sont nécessaires. N'oubliez pas toutefois qu'une bonne éducation qui embrasse toute la vie, surtout l'habitude à se dominer, est aussi la meilleure formation dans ce domaine.

Éduquez-la à l'obéissance et au respect envers l'autorité. Chose aisée, celle-ci, lorsque l'homme se soumet à Dieu et reconnaît la valeur inconditionnelle de ses commandements. Pour l'incroyant, celui qui nie Dieu, aucune autorité vraie, juste, ordonnée ne peut exister, car "il n’y a d’autorité qu’en dépendance de Dieu" (Rom, 13,1).

Il [l'incroyant] ne peut tenir ni être tenu sinon par la crainte et par la force.
Ce ne sont là qu'autant de vérités élémentaires. Mais justement elles sont trop souvent négligées et oubliées. Et pourtant le redressement ne peut venir que si ces exigences fondamentales sont fidèlement accomplies.

Allez donc au travail, très chères filles, ou plutôt poursuivez-le sans relâche dans une claire vision de l'objectif auquel vous tendez: le salut du mariage chrétien, de la famille et de la jeunesse. Les peines et les épreuves auxquelles vous êtes soumises sont réellement pour la cause de Dieu et de l'Église, en même temps que pour les intérêts suprêmes de votre peuple et de votre Patrie. Puisque vaut le principe: Un peuple, dont le mariage et la famille se dissolvent, est destiné tôt ou tard à la ruine.

Que le Seigneur soit avec vous; qu'il produise en vous "le vouloir et le faire, selon Son projet bienveillant" (Phil. 2, 13).

Que Sa Très Sainte Mère Marie, votre vie, votre consolation et votre espérance, garde en votre Union l'esprit de respect mutuel, de confiance, d'amour et de zèle apostolique; en gage desquels Nous donnons à vous toutes de tout cœur Notre paternelle Bénédiction Apostolique.