Benoît XVI rend hommage à Bartholomée


Il a écrit une brève (et très touchante) contribution dans un livre d'hommages publié à l'occasion du 25e anniversaire de l'élection du Patriarche Oecuménique de Constantinople (13/10/2016)

 

Un livre-hommage sort ces jours-ci à l'occasion du 25ème anniversaire de l'élection du patriarche oecuménique de Constantinople, Bartholomée. Sous le titre "Bartholomew. Apostle and Visionary" , c'est un recueil de témoignages , rassemblés par John Chrissavgis le porte-parole du Patriarche.
Il y a évidemment l'inévitable préface de François.
Mais surtout (pour moi), le témoignage, très personnel, de Benoît XVI, dont voici ma traduction, d'après le texte en italien publié sur le site www.farodiroma.it.

«Compagnons de voyage»


Mon premier contact personnel de près avec le Patriarche œcuménique Bartholomée date de 2002, durant le voyage vers la rencontre internationale de prière à Assise. L'idée de nous rendre ensemble en train à Assise pour exprimer notre parcours intérieur au-delà du voyage extérieur était celle du Pape saint Jean-Paul II. Pour moi, ce fut une joie d'apprendre que le patriarche m'avait invité à m'asseoir un moment à côté de lui, dans le même compartiment, et, ce faisant, à mieux nous connaître.

Pour moi, cette rencontre - le long du chemin - est plus qu'une expression accidentelle de l'état de la foi. Je fus aussi immédiatement ému par l'ouverture et la chaleur personnelle du patriarche. Il n'a pas fallu un grand effort pour nous rapprocher l'un de l'autre. Son ouverture intérieure et sa simplicité inspiraient tout de suite une agréable intimité.
Ce qui contribuait à cette sensation était bien sûr aussi le fait qu'il parle couramment toutes les principales langues européennes, pas seulement le français et l'anglais, mais aussi l'italien et l'allemand. Encore plus surprenant pour moi, il y avait le fait qu'il maîtrise le latin et peut s'exprimer dans cette langue. Si vous pouvez converser avec quelqu'un dans sa propre langue, il y a une immédiateté pour parler de cœur à cœur et de pensée à pensée. Le Patriarche n'a pas étudié seulement dans les milieux de l'Église orthodoxe, mais aussi à Münich et à Rome. À la diversité des langues correspond donc aussi une diversité des cultures dans lesquelles il se meut. Ainsi sa pensée est, en profondeur, un voyage avec les autres et vers les autres qui bien sûr ne dégénère pas en une absence de direction, où le cheminement ne ménerait tout simplement nulle part. Être profondément enraciné dans la foi en Jésus-Christ, Fils du Dieu vivant et notre Rédempteur, n'empêche pas l'ouverture vers l'autre parce que Jésus-Christ porte en lui toute la vérité. Dans le même temps, cependant, cet enracinement nous protège du glissement dans la futilité et dans un jeu de vanité vide, puisqu'il nous maintient dans la vérité, qui appartient à tous et veut être la voie pour tous.

Ainsi, d'une certaine façon, je vois dans cette première rencontre entre nous un portrait de la personnalité toute entière du Patriarche œcuménique: vivre en chemin vers un but; vivre dans les nombreuses dimensions des grandes cultures; vivre dans la rencontre, soutenu par la rencontre fondamentale avec la vérité qui est Jésus-Christ. En fin de compte, le but de toutes ces rencontres est l'unité en Jésus-Christ.

Même si, naturellemnt, la finalité de cette brève réflexion ne peut être de décrire d'une quelconque façon le ministère du Patriarche dans son intégralité, je voudrais au moins souligner un aspect qui est important pour décrire ce grand homme de l'Eglise de Dieu: son amour pour la création et son engagement pour qu'elle soit traitée coformément à cet amour, dans les questions grandes et petites. Un pasteur du troupeau de Jésus-Christ n'est jamais orienté uniquement vers le cercle de ses fidèles. La communauté de l'Eglise est universelle aussi dans le sens qu'elle inclut toute la réalité. Cela apparaît évident, par exemple, dans la liturgie, qui n'indique pas seulement la commémoration et l'accomplissement des actes salvifiques de Jésus-Christ. Elle est en chemin vers la rédemption de toute la création. Dans l'orientation de la liturgie vers l'Orient, nous voyons que les chrétiens, ensemble avec le Seigneur, souhaitent se diriger vers le salut de la création dans sa totalité. Le Christ, le Seigneur crucifié et ressuscité, est en même temps aussi le «soleil» qui illumine le monde. La foi aussi est toujours dirigée vers la totalité de la création. C'est pour cela que le Patriarche Bartholomée réalise un aspect essentiel de sa mission sacerdotale précisément avec cet engagement envers la création.

Mon élection comme Successeur de Pierre a naturellement ajouté une nouvelle dimension à notre rencontre personnelle. La responsabilité pour la foi dans le monde et, en même temps, la responsabilité pour l'unité du christianisme divisé, font partie du ministère qui nous a été donné, mais elles sont aussi un devoir personnel.

Je trouve particulièrement beau qu'après ma renonciation, le Patriarche me soit toujours resté proche personnellement et qi'il soit même venu me voir dans mon petit couvent. Dans de nombreux coins de mon appartement, on peut trouver des souvenirs reçus de lui. Ces objets ne sont pas seulement des signes affectueux de notre amitié personnelle, mais aussi des indications vers l'unité entre Constantinople et Rome, des signes de l'espérance que nous nous dirigeons vers l'unité.

Sa Sainteté Bartholomée est un Patriarche vraiment oecuménique, dans tous les sens du terme. En solidarité fraternelle avec le Pape François, il fait de nouveaux pas importants sur le chemin de l'unité.
Cher frère dans le Christ, puisse le Seigneur vous assurer encore de nombreuses années de ministère béni comme pasteur dans l'Eglise de Dieu. Je vous salue en philèmati haghìo [“avec le saint baiser” (baiser de paix), Rom, 16, 16 et 1 Cor, 16, 20].


Benoît XVI