Perplexité...


d'un catholique "ordinaire" à la lecture d'Amoris Laetitia (23/4/2016)

>>>
Amoris Leatitia sur le site du Vatican

 

Je publie volontiers ce commentaire que m'a envoyé un fidèle lecteur, P ***:

De mon point de vue de simple catholique de base, il n’y a pas de problèmes majeurs dans les chap. I à VII, ni dans le IX, excepté certaines expressions ou paragraphes qui tendent à profiler un certain relativisme des situations culturelles (3 ; 4 ; 8 ; 199), préparant certaines options du ch. VIII, et il y a quelques beaux passages, comme celui sur l’hymne à la charité (n° 99-119), d’autres assez nets contre le narcissisme (39 ; 41 ; 92), d’autres moins clairs sur les unions homosexuelles (52) ou les méthodes naturelles (222) ou sur le clergé marié des Eglises orientales qui aurait, de par sa vie matrimoniale, une meilleure connaissance des problématiques familiales que le clergé latin célibataire (202).

Des expressions ou images heureuses voisinent des expressions moins heureuses, comme la « négociation » au sein du couple (220). Il tranche sur deux questions disputées : le mariage est pour lui une « vocation » (72 ; 85 ; 211) et c’est bien l’homme et la femme qui sont ministres du sacrement (c’était déjà la thèse majoritaire, mais elle était contestée par certains). Il y a une autocritique assez forte de ce qui se faisait « avant » (36 ; 37 ; 38 ; 59 ; 182), qui peut sembler injuste et crée un certain malaise. Comme dans tous ses documents précédents, en consonance avec sa vision ecclésiologique, on note le souci de citer régulièrement des textes en provenance de conférences épiscopales de diverses régions du monde. Il y aussi un souci de prendre en considération la situation spécifique des familles en situations de précarité, de pauvreté ou de misère (par ex., 49).

L’usage des citations (de Thomas d’Aquin, de Vatican II, de Paul VI, Jean-Paul II et Benoit XVI) peut, du point de vue objectif, ne pas sembler intellectuellement honnête. Un exemple est la note 329 du n° 298, où il applique aux personnes en situations irrégulières (divorcés civilement « remariés ») ce que Gaudium et spes 51 dit des époux mariés.

Le point névralgique et délicat se situe au niveau du ch. VIII, qui renvoie chaque « situation-limite » au discernement personnel et pastoral des personnes et de ceux qui les accompagnent dans ce discernement (évêques, prêtres et laïcs préposés à la pastorale familiale). D’une certaine manière, cela reflète déjà la pratique, mais exprimée dans un document pontifical, cela acquiert une portée plus grande.

Il s’agit bien de l’articulation entre la dimension objective et subjective de la morale, entre amour et vérité. Il donne un certain nombre de critères et demeure plutôt évasif sur la question du recours aux sacrements, renvoyés aux notes subpaginales. Tout va donc se jouer là, selon la qualité du discernement prudentiel. Cela pourrait conduire à une vraie croissance spirituelle des personnes, si ce discernement est fait avec délicatesse, finesse, douceur et dans la vérité qui rend libres ; mais cela pourrait aussi conduire à une grande diversification pastorale, non seulement selon les régions et les contextes, mais aussi selon les personnes et les ministres qui les accompagneront, avec le risque de nous opposer les uns aux autres : « le prêtre un tel m’a dit oui et vous me dites non ». Comment les prêtres, dont tant ne sont pas eux-mêmes fidèles à leurs propres promesses de chasteté ou de célibat, vont-ils aider les couples en situation irrégulière dans leur discernement ?