Nul n'est prophète en son pays


Après avoir "sauté" une semaine, le Père Scalese reprend la publication de son homélie dominicale. Cette semaine, il commente l'évangile de Luc "Nul n'est prophète en son pays" (3/2/2016)

>>> Précédente homélie: Les noces de Cana

>>> Ci-dessous: Sur le site www.freebibleimages.org, les images du récit de Luc (4, 14-30).

 


Nous parcourons pas à pas avec le Père Scalese l'année liturgique.
Dimanche dernier 31 janvier était la 4e Semaine du Temps ordinaire (Année C)

On trouvera en Annexe (*) les lectures du jour.

«Nemo propheta in patria»


Père Giovanni Scalese
querculanus.blogspot.fr
31 janvier 2016
Ma traduction

* * *

Dimanche dernier, nous avons commencé la lecture de l'évangile de Luc. La liturgie nous propose le prologue du livre et le début du ministère de Jésus dans la synagogue de Nazareth. L'évangile d'aujourd'hui (*) est la continuation de dimanche dernier; il commence avec le même verset qui terminait ce dernier: «Aujourd'hui, ce passage de l'Ecriture s'accomplit à vos oreilles». Jésus est l'accomplissement des prophéties de l'Ancien Testament. Mais pas seulement. L'évangile d'aujourd'hui nous montre que Jésus lui-même est un prophète - mieux, le prophète par excellence - et partage le sort du prophètes.

Je ne sais pas si vous avez remarqué quelque chose d'étrange dans l'évangile d'aujourd'hui. Au début, «tout le monde parlait en bien de lui et ils étaient étonnés des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche»; à la fin, «ils furent tous remplis de colère». Comment cela se peut-il? Qu'est-il arrivé? Les biblistes disent que Luc aurait fusionné ici deux visites différentes de Jésus dans sa ville natale, advenues à des moments différents. C'est possible; cela n'est pas en contradiction avec l'ésuilibre d'un historien sérieux comme Luc. Il n'invente rien; il ordonne seulement son matériel d'une manière qui montre ce qui est arrivé dans la vie de Jésus. D'une certaine façon, cette histoire anticipe ce dont Jésus fera l'expérience durant son ministère public, de l'admiration initiale au rejet final.

Il est intéressant de suivre l'évolution des sentiments des gens envers Jésus. Ils restent d'abord étonnés de voir les «paroles de grâce» de Jésus. Ensuite, ils demandent: «N'est-ce pas là le fils de Joseph?» Ils le connaissaient; ils l'avaient vu grandir; il était l'un d'entre eux; alors, comment pouvait-il parler si bien maintenant? Quand on connaît quelqu'un, on n'est pas prês à accepter sa grandeur, sa supériorité: s'il est l'un d'entre nous, il est censé être comme nous. Et alors nous commençons à l'envier. Puis à l'envie s'ajoute la jalousie: «Nous avons appris tout ce qui s'est passé à Capharnaüm: fais donc de même ici, dans ton pays!» D'abord, nous nous opposons à la grandeur de nos semblables, et ensuite nous nous plaignons s'ils se montrent plus aimables aux autres qu'à nous. Enfin, lorsque cette aversion vient au jour, elle se transforme en hostilité ouverte: les habitants de Nazareth aimeraient précipiter Jésus au bas de la colline.

Voilà précisément le sort de tous les prophètes. Avez-vous entendu ce que Jérémie a dit dans la première lecture? (*): «(...) je t’ai consacré; je fais de toi un prophète pour les nations... lève-toi, tu diras contre eux tout ce que je t’ordonnerai... Ne tremble pas devant eux... Ils te combattront, mais ils ne pourront rien contre toi». Pourquoi? «Car je suis avec toi pour te délivrer».
Un prophète peut paraître seul, isolé du monde, avec tout le monde contre lui, condamné à succomber; et pourtant il n'est jamais seul, parce que Dieu est avec lui. Ses ennemis peuvent sembler avoir le dessus, mais ils ne peuvent pas vaincre: le vainqueur est le prophète, apparemment vaincu.

Jésus a partagé le sort des prophètes. Après la popularité initiale, il a été rejeté par ses compatriotes. Ainsi, les habitants de Nazareth symbolisent tout le peuple d'Israël. La déclaration de Jésus elle-même, devenue plus tard une sorte de proverbe «aucun prophète n'est bien accueilli dans son pays» - prend une signification plus profonde que prévu: elle ne se réfère pas seulement au rejet de ses concitoyens; d'une certaine façon, elle préfigure le rejet de Jésus par son propre peuple. Mais, dans le même temps, elle prédfigure son accueil par les étrangers. Les deux exemples des prophètes Elie et Elisée sont importants: de même qu'ils se sont tournés vers les étrangers, l'Évangile, après le rejet des Juifs, sera annoncé aux païens.

Une dernière remarque. À la fin de l'Évangile, nous lisons: «Jésus, passant au milieu d'eux, allait son chemin». Qu'est-ce que cela signifie? Ils sont sur le point de le tuer, mais il ne perd pas son sang-froid; sans sourciller, il passe à travers eux et va son propre chemin. Il semble que personne ne puisse arrêter son voyage: les gens sont inquiets; mais lui, imperturbable, continue sa mission, aussi longtemps que Dieu le voudra.
Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous?

Annexe

(*) LECTURES DU JOUR
Temps ordinaire - 4ème semaine (C)

1ère LECTURE (Jr 1, 4-5.17-19)
Au temps de Josias, la parole du Seigneur me fut adressée: « Avant même de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais; avant que tu viennes au jour, je t’ai consacré; je fais de toi un prophète pour les nations.
Toi, mets ta ceinture autour des reins et lève-toi, tu diras contre eux tout ce que je t’ordonnerai.
Ne tremble pas devant eux, sinon c’est moi qui te ferai trembler devant eux.
Moi, je fais de toi aujourd’hui une ville fortifiée, une colonne de fer, un rempart de bronze, pour faire face à tout le pays, aux rois de Juda et à ses princes, à ses prêtres et à tout le peuple du pays.
Ils te combattront, mais ils ne pourront rien contre toi, car je suis avec toi pour te délivrer »
(www.aelf.org/office-messe?date_my=03/02/2013)

ÉVANGILE (Lc 4,21-30):
Alors il se mit à leur dire: «Cette parole de l'Écriture, que vous venez d'entendre, c'est aujourd'hui qu'elle s'accomplit». Tous lui rendaient témoignage; et ils s'étonnaient du message de grâce qui sortait de sa bouche. Ils se demandaient : « N'est-ce pas là le fils de Joseph?». Mais il leur dit: «Sûrement vous allez me citer le dicton: ‘Médecin, guéris-toi toi-même. Nous avons appris tout ce qui s'est passé à Capharnaüm: fais donc de même ici, dans ton pays!’». Puis il ajouta: «Amen, je vous le dis: aucun prophète n'est bien accueilli dans son pays. En toute vérité, je vous le déclare: Au temps du prophète Élie, lorsque la sécheresse et la famine ont sévi pendant trois ans et demi, il y avait beaucoup de veuves en Israël; pourtant Élie n'a été envoyé vers aucune d'entre elles, mais bien à une veuve étrangère, de la ville de Sarepta, dans le pays de Sidon. Au temps du prophète Élisée, il y avait beaucoup de lépreux en Israël; pourtant aucun d'eux n'a été purifié, mais bien Naaman, un Syrien».
A ces mots, dans la synagogue, tous devinrent furieux. Ils se levèrent, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu'à un escarpement de la colline où la ville est construite, pour le précipiter en bas. Mais lui, passant au milieu d'eux, allait son chemin
(evangeli.net/evangile/jour/IV_36 )