L'Eglise des martyrs (II)


C'est au tour de Maurizio Blondet de commenter la mort horrible des deux petites Soeurs de Mère Teresa assassinées au Yémen (13/3/2016)

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L'Eglise des martyrs (I) : La père Scalese.

"L'indignation" du Pape
lors de l'Angelus du 5 mars 2016

«J’exprime ma proximité aux Missionnaires de la Charité pour le grave deuil qui les a frappées il y a deux jours, suite à l’assassinat de quatre religieuses à Aden, au Yémen, où elles assistaient les personnes âgées. Je prie pour elles et pour les autres personnes tuées lors de l’attaque, ainsi que pour leurs familles. Voilà les martyrs d’aujourd’hui ! Ils ne font pas la une des journaux, ils ne défraient pas la chronique : ils donnent leur sang pour l’Église. Ces personnes sont victimes de l’attaque de ceux qui les ont tuées, mais aussi de l’indifférence, de cette mondialisation de l’indifférence, qui s’en désintéresse... Que Mère Teresa accompagne au paradis ses filles martyres de la charité, et qu’elle intercède pour la paix et le respect sacré de la vie humaine».
(w2.vatican.va)

Le sang des martyrs



Maurizio Blondet
9 mars 2016
Traduction d'Anna

* * *

J'ai devant les yeux les photos des deux petites sœurs de Mère Teresa massacrées pour la foi, au Yémen. Au Yémen, comprenez-vous? Là dont tous ceux qui le peuvent s'échappent - elles y étaient. Elles soignaient des vieillards musulmans, malades, ceux qu'aucun musulman ne soignerait s'il n'était pas de la famille. Excusez-moi, mais elles ont montré la supériorité du Christ à l'Islam, à toute autre religion. Quand je voyais ces petites sœurs aller, toujours affairées ,dans les rues de Calcutta, ou de l'Ukraine d'avant, pour laver des malades vieux et méchants, ou dans les hideuses banlieues de New York où elles étaient les seules à s'occuper des malades du Sida, les très riches homos abandonnés soudainement par tous leurs amants, je pensais toujours: elles ne courent aucun danger. Elles sont protégées, même aux yeux de ceux qui ne croient pas, par leur innocuité même, par leur sourire inoffensif. Quiconque dit: "Le Dieu de Mère Teresa n'est pas mon Dieu", se condamne lui-même. Qui pourrait être aussi stupide dans sa méchanceté?

Au Yemen, des wahhabites en uniforme l'ont fait. Ils les ont tuées avec leurs assistants et leurs patients.
Et le Pape? Vous trouvez normal, ce qu'il a dit sur ces petite sœurs tuées? (ndt: le Pape a "expédié" le sort de ces malheureuses en 5 lignes, avant de passer aux "couloirs humanitaires por les réfugiés", une initiative oecuménique "soutenue par la Communauté de Sant’Egidio, la Fédération des Églises évangéliques italiennes, les Églises vaudoises et méthodistes")
«Ces personnes sont victimes de l'attaque de ceux qui les ont tués (sic) et aussi de l'indifférence, de cette globalisation de l'indifférence, à qui rien n'importe».
Il n'a pas eu le courage de dire le nom «de ceux qui les ont tués», ni leur religion, ni qu'elles sont mortes pour la foi. D'après lui elles ont elle tuées «par la globalisation de l'indifférence». Voulait-il dire : par le fait de ne pas apparaître dans les journaux ou les journaux télévisés?

Est-ce cela qui compte? Pour lui, peut-être. Pas pour elles.

Je regarde les photos. Deux petites sœurs jeunes, aux pieds foncés du Thiers Monde. On voit qu'elles avaient les tabliers à carreaux des servantes, des aides soignantes, afin de ne pas salir leur sari - elles n'en ont que deux , elles en portent un et l'autre, le lavent, elles le changent tous les jours. Des saris bon marché, des tabliers bon marché, la nourriture qu'elles mangent est bon marché: tout dans leur vie est bon marché. Sauf le sang qu'elles ont versé. Ce sang là est dit 'précieux'.

Ce n'est pas un mot par hasard: dans le Bouddhisme aussi on prie le «Précieux Seigneur», le Bon Pasteur. C'est un mot que toute théologie sérieuse, qui a choisi le Bien, trouve spontanément. Il traduit la nature de joyau, de diamant et de rubis; elle fait allusion à l'essence minérale incorruptible, rare, transparente et inestimable de ce sang qui est versé sans épargner, au lieu d'être thésaurisé.

Jamais le sang des martyrs n'a fait la une des journaux, ou [du] Pape. Ce sont toujours des morts oubliés, personne pour les défendre, personne pour raconter. Les mouches ou les taons ne sentent pas l'odeur de ce rubis, de ce saphir, de ce diamant de qui a renoncé à Satan, à la séduction de ses œuvres. Sa mort est humble comme l'est la vie sans défense, comme celle de la Jacinte de Fatima qui mourut à neuf ans «pour sauver les âmes de l'enfer», dans un hôpital de Lisbonne, parmi ces odeurs d'hôpital des pauvres, sans maman ni papa. Et sans les journalistes pour en donner la nouvelle. «Et maintenant, Jésus, tu en sauveras beaucoup, car j'ai fait un sacrifice très gros», dit-elle une fois dans son petit lit. Elle avait conquis des droits sur Dieu.

L'Autre, par contre, l'ennemi, il sait très bien où frapper. Il ne pouvait pas laisser de côté les petites sœurs de Mère Teresa. Il avance, il est en train d'éteindre toutes les lumières , l'une après l'autre, les lumières sacramentelles, les lumières de la Présence Réelle, les lumières de ceux qui ont renoncé, et continuent chaque jour de renoncer à ses séductions et à ses œuvres.

Ils feignent tous de ne pas s'apercevoir de cette avancée. Parmi les rares, je me félicite de pouvoir en citer un qui par sa formation devrait être loin de ce genre de sagesse et de sensibilité: Giulietto Chiesa (il a été membre du PCI!, ndt). Sur sa page Facebook, il vient de poster cela:

Message aux navigants
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Des messages inquiétants me parviennent, y compris dans les faits divers quotidiens. Des signaux de véritable folie des individus. Et aussi des peuples (car depuis un bon moment j'ai compris que les peuples peuvent devenir fous, exactement comme cela arrive aux individus). Cela s'est produit aussi à d'autres époques, mais plus rarement. Je ne peux pas en donner des exemples ici, mais chacun peut en trouver dans sa propre expérience.
Ce qui se produit en ce moment est toutefois très angoissant. C'est comme si tous, beaucoup, étaient en train de "perdre le contrôle" d'eux-mêmes. J'ai une explication possible (non pas certaine, mais probable): nous sommes en train d'entrer à haute vitesse en des zones inconnues de la psyché humaine, où nos habitudes ne fonctionnent plus en défense de nos équilibres. C'est l'effet du choc de "modernisation", de "globalisation". Les technologies que nous avons construites sont en train d'accélérer avec une violence inouïe un nombre important de nos fonctions cérébrales. Mais l'évolution technologique (mesurable désormais à l'échelle de quelques années) n'a rien à voir avec les temps d'adaptation de l'individu qui se mesurent à l'échelle de centaines de milliers d'années, pour le moins de siècles. Raison pour laquelle, je crois, nous sommes en train de devenir de plus en plus "déséquilibrés", selon le degré de dépendance aux facteurs "non naturels" que chacun de nous (et nous tous ensemble) est en train d'introjecter dans sa psyché.



"Nous entrons à grande vitesse en des zones inconnues de la psyché humaine" : c'est bien dit.