Magistère en crise


Fr Hunwicke réagit à une information (une rumeur?) de Sandro Magister, passée inaperçue, concernant la volée de bois vert qu'aurait administrée le pape aux évêques allemands lors de leur récente visite ad limina (9/2/2016).

 

>>> Le discours (non prononcé) du Pape, le 20 novembre 2015: w2.vatican.va.

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Le fait est que les sites catholiques les plus "normalistes" s'étaient à l'époque empressés de se réjouir de ladite lettre, y voyant une preuve que le Pape prenait ses distances avec les excès progressistes de l'épicospat allemand.



Magistère: une crise?


Fr Hunwicke
liturgicalnotes.blogspot.co.uk
ma traduction

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1. On affirme, sur Internet, que les discours aux groupes d'évêques en visite 'ad limina' chez notre Saint-Père ne sont pas réellement lus à haute voix par lui, mais sont distribués sous forme écrite.
2. On affirme que ceci est également vrai pour le discours très critique adressé ... ou pas adressé ... aux évêques allemands l'an dernier.
3. On affirme que «le Cardinal Marx ... déclare ...
4. ... qu'il a interrogé François à propos de ce discours et ...
5. ... qu'il a reçu l'assurance qu'il ne savait rien au sujet du texte, et ne l'avait même pas lu»

Je n'ai pas vraiment de problème avec les points (1) et (2).
J'ai un gros problème avec (3), (4) et (5). S'ils devaient être vrais, en même temps et cumulativement, eh bien, ma réaction immédiate (et excessive?) serait de me demander pourquoi quelqu'un devrait se donner la peine de prendre au sérieux quoi que ce soit qui provienne apparemment 'quasi a manu vel ex ore Pontificis' durant ce pontificat.

Si (3) et/ou (4) sont vrais, mais pas (5), cela pourrait aider à se construire une image plus détaillée du caractère moral du Cardinal Marx.

J'espère, pour l'honneur de toutes les parties concernées, que ce rapport est faux. Si tel est le cas, alors je considère que la source Internet sur laquelle ces fausses allégations sont faites est créatrice de skandalon.

Cette histoire elle-même me rappelle, structurellement, l'épisode rapporté du début de ce pontificat, où le Pontife romain est supposé avoir dit à des religieux latino-américains, qu'ils ne devaient pas se "soucier" des lettres de la CDF (*).

NDT:
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(*) Voir ici (benoit-et-moi.fr/2013-II/articles/le-pape-franois-dialogue-avec-la-clar) la traduction par Carlota de l'échange informel du Pape avec les religieux de la CLAR (Confédération Latino-Américaine et Caribéenne des Religieuses et Religieux) en juin 2013

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Ne sachant pas à quelle "source internet" le Père Hunwicke faisait allusion, j'ai fait une petite recherche (aidée par les commentaires du billet en question) et j'ai très vite trouvé qu'il s'agissait d'un extrait du dernier billet de Sandro Magister sur www.chiesa (que je n'avais pas lu...). Il y était question, en priorité, du célibat sacerdotal. Mais aussi:

La rencontre du 20 novembre (2015) entre les évêques allemands et le pape a laissé une trace plutôt animée..
Comme c’est presque toujours le cas à la fin des visites "ad limina", François s’est abstenu, cette fois encore, de lire le discours qui avait été préparé pour l'occasion ; il en a simplement remis le texte aux prélats et il a préféré consacrer le temps disponible à s’entretenir avec eux de manière informelle.
Toutefois, lorsque les évêques allemands ont pris connaissance du texte qui leur avait été remis, ils ont trouvé qu’il était terriblement sévère.
Ce qui est tout à fait vrai. Le texte écrit comportait un réquisitoire implacable contre tous les désastres provoqués au cours des dernières années par les pasteurs de l’Église d’Allemagne, qui ont abouti à une véritable "érosion de la foi catholique".
Et en effet le cardinal Reinhard Marx – archevêque de Munich et président de la conférence des évêques d’Allemagne, mais également membre du conseil de neuf cardinaux qui assistent le pape - raconte ici ou là qu’il a demandé des explications à propos de ce discours à François et que celui-ci lui a affirmé qu’il ne savait rien de ce texte, qu’il n’avait même pas lu.
On n’y retrouve effectivement pas l'ombre du style de Bergoglio ni de sa sympathie pour l'épiscopat allemand. Le discours semble plutôt provenir de "l’atelier" d’un Benoît XVI et presque constituer une suite de la mémorable réprimande que celui-ci avait adressée, le 25 septembre 2011 à Fribourg, à une Église d’Allemagne trop "satisfaite d’elle-même et répondant aux critères de jugement du monde", plutôt qu’à "l’appel qu’elle a reçu à être ouverte à Dieu et à ouvrir le monde au prochain" (w2.vatican.va)
Pour en revenir à ce discours dont le pape François refuse la paternité, s’il faut absolument lui trouver un auteur, l'imagination se porte immédiatement sur le cardinal Gerhard Müller. Celui-ci est le préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, le compatriote et l’adversaire de longue date du réformiste Marx. Il est également le gardien, peu écouté actuellement, du dogme et de la discipline de l’Église.

 

Des objections viennent immédiatement à l'esprit. Avant tout, qu'il s'agit de rumeurs, et comme telles, privées de toute valeur.
Le problème est qu'avec ce Pape et son magistère souvent qualifié de "liquide", il est difficile de faire la part des choses, entre les rumeurs et les faits (les rumeurs se révélant souvent être des faits): le Pape lui-même encourage les rumeurs, et les utilise même pour sonder le terrain (comme le prouvent par exemple les entretiens jamais démentis, jamais désavoués, avec Eugenio Scalfari)
Deux commentaires au post du Père Hunwicke répondent à ces objections:

Il s'agit bien sûr d'ouïe-dire. Sandro Magister rapporte ce que le cardinal Marx est censé avoir dit. C'est maintenant au cardinal de dire s'il l'a dit, ou pas dit. Je soupçonne qu'il ne dira rien. Dans des circonstances normales, on pourrait douter de cette histoire, mais malheureusement, elle résonne comme entièrement crédible.
...
En outre, comme Sandro Magister vient juste de retrouver son accréditation auprès de la Salle de presse du Vatican, est-il vraisemblable qu'il risque sa position avec une histoire fausse?

Notons que le Vatican (qui lit forcément Magister) n'a pas fait le moindre rectificatif, ni émis la moindre réserve.