Ragots vaticans


Quand les "curiaux" décident de ne plus se laisser faire... Les voeux du Pape à la Curie de 2015 n'ont pas été le "bis repetita" attendu de ceux de 2014, en tout cas plus 'soft'. Une indiscrétion de Mastino, sur sa page FB (7/1/2016)

 

Un des thèmes récurrents du Pape, dans ses homélies à Sainte Marthe, mais pas seulement, ce sont les "pettegolezzi", les ragots, ausquels il donne une importance disproportionnée par rapport à d'autres maux infiniment plus graves dont souffre l'Eglise aujourd'hui (sans doute parce qu'il sait, ou craint, d'en être la cible), et qu'il n'a pas de mots assez sévères pour dénoncer.
En voici un superbe échantillon, dont Antonio Mastino se fait l'écho malicieux, dans son style inimitable et pas vraiment châtié.
Comme tout ragot, il est difficile d'en contrôler la source, et la fiabilité. Cette fois, cependant, j'aurais tendance à croire qu'il est fondé, d'une part parce qu'effectivement les voeux du pape à la Curie du 21 décembre dernier ont été si insipides.... que presque personne n'en a parlé; et surtout parce que Mastino se réfère à Sandro Magister (qui a certainement reçu une lettre, sinon lui-même ne pourrait pas en parler).

Cet avertissement codé parvenu au Pape

www.facebook.com/margheritimastino
5 janvier 2016
Ma traduction


Voilà 15 jours que j'oublie de vous signaler quelque chose, une bricole, une vaticanerie.
Le dimanche 13 Décembre, dans le sermon dominical de Scalfari [sur La Repubblica], qui, c'est clair, ne parle désormais plus que de papes, il y a une "anticipation" inquiétante: voilà ce que dit ce vieux trinariciuto (1) laïciste: «je vous dirai de plus que François est un pape révolutionnaire comme il n'y en a jamais eu; et que, dans le discours à la curie qu'il prononcera le 21 Décembre, il devrait très durement fustiger, une fois de plus, la Curie et dire des choses jamais entendues avant, vraiment révolutionnaires». Tel quel.
En fait, à ce qu'on croit comprendre, le pape (quel gentilhomme!) avait téléphoné à Scalfari quelques jours plus tôt, et avait anticipé à son intention, pour le préparer, ce qu'il allait dire aux cardinaux et à l'Orbe catholique: bâton pour les premiers et révolution pour les autres.
Le fait est que le 21 Décembre le Pape arrive et la chose la plus révolutionnaire qu'il parvient à dire aux cardinaux, c'est «excusez-moi si je parle assis, mais j'ai un peu la grippe», avant quelques bagatelles moralisatrices.
Qu'est-il arrivé?
Il est arrivé, d'après ce que l'on comprend, que la Curie avait intercepté prématurément (chaque téléphone du Vatican est intercepté, et on présume que celui du Pape l'est aussi) ce que le Pape avait anticipé pour Scalfari, mais cette fois ils ne sont pas restés les bras croisés, n'ayant aucune intention de subir le même lynchage public qu'un an plus tôt dans les mêmes circonstances, quand il avait parlé des «14 plaies de la Curie».
Et en effet, comme l'histoire récente de l'Église est faite par les journalistes plutôt que par les saints, Magister a reçu une lettre d'un prélat, qui, dans un langage curial franc, mais inimitable, plein d'allusions compréhensibles aux seules oreilles initiées, non seulement faisait allusion aux défauts de caractère du pape et aux «plaies» qu'il inflige aux autres, mais se faisait comprendre aussi de l'autre.
En fait, cette lettre 'curialesque' au pape n'était rien d'autre qu'un «avertissement» en bonne et dûe forme; autrement dit, elle signifiait: «Bergoglio, fais attention à ce que tu dis, cette fois, parce que cette fois nous ne sommes pas disposés à rester comme de belles statues immobiles et à prendre la m... en pleine figure, pour ta gloire médiatique: cette fois, qu'elle t'explose à la figure la boue que tu as sous les pieds, toi et tes amis qui ne sont pas mieux que nous, si ce n'est pires».
Le pape a compris le message codé, il s'est fait venir au moment opportun une «grippe» providentielle qui a amorti sa furor mediaticus, et l'a poussé à des conseils plus doux. Et personne n'a rien remarqué de plus. Et la révolution de la Repubblica, préparé par l'avant-gardiste Scalfari, a été reportée.

NDT

(1) Trinariciuto: littéralement, personne dotée de 3 narines. Il s'agit d'un néologisme forgé par Giovanni Guareschi, le "père" de Don Camillo, en 1947, dans le cadre d'une critique humoristique de la gauche. La troisième narine du trinariciuto servirait à faire sortir le cerveau, permettant aux directives du parti d'entrer et d'en occuper la place. (unaparolaalgiorno.it)

L'expression, qui reste étonamment actuelle, est utilisée en général pour désigner un homme politique obtus et fanatique, dépourvu de capacité critique par rapport aux directives du parti.
Dans le cas de Scalfari, on peut supposer que le "parti", ce sont les "pouvoirs forts" dont le journal qu'il a fondé est le porte-parole!