Les musulmans vont à la messe (suite)


Après Mgr Livi, c'est au tour de Sandro Magister (qui revient également sur l'interview en vol de retour des JMJ) et d'Aldo Maria Valli de s'interroger sur l'incongruité de cette mascarade (1/8/2016)

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Les musulmans à la messe



J'aurais pu intituler cet article "L'effet d'altitude a encore frappé"... si ce titre n'avait pas déjà servi pour le retour d'Arménie, il y a un peu plus d'un mois (L'effet d'altitude a encore frappé! (I)).
Cette fois, dans l'avion qui le menait de Cracovie à Rome, le Pape a répondu à une question sur l'assassinat du Père Hamel. Et il a tenu des propos surréalistes...
Voici ce que rapporte Le Figaro:

«Je n'aime pas parler de violence islamique, parce qu'en feuilletant les journaux je vois tous les jours que des violences, même en Italie: celui-là qui tue sa fiancée, tel autre qui tue sa belle-mère, et un autre… et ce sont des catholiques baptisés! Ce sont des catholiques violents. Si je parle de violence islamique, je dois parler de violence catholique. Non, les musulmans ne sont pas tous violents, les catholiques ne sont pas tous violents. C'est comme dans la macédoine, il y a de tout… Il y a des violents de cette religion…»
«Une chose est vraie: je crois qu'il y a presque toujours dans toutes les religions un petit groupe de fondamentalistes. Nous en avons. Quand le fondamentalisme arrive à tuer… mais on peut tuer avec la langue comme le dit l'apôtre Jacques, ce n'est pas moi qui le dit. On peut aussi tuer avec le couteau, non?»
«Je crois qu'il n'est pas juste d'identifier l'islam avec la violence, ce n'est pas juste et ce n'est pas vrai. J'ai eu un long dialogue avec le grand iman de l'université Al-Azhar et je sais ce qu'ils pensent. Ils cherchent la paix, la rencontre.»


Cela n'a évidemment pas échappé à Sandro Magister, qui constate avec (un feint) soulagement qu'heureusement, personne n'a demandé au Pape de commenter l'initiative de quelques musulmans ce dimanche, en France et en Italie, de se rendre dans les églises pendant la messe en signe de solidarité avec les catholiques.

Le monde à l'envers.
Les catholiques tuent la belle-mère, les musulmans vont à la messe


Sandro Magister
Settimo Cielo
1er août 2016
Ma traduction

* * *

La conférence de presse de François sur le vol de retour de Cracovie à Rome a été plus courte que d'habitude. Mais elle a suffi pour réécouter sa lecture personnelle du terrorisme islamiste, lecture dont il est évidemment archi-convaincu.

Cette fois il a même assimilé sous une forme plus que jamais explicite «le petit groupe fondamentaliste» de l'Etat islamique au «fondamentalisme» que «nous, les catholiques» avons aussi, «celui qui tue sa petite amie ou sa belle-mère», sinon avec un couteau, au moins «avec la langue», c'est pourquoi «si je parle de violence islamiste, je devrais également parler denviolence catholique, des catholiques baptisés».

Et encore une fois le Pape a désigné «le premier terrorisme, le terrorisme de base contre toute l'humanité», dans le fait de «mettre au centre de l'économie le dieu argent».

Face à de telles déclarations répétées, incorrigibles, il ne reste qu'à se rendre. Heureusement que personne n'a interpelé le pape à propos de ce qui était arrivé le matin même dans différentes églises de France et d'Italie, après l'appel lancé par certains musulmans à d'autres musulmans d'y entrer pour assister à la messe, en signe de solidarité pour le meurtre du père Jacques Hamel.

Les éloges et les adhésions à ce geste se sont répandus, y compris de la part de hautes autorités de l'Eglise.

Personne n'a noté le silence complet dans lequel s'est enfermé à cet égard, le cardinal Robert Sarah , le grand gardien de la liturgie catholique authentique, en sa qualité de préfet de la congrégation pour le culte divin.

Mais heureusement, quelque voix sensée est venu rompre le chœur des applaudissements, simplement pour rappeler que la messe n'est pas une rencontre fraternelle comme beaucoup d'autres, mais qu'elle est "culmen et fons" - sommet et source de la foi chrétienne, elle est le "mysterium fidei» auquel même les catéchumènes n'avaient pas accès.

> Le philosophe et théologien Antonio Livi: Musulmans à la messe: un acte insensé (traduit ici: Les musulmans à la messe)
> Le vaticaniste Aldo Maria Valli: Des musulmans dans les églises catholiques? (cf. ci-dessous)

La déconstruction du sacrement de l'Eucharistie est en cours depuis un certain temps dans l'Eglise catholique, sous forme consciente ou non. Le geste du dimanche 31 juillet a été un nouveau coup.

Des musulmans dans les Églises catholiques?


Aldo Maria Valli
31 juillet 2016
Traduction d'Anna

* * *

Puis-je le dire? J'ai trouvé très respectueux, digne et cohérent le choix des musulmans qui ont décidé de ne pas aller dans les églises catholique pour manifester leur opposition au terrorisme de matrice islamiste et leur solidarité avec les chrétiens. Oui, vous avez bien compris: j'ai bien dit le choix de ne pas y aller. Pourquoi ai-je dit que c'était un choix respectueux, digne et cohérent?

Pour répondre il faut réfléchir à ce qu'est une église catholique. Non pas un simple lieu de rencontre, non pas une sorte de salle de la communauté, et pas non plus un lieu de prière. Non, l'église, toute église consacrée, est bien davantage: elle est la maison de Dieu, des hommes qui croient en Dieu et en le Fils de Dieu, Jésus, qui y est réellement présent dans le tabernacle. C'est donc le lieu le plus pleinement sacré, car marqué par la présence réelle du Christ.

Des mots de Benoît XVI me viennent à l'esprit. Ils font partie d'une homélie prononcée le 10 décembre 2006 et disent ceci:

« La Parole de Dieu n'est pas seulement parole. En Jésus Christ celle-ci est présente parmi nous comme Personne. Tel est le but le plus profond de l'existence de cet édifice saint: l'église existe car en elle nous rencontrons le Christ, le Fils du Dieu vivant. Dieu a un visage. Dieu a un nom. Dans le Christ, Dieu s'est fait chair et se donne à nous dans le mystère de la Très Sainte Eucharistie. La Parole est chair. Elle se donne à nous sous les apparences du pain et devient ainsi véritablement le Pain dont nous vivons. Nous les hommes, nous vivons de la Vérité. Cette Vérité est Personne: celle-ci nous parle et nous lui parlons. L'église est le lieu de rencontre avec le Fils du Dieu vivant et, ainsi, elle est le lieu de rencontre entre nous. ».

Ce sont des concepts très clairs qui ne nécessitent pas de commentaires. Je veux juste ajouter une autre pensée, toujours du Pape Ratzinger, concernant l'endroit où a lieu le sacrifice eucharistique, à savoir l'autel. Benoît XVI en a parlé le 21 septembre 2008 dans la messe, avec dédicace de l'autel, célébrée dans la cathédrale d'Albano:

« Dans la liturgie romaine, le prêtre, une fois l'offrande du pain et du vin accomplie, penché vers l'autel, prie à voix basse: "Humbles et repentis accueilles-nous, Seigneur: que notre sacrifice qui est aujourd'hui accompli devant toi, te soit agréable". Il se prépare ainsi à entrer, avec toute l'assemblée des fidèles, au cœur du mystère eucharistique […]. L'autel du sacrifice devient, d'une certaine manière, le point de rencontre entre Ciel et terre; le centre, pourrions-nous dire, de l'unique Eglise qui est céleste et dans le même temps en pèlerinage sur la terre, où, entre les persécutions du monde et les consolations de Dieu, les disciples du Seigneur en annoncent la passion et la mort jusqu'à son retour dans la gloire ».

Maintenant la raison pour laquelle je partage le choix de ces musulmans qui ont décidé de ne pas entrer dans les églises catholiques est plus claire. La raison est très simple: Jésus, pour les musulmans, n'est pas objet de vénération. Le Coran le considère en effet comme un grand prophète, connu pour ses miracles, mais la vénération est réservée uniquement à Mahomet. Pas seulement. Le Coran nie résolument, et condamne, l'idée que Jésus est le Fils de Dieu. « Les versets contre la trinité - souligne un islamiste sérieux et compétent comme le père Samir Khalil Samir - sont très clairs et n'ont pas besoin de tant d'interprétations ». Pour de nombreux musulmans, les chrétiens, justement à cause de la Trinité, sont des polythéistes ou des faux monothéistes. En plus de nier totalement la divinité du Christ, le Coran nie la rédemption: il y est même affirmé que le Christ n'est pas mort sur la croix mais qu'un sosie a été crucifié. Le Coran et les musulmans, en somme, nient les dogmes essentiels du christianisme: Trinité, incarnation, rédemption (*).

Dans ces conditions, ne pas entrer dans une église, mais prier ailleurs, est donc pour un musulman un signe de grande cohérence et respect (**). Un signe qui, entre autre, nous aide à nous rappeler qu'une église est quelque chose de très différent d'une mosquée. Cette dernière n'est en effet pas à proprement parler un lieu de culte, mais un lieu de rencontre pour les membres de la communauté, un lieu où non seulement on prie mais où l’on reçoit des directives de toutes sortes: morale, sociale, et même politique. Un lieu où l’on ne célèbre pas dans le sens chrétien du terme, aussi parce que il n'y a pas un administrateur du culte consacré à ce but. Penser donc accueillir les musulmans dans une église comme si l'église était "la mosquée des catholiques" signifie donc ne faire qu'une grande confusion et ne pas respecter les différences.

Un théologien comme Mgr Antonio Livi est allé jusqu'à affirmer que la présence de musulmans dans l'église est, littéralement, absurde: elle n'a pas de sens. Elle n’en a pas parce que les musulmans ne croient pas dans les mystères chrétiens qui sont célébrés dans une église catholique, à la présence réelle du Christ. Elle n’en a pas parce que les musulmans, ce sont encore les mots de Mgr Livi, « professent une foi religieuse qui est non seulement différente mais explicitement contraire à la fois catholique ». C'est un jugement qui sonne dur à nos oreilles habituées au politiquement correct, mais c'est indubitable.

J'ajouterai que, compte tenu de ce que j'ai essayé d'expliquer (et qui pour un catholique devrait finalement être évident), le fait de penser que la présence de musulmans dans une église ne représente pas un problème trahit une idée protestante, non catholique, de l’église elle-même. Ce sont les protestants qui ont "désacralisé" l'église la réduisant à un lieu de rencontre de la communauté des fidèles.

J'ai lu dans les journaux divers témoignages de simples fidèles musulmans qui, décidant de ne pas entrer dans l'église mais de prier dans leurs lieux habituels de rencontre, ont exprimé non pas du mépris pour les catholiques, mais un respect profond. Nous devons les en remercier, car dans le domaine religieux aussi nous vivons un temps de grande confusion et d’approximation, un temps dominé par l'aplatissement et l'incapacité de distinguer les particularités.

Mais toi, diront certains, de cette façon, tu nies la possibilité d'exprimer concrètement le sentiment de fraternité, si important dans cette phase où nous sommes tous menacés par les extrémismes violents. Je réponds que ce n'est pas le cas. Le sentiment de fraternité peut être exprimé très bien, beaucoup mieux, en évitant des confusions et approximations. « Chacun chez soi » peut paraître une vilaine formule, non seulement impolie mais aussi porteuse de division, mais si nous la jugeons ainsi c'est justement parce que nous ne sommes plus capables de faire des distinctions, parce que nous sommes tous soumis au dogme du nivellement. Au contraire, les différences existent, elles sont importantes et doivent être connues. C'est uniquement en les connaissant et en en tenant compte qu'un vrai dialogue peut être développé, pour autant qu'il y en ait la volonté. Dans le cas contraire ce n'est qu'un vide parler à soi-même.

Certains pourront aussi objecter que le fait de raisonner ainsi signifie ne pas évoluer avec le temps et avec l'exigence, tellement pressante, de l'accueil. Pour répondre je ne vais pas trainer trop longtemps. Une pensée du bon vieux Chesterton me suffit: « 90 pour cent de ce que nous appelons les nouvelles idées, sont simplement de vieilles erreurs »

* * *

(*) C'est bien de souligner que nous ne croyons pas au même Dieu, contrairement à que qu'affirment presque tous les journalistes, et plus grave, une grande partie des catholiquies, voire même (encore plus grave!!!) des hommes d'Eglise.

(**) C'est peut-être, et même sûrement un éloge excessif des musulmans. AM Valli pèche par optimisme, ou naïveté...