Sainte Trinité


Homélie du Père Scalese: le Dieu des chrétiens est radicalement différent de celui des musulmans et des juifs (23/5/2016)

 

Hier dimanche, nous célébrions la Sainte Trinité. Devant sa petite communauté de Kaboul (cf. En mission à Kaboul), le Père Scalese a prononcé une homélie cristalline: avec un sens pédagogique formidable, il parvient à nous faire pénétrer dans ce mystère à première vue insondable, celui d'un Dieu unique en trois Personnes. Et il ne craint pas d'ouvrir sa prédication avec une mise au point politiquement et religieusement incorrecte, bien nécessaire pourtant, en ces temps d'"analphabétisme religieux" et de syncrétisme rampant où toutes les religions sont censées se valoir et où il arrive même que le sommet de la hiérarchie entretienne la confusion: non, le Dieu que nous adorons ne diffère pas de celui des juifs et des musulmans que par des détails; il est radicalement différent.


O beata Trinitas!


Père Giovanni Scalese CRSP
Dimanche 22 mai 2016
querculanus.blogspot.fr
Ma traduction


De nos jours, il est à la mode de dire que les adeptes des trois grandes religions monothéistes - Judaïsme, Christianisme et Islam - croient dans le même Dieu. Bien sûr, nous ne pouvons pas dire qu'ils croient en trois dieux différents, parce qu'il n'y a qu'un seul Dieu. Mais peut-on affirmer que le Dieu, en qui nous croyons, est tout simplement le même? Pouvons-nous maintenir que les différences entre les trois religions sont mineures et regardent juste des détails, sans concerner notre foi en Dieu?

Les différences entre les trois religions monothéistes sont radicales: elles ne regardent pas seulement la figure, centrale pour nous, de Jésus-Christ; mais la notion même de Dieu. Nous croyons, comme les juifs et les musulmans, en un seul Dieu; mais, contrairement à eux, nous croyons que ce Dieu est en trois personnes, le Père et le Fils et le Saint-Esprit.
Comment peut-on dire cela? Est-ce juste le résultat de notre raisonnement? Non; c'est Dieu lui-même qui nous l'a révélé.

Bien sûr, ce fut une révélation graduelle. Dieu a d'abord montré son unicité: dans un monde païen, où tous les peuples croyaient en plusieurs dieux, il était nécessaire de proclamer l'existence d'un seul Dieu, Créateur du ciel et de la terre. Dieu a commencé cette révélation avec Abraham. Puis, peu à peu, il a dévoilé certains aspects de son mystère.
La première lecture d'aujourd'hui, tirée du livre de l'Ancien Testament des Proverbes, est sur la sagesse de Dieu: ce n'est pas encore la pleine révélation de la deuxième personne de la Sainte Trinité, mais c'est une première étape. La sagesse a été établie avant le début de la terre. Quand Dieu a créé le monde, la Sagesse était avec lui comme un artisan. L'évangéliste Jean, qui appelle la deuxième personne de la Trinité "Verbe", au début de son évangile dit: «Tout par lui a été fait, et sans lui n'a été fait rien de ce qui existe.» (Jn 1, 3).

Jésus lui-même, durant sa prédication, n'a jamais dit qu'il n'y a qu'un seul Dieu, en trois Personnes, Père, Fils et Saint-Esprit. Il a juste appelé Dieu son «Père»; il se nomme comme le «Fils»; il a promis, au cours de la dernière Cène, la venue d'un autre Avocat, le Saint-Esprit. Nous venons d'entendre, dans l'évangile, Jésus disant: «J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter» (Jn 16, 12-15). Le temps était pas encore mûr pour une pleine révélation du mystère de Dieu; les disciples n'étaient pas encore prêts à la recevoir. Ce n'est qu'à la fin de l'Évangile, juste avant de monter au ciel, que Jésus leur dira: «Allez et faites des disciples de toutes les nations, et baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit» (Mt 28:19). Et c'est seulement après avoir reçu le Saint-Esprit à la Pentecôte, que les disciples, peu à peu, vont comprendre ces paroles de Jésus. Il leur avait dit: «Quand il vient, l'Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière».

Ce n'était pas facile pour les chrétiens de pénétrer ce mystère. Il a fallu quelques siècles pour réussir à définir le dogme de la Sainte Trinité: il a fallu les deux premiers Conciles (Nicée et Constantinople); et avant, pendant et après eux, il y a eu beaucoup de discussions, des combats, des hérésies sur les mots à utiliser: nature, substance, personne. Maintenant, nous savons comment parler de ce mystère: chaque dimanche, nous renouvelons notre profession de foi avec les paroles de ces Conciles; et nous savons que nous ne nous trompons pas. Mais nous savons aussi que ce que nous disons n'est rien en comparaison avec le mystère infini de Dieu, un mystère d'amour: le Père aime le Fils, et le Fils retourne cet amour; et cet amour mutuel n'est pas seulement un sentiment, comme dans les relations humaines, mais une personne, l'Esprit Saint. Nous pouvons à peine sentir la profondeur de ce mystère; et pourtant, nous sommes appelés à y prendre part. Dieu nous invite à rejoindre sa famille, pour devenir ses enfants, comme son Fils; et pour ce faire, il nous a donné son Esprit, l'Esprit d'adoption. Saint Pierre dit que nous sommes appelés à partager dans la nature divine, exactement comme les trois Personnes divines. Nous sommes confus en face d'une si grande condescendance. La seule chose que nous puissions faire est d'adorer, de remercier et de nous efforcer d'être digne d'un tel don.
Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit. O Sainte Trinité!

Amen.

Annexe: le lectures du jour


1ère lecture (Proverbes 8, 22-31)
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Écoutez ce que déclare la Sagesse de Dieu:
«Le Seigneur m’a faite pour lui, principe de son action, première de ses œuvres, depuis toujours. Avant les siècles j’ai été formée, dès le commencement, avant l’apparition de la terre. Quand les abîmes n’existaient pas encore, je fus enfantée, quand n’étaient pas les sources jaillissantes. Avant que les montagnes ne soient fixées, avant les collines, je fus enfantée, avant que le Seigneur n’ait fait la terre et l’espace, les éléments primitifs du monde. Quand il établissait les cieux, j’étais là, quand il traçait l’horizon à la surface de l’abîme, qu’il amassait les nuages dans les hauteurs et maîtrisait les sources de l’abîme, quand il imposait à la mer ses limites, si bien que les eaux ne peuvent enfreindre son ordre, quand il établissait les fondements de la terre. Et moi, je grandissais à ses côtés. Je faisais ses délices jour après jour, jouant devant lui à tout moment,jouant dans l’univers, sur sa terre, et trouvant mes délices avec les fils des hommes. »
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Evangile (Jn 16, 12-15)
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En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples: «J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous ne pouvez pas les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière. En effet, ce qu’il dira ne viendra pas de lui-même: mais ce qu’il aura entendu, il le dira; et ce qui va venir, il vous le fera connaître. Lui me glorifiera, car il recevra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. Tout ce que possède le Père est à moi; voilà pourquoi je vous ai dit: L’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. »

(www.aelf.org)