L’Europe s’est construite sur des murs



Au lendemain de la remise du Prix Charlemagne, conféré au Pape en récompense de son engagement en faveur de l'intégration européenne (?), la petite leçon d’histoire d’Antonio Socci à François (8/5/2016)

>>> Le Pape et les racines de l'Europe



La bataille de Lépante (1571) par Ferrando Bertelli (1572)


"François contre les racines judéo-chrétiennes".

(Titre enthousiaste du journal "Il Fatto Quotidiano" [*] d'aujourd'hui après le discours bergoglien sur l'Europe)


www.antoniosocci.com
8 mai 2015
(Ma traduction)

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L'attribution du prix Charlemagne au pape Bergoglio déclenche l'hilarité. C'est comme attribuer un Prix Saint Thomas d'Aquin à Eugenio Scalfari.

Comme on pouvait s'y attendre le pape argentin - après avoir mis au panier les «racines chrétiennes de l'Europe» et les «principes non négociables» qui sont à la base de la civilisation européenne - a proclamé son unique «principe non négociable»: l'immigration. Et, avec elle, le naufrage de l'Europe.
Du reste - en dépit de l'intitulé du prix - l'Europe technocratique et laïque (c'est-à-dire sous la conduite des allemands et des français) en faillite, a depuis longtemps déjà renié Charlemagne et le Saint Empire romain germanique, autrement dit la culture chrétienne qui a construit l'Europe des peuples.
Bergoglio nous a invités à faire mémoire du passé, mais lui-même est à jeun d'histoire. En effet, il a répété la vieille rengaine habituelle sur le devoir de «construire des ponts et d'abattre les murs», ignorant le fait que l'Europe est née, littéralement, de la construction de solides murs de frontières, défendus pendant des millénaires avec l'épée.


MURS POUR SE DÉFENDRE DE L'ISLAM
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Les Francs construisirent le premier noyau de leur royaume et du Saint-Empire romain au moment où, à Poitiers, en 732, ils dressèrent un rempart (l'expression italienne est "fare muro", litt. "firent mur") pour arrêter la première invasion islamique qui, venant d'Espagne, essayaient de conquérir l'Europe.
Charles Martel remporta la victoire avec l'aide des Wisigoths, des Bavarois, des Alamans, des Saxons et des Gépides.
Ce fut le premier mur de défense de la civilisation européenne naissante qui prenait forme dans les monastères bénédictins, où l'on conservait et transmettait les trésors de la culture grecque, judéo-chrétienne et latine et où l'on faisait renaître le travail, l'agriculture et l'économie.
Mis à part les batailles de Charlemagne dans les Pyrénées, l'Europe, continuellement pillée par les Sarrasins, s'est sauvée parce que lors des deux autres, colossales, tentatives d'invasion musulmane, les Européens dressèrent encore une fois un rempart et remportèrent la victoire. A Lépante en 1571 grâce à la flotte de la Sainte Ligue armée par le pape Pie V (à l'époque les papes défendaient la chrétienté de l'islamisation, tandis que celui d'aujourd'hui veut abattre les frontières et encourager l'invasion).
La troisième fois où l'invasion islamique de l'Europe a été conjurée, c'était en 1683, sous les murs (solides) de Vienne.
L'Empire ottoman avait déjà conquis l'empire romain d'Orient, dévastant la millénaire Byzance et avançant, avec 140 mille hommes, à travers les Balkans jusqu'à Vienne.
Si ses murs étaient tombés, l'Europe aurait été envahie et islamisée. Mais une armée chrétienne (la moitié de celle ottomane), conduite par le roi polonais Jean III Sobieski et formé d'Autrichiens, de Polonais, d'Italiens, de Francs, de Saxons, de Souabes et de Bavarois remporta la victoire et l'Europe fut sauve pour la troisième fois.
Autrement, aujourd'hui, nous serions tous Turcs, comme Byzance qui est devenue Istanbul. Et la basilique Saint-Pierre serait une mosquée comme c'est arrivé à Sainte-Sophie.

Pour tout dire - mais Bergoglio l'ignore - l'Europe est née, depuis ses lointaines origines grecques, précisément en construisant un mur impénétrable contre l'invasion orientale débordante.


MURS CONTRE LES PERSES
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En effet, l'Europe n'a pas toujours existé. Alors que tous les autres continents sont des entités géographiques définies, elle - qui est un appendice de l'Asie - vient seulement d'une identité culturelle.
Son berceau, ce furent de petites villes grecques comme Milet où certains, à commencer par Thalèss (au VIIe siècle avant JC), ont commencé à réfléchir sur l'être, sur le Logos (la raison) et sur l'Arkhè (le commencement).
L'ethos de la pensée, de la quête de la vérité sur l'être, fut le premier germe de l'homme européen qui s'épanouit plus tard avec Socrate et Aristote.
Mais le bourgeon risquait d'être immédiatement balayé par l'Orient asiatique. L'empire perse - avec son obscure culture des mythes, des cosmogonies inquiétantes et des théocraties oppressives - était sur le point de dévorer tout l'Occident.
L'étincelle de la révolte anti-perse, en 490 avant JC, brilla justement à Milet, et avant cela à Marathon, puis à Thermopyle, et enfin à Salamine, où quelques courageux combattants Grecs repoussèrent l'immense puissance perse.
Grâce à ce mur humain, le premier germe de l'Europe put fleurir, plus tard exalté par Rome, par la civilisation juridique de son empire méditerranéen et finalement embrassé et rendu fécond par l'annonce chrétienne arrivée à Athènes et à Rome, avec les Apôtres Pierre et Paul qui venaient de Jérusalem. L'Europe, c'est cela.

Ce n'est que d'une cité qui a des murs solides et une identité claire que l'on peut construire des ponts.
Et en effet, ce christianisme européen a ensuite apporté l'espérance chrétienne de l'immortalité sur tous les continents et la liberté, et en même temps, apporté la liberté, la dignité humaine et la raison. Laquelle a donné naissance à la technologie, à la science et au bien-être économique.


LE MAL
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Mais du refus de ces racines est aussi né le mal, autrement dit les totalitarismes qui ont ensanglanté l'Europe et le monde du XXe siècle.
Sur leur décombres, pourtant, dès 1945, la paix, la prospérité et l'unité européenne sont revenues grâce à des hommes politiques catholiques comme Schuman, De Gasperi et Adenauer qui ont ramené leurs peuples à leurs racines chrétiennes (tous les trois ont une cause de béatification en cours ou ouverte).
Après la chute du mur de Berlin en 89, c'est au contraire une technocratie européenne laïciste qui a pris le dessus, balayant à nouveau ces racines et les remplaçant par la monnaie unique et des politiques dévastatrices.
Les grands papes Jean-Paul II et Benoît XVI, ont sonné l'alarme contre cette dérive nihiliste et technocratique, une véritable «dictature du relativisme» qui risque de donner naissance à de nouveaux monstres.
Si l'Europe avait voulu retrouver ses racines et avec elles, l'énergie de renaître, elle les aurait écoutés.
Mais elle ne l'a pas fait. En effet, aucun prix Charlemagne n'a été donné à Benoît XVI, qui a été un vrai géant de la pensée européenne (son discours historique à Ratisbonne suffirait).
L'oligarchie progressistes allemande (à commencer par les évêques teutons) détestait Ratzinger.


LES TÉNÈBRES DE BERGOGLIO
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Aujourd'hui que l'Europe est à la dérive, en crise, vieillie, qu'elle a coupé ses racines, qu'elle est envahie et coulée par une technocratie en faillite, le prix a été attribué à juste titre au symbole parfait de la confusion spirituelle de l'Europe: l'Argentin Bergoglio, le paladin de l'invasion, celui qui pousse le plus au naufrage de l'Europe ancienne (c'est Jean-Claude Juncker, et Martin Schulz qui ont motivé cette récompense).
Et ce n'est pas un hasard si Bergoglio, dans son discours, a appelé l'Europe à ouvrir ses frontières à la marée migratoire, exaltant précisément ce «multiculturalisme» qui est généralement un masque du relativisme, souvent de la haine anti-chrétienne et surtout est la porte grand ouverte à l'islamisation.
En effet, Benoît XVI, dans son dialogue avec Marcello Pera intitulé “Senza radici. Europa, relativismo, cristianesimo, islam” (Sans racines. Europe, relativisme, christianisme, islam) [voir Confidences d'un ami de Benoît XVI], dit:

«Le multiculturalisme, qui est continuellement et avec passion encouragé et favorisé, est parfois surtout abandon et reniement de ce qui est bon, fuite de ce qui nous est propre».

C'est cette renonciation à son identité et à ses valeurs qui a rendu l'Europe vieillissante et en fait un fragile vase de terre cuite dans la compétition internationale aujourd'hui.
Ratzinger expliquait (benoit-et-moi.fr/2014-II-1/benoit/la-haine-de-soi-de-leurope):

«Il y a ici une haine de soi de l'Occident qui est étrange et qui ne peut être considérée que comme quelque chose de pathologique; l'Occident essaie bien, de façon louable, à s'ouvrir, pleine de compréhension, à des valeurs externes, mais il ne s'aime plus; de son histoire, il voit désormais seulement ce qui est déplorable et destructeur, alors qu'il n'est plus en mesure de percevoir ce qui est grand et pur. L'Europe a besoin d'une nouvelle - certes critique et humble - acceptation d'elle-même, si elle veut vraiment survivre».

Benoît XVI a été emporté. Aujourd'hui, le cœur même de l'Europe, Bruxelles, est plus islamique que chrétien, l'Europe est «désarmée» comme une «terre de personne» où chacun peut débarquer (comme le dit le récent rapport d'Europol) et, en dépit des déclarations buonistes, l'UE s'en remet même à la Turquie pour arrêter temporairement l'invasion.
Une automutilation myope. Une Europe aux mains de cette technocratie absurde et sans racines chrétiennes solides, n'a pas d'avenir.

NDT


(*) Journal dit "de centre-gauche" (càd d'extrême-gauche) très en pointe lors des Vatileaks