Benoît XVI inquiet pour l'Europe


Le Père Stephan Horn, coordinateur du Ratzinger Schülerkreis explique dans un entretien avec Andrea Gagliarducci les raisons du choix du thème de la rencontre de cette année (25/8/2016)

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Le Ratzinger Schülerkreis 2016


La question de Benoît XVI:
«L'Europe existe-t-elle encore?»


Andrea Gagliarducci
www.acistampa.com
CASTEL GANDOLFO, le 25 août 2016
Ma traduction

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«L'Europe existe-t-elle encore?». Quand il a choisi le thème de la rencontre annuelle de ses anciens élèves, Benoît XVI l'a fait en posant cette question. Une hésitation qui a "frappé" le Père Stephan Horn, coordinateur du Schülerkreis et ancien professeur adjoint de Joseph Ratzinger. Dans un entretien avec l'agence ACI, le Père Horn a présenté le thème et a souligné que la réflexion de Benoît XVI tourne toute entière autour d'un concept: c'est la foi qui peut sauver la philosophie, l'éthique, et créer une nouvelle société.



Q: Pourquoi le Schülerkreis de cette année s'est-il concentré sur l'Europe?

Père Horn: Comme toujours, nous avons parlé entre nous des idées que nous pourrions proposer au pape Benoît. Il en est sorti le thème de l'Europe, et on a tout de suite vu que la grande majorité d'entre nous étaient intéressés par ce thème. Plus: il y a une certaine inquiétude sur la question européenne, une certaine anxiété ... Je pense que c'est un grand défi.

C'est un thème auquel le Schülerkreis est très attaché ...

Oui, nous pensons beaucoup à ces questions. L'année dernière, nous avons organisé un symposium sur la pensée politique du pape Benoît, et l'année prochaine nous pensons à un autre symposium à Münich, pour parler de la façon dont les chrétiens peuvent aider l'Europe à se renouveler.

Comme Benoît XVI a-t-il accueilli l'idée du thème?

Comme d'habitude, nous avons présenté trois possibilités. Il a choisi le thème de l'Europe, mais avec une certaine hésitation, je dois le dire. Quand il l'a choisi, il a posé la question: «L'Europe est-elle encore en vie? Y a-t-il encore une Europe? L'Europe existe-t-elle vraiment?». Et il a ajouté:« Si nous choisissons ce thème, nous devons faire une analyse profonde, sinon nous ne serons pas en mesure de parler de manière approfondie des défis auxquels l'Europe est confrontée.

Cette hésitation de Benoît XVI est intéressante, étant donné que le Pape émérite a dédié à l'Europe des pages extraordinaires, avec de grandes réflexions sur la crise de l'Europe, mais aussi avec une vision qui semblait presque pleine d'espoir. Que pense aujourd'hui Benoît de l'Europe?

Nous n'en avons pas discuté en profondeur, mais j'ai été frappé par les commentaires du Pape, je ne m'y attendait pas. Et pourtant, cette inquiétude est partagée aussi par le professeur Joseph HH Weiler, qui sera l'un des deux rapporteurs du Ratzinger Schülerkreis de cette année.

Quel est le grand défi de l'Eglise en Europe selon la pensée de Benoît XVI?

Il n'a jamais fait de théologie politique, parce que pour le Pape émérite, la politique est une chose éthique. Il tient à séparer la religion de la politique, dans le christianisme il y a une certaine distance entre l'Église et l'État. Benoît XVI croit plutôt que la politique, les décisions du gouvernement, doivent avoir un fondement éthique. Tel est le grand défi de l'Eglise, de la foi: donner un fondement éthique aux politiques. Benoît XVI pense que même le monde laïc peut accepter les conclusions de la foi, parce que la foi porte la vérité, et aide donc à connaître la vérité éthique. Pour cette raison, Benoît XVI pense que d'une certaine manière la foi peut sauver la politique en donnant ce fondement.

La foi comme semence de la société, comme source d'une pensée de grand souffle ...

Oui, parce que Benoît XVI ne croit pas que les philosophes doivent être croyants pour accepter les thèmes et les pensées de la foi. Mais la foi donne à réfléchir. Ainsi, avec la foi, on sauve aussi la philosophie, parce que la pensée philosophique s'est trop restreinte aux choses concrètes, pratiques, et non aux grands défis.

Quels sont les grands défis dont vous parlerez au Schülerkreis?

D'abord, nous ferons une analyse de ce qui manque à l'Europe, et ensuite nous discuterons également de cette idée que la foi peut sauver la philosophie. Une idée opposée aux tendances qui visent à éliminer la foi de la pensée.

Qu'attendez-vous des deux rapporteurs, le professeur Weiler et l'évêque émérite Egon Kapellari?

Nous attendons du professeur Weiler l'analyse: lui connaît comme juriste quelle est la situation, comment l'éthique et la foi sont touchées par la politique européenne. En plus, il peut le voir de l'extérieur de la foi chrétienne, étant Juif. Mais en même temps, il vient de la même tradition de la Bible, et accepte très volontiers les valeurs chrétiennes comme le pardon en tant qu'instrument dans les relations entre les Etats. Quant à l'évêque Kapellari, celui-ci nous parlera des différents chantiers où l'Eglise est appelée à collaborer avec les institutions, et il pense peut-être aussi au défi de l'immigration de personnes de religion musulmane.

Après le Schülerkreis, comment chacun de vous développera-t-il le thème de la crise de l'Europe, dans vos mileux respectifs, celui académique, ou dans la société?

Nous élargissons notre point de vue. Par exemple, il y a l'archevêque Bartholomew Adokonou, d'Afrique, qui fait partie du Schülerkreis, et qui considère le défi européen comme crucial. Il ne pourra pas être présent, mais il aurait voulu l'être. Il souligne avec force le problème que la politique européenne n'a pas de respect pour les religions. On veut imposer un monde sécularisé, non religieux. Et ce niveau de relations interculturelles - dit-il , avec le pape Benoît - ne conduit pas à un véritable dialogue, parce qu'il met la religion de côté. Pourtant, les religions que le monde sécularisé veut détruire ont une valeur. Mais nous développerons d'autres dimensions: un de nos membres, Burns, est un avocat qui vient des États-Unis, où il y a une séparation encore plus grande de l'Église et de l'État.

Et puis il y a le point de vue allemand ...

Oui, là où il y a une connexion trop étroite entre l'Église et l'État, comme dit Benoît XVI. L'Eglise doit se libérer un peu de ce lien. Nous avons beaucoup de grandes institutions, comme la Caritas, mais ceux qui travaillent dans ces institutions sont chrétiens sans avoir vraiment une vie chrétienne. Nous devons penser à une vie dans la foi, plutôt qu'aux structures. Peut-être est-il nécessaire de quitter les institutions qui ne portent pas vraiment quelque chose de chrétien.

C'est la démondanisation dont parlait Benoît XVI ...

Exactement. Ce sont les sentiments que nous portons avec nous, et nous voulons vraiment aider à diffuser les idées du pape Benoît.

La foi peut-elle créer une Europe plus unie?

La foi peut aider à revitaliser les valeurs qui aident l'Europe à être l'Europe. Le christianisme est l'âme de l'Europe, et quand l'âme est absente, il manque tout.