Dernières conversations sort demain


Premiers fragments, distillés sur Il Corriere (8/9/2016)

>>> Voir aussi:
Un livre DE Benoît XVI

 

La sortie du livre entretien de Benoît XVI avec Peter Seewald est désormais imminente (il est annoncé sur Amazon le 16 septembre, mais il devrait sortir demain en Italie).
Le quotidien qui en Italie est associé à l'opération éditoriale, Il Corriere della Sera, en publie aujourd'hui quelques fragments.
Si le livre ne contient aucune révélation fracassante (ce que les passages anticipés ici laissent présager), sans être devin, on peut prévoir un écho médiatique relativement modeste en France. Sinon à la marge. Un très bref article de l'AFP publié aujourd'hui fait état d'une interview de Peter Seewald à Die Zeit, et titre: «L'ancien pape Benoît XVI a vécu un amour de jeunesse "très sérieux" - Le jeune Joseph Ratzinger aurait connu un amour de jeunesse pendant ses études qui a rendu très difficile son choix pour le célibat et le sacerdoce» .
Précisons que bien entendu, il n'en est pas question dans le livre. La "révélation" est donc quelque peu déplacée.
Mais l'AFP ne résiste pas à la tentation d'envoyer une petite pique, formulant de la façon la plus défavorable les propos de Benoît XVI, en laissant supposer qu'il n'était pas à la hauteur de la tâche:
«Selon le journal italien 'IlCorriere della Sera', l'ouvrage confirme aussi l'impression que Joseph Ratzinger, au tempérament si réservé, ne se sentait pas forcément de taille à diriger les 1,2 milliard de catholiques et une Église secouée par des luttes intestines et des scandales comme celui des prêtres pédophiles».

Benoît XVI se raconte: «Personne ne m'a fait de chantage»
Ratzinger se confesse dans le livre d'entretiens "Dernières conversations"
«Décider n'est pas mon fort, mais je ne me sens pas comme quelqu'un qui a échoué»


Il Corriere della Sera
8 septembre 2016
Ma traduction

* * *

C'EST MOI QUI AI ÉCRIT LA RENONCIATION
Le texte de la renonciation, c'est moi qui l'ai écrit. Je ne peux pas dire exactement quand, mais au plus deux semaines avant. Je l'ai écrit en latin, car une chose aussi importante se fait en latin. En outre, le latin est une langue que je connais assez bien pour pouvoir l'écrire de façon convenable. J'aurais pu aussi l'écrire en italien, bien sûr, mais il y avait le danger que je fasse des erreurs.

ON NE ME FAISAIT PAS CHANTER
Il ne s'est pas agi d'une retraite sous la pression des événements ou d'une fuite par incapacité d'y faire face. Personne n'a essayé de me faire chanter. Je ne l'aurais même pas permis. S'ils (?) avaient essayé de le faire, je ne serais pas parti parce qu'il ne faut pas partir quand on est sous pression. Et ce n'est pas vrai non plus que j'étais déçu, ou quelque chose de ce genre. Et même, Dieu merci, j'étais dans l'état d'esprit paisible de quelqu'un qui a surmonté la difficulté. L'état d'esprit dans lequel on peu passer tranquillement le gouvernail à celui qui vient après.

CONTENT DE SON SUCCESSEUR
Mon successeur n'a pas voulu [porter] la mozette rouge. Cela ne m'a absolument pastouché. Ce qui m'a touché, en revanche, c'est qu'avant même de sortir sur le balcon, il a voulu me téléphoner, mais il ne m'a pas trouvé, parce que nous étions devant la télévision. La façon dont il a prié pour moi, le moment de recueillement, puis la cordialité avec laquelle il a salué les gens, [font] que, pour ainsi dire, l'étincelle a jailli immédiatement. Personne ne l'attendait. Je le connaissais, bien sûr, mais je n'ai pas pensé à lui. Dans ce sens, ce fut une grosse surprise. Je ne pensais pas qu'il était dans le groupe restreint des candidats. Quand j'ai entendu le nom, au début, je n'étais pas sûr. Mais quand j'ai vu comment il parlait, d'une part avec Dieu, de l'autre avec les hommes, j'étais vraiment satisfait. Et heureux.

L'ÉGLISE EST VIVANTE
L'élection d'un cardinal latino-américain signifie que l'Eglise est en mouvement, qu'elle est dynamique, ouverte, face à des perspectives de nouveaux développements. Qu'elle n'est pas congelée dans des schémas: il se passe toujours quelque chose de surprenant, qui possède une dynamique intrinsèque capable de la renouveler constamment. Ce qui est beau et encourageant est que justement à notre époque, il se produit des choses que personne n'attendait et qui montrent que l'Église est vivante et pleine de nouvelles possibilités.

LES RÉFORMES NE SONT PAS MON FORT
Chacun a son propre charisme. François est l'homme de la réforme pratique. Il a longtemps été archevêque, il connaît le métier, il a été supérieur des jésuites et il a aussi l'esprit pour mettre la main à des actions d'organisation. Je savais que ce n'est pas mon point fort.

SUR LE LOBBY GAY AU VATICAN
Effectivement, on m'a indiqué un groupe que, dans l'intervalle, nous nous avons dissous. Il était rapporté dans le rapport de la commission des trois cardinaux qu'on pouvait identifier un petit groupe de quatre, peut-être cinq personnes. Nous l'avons dissous. D'autres se formeront-ils? Je ne sais pas. Quoi qu'il en soit, le Vatican ne fourmille pas de cas semblables.

L'EGLISE DOIT CHANGER
Il est évident que l'Église abandonne de plus en plus les vieilles structures traditionnelles de la vie européenne et donc change d'aspect, et qu'en elle, de nouvelles formes vivent. Il est clair, surtout que la déchristianisation de l'Europe progresse, que l'élément chrétien disparaît de plus en plus du tissu de la société. L'Église doit donc trouver une nouvelle forme de présence, elle doit changer sa façon de se présenter. Des bouleversements historiques sont en cours, mais on ne sait pas encore à quel moment on pourra dire exactement ce qui commence.

JE N'AI PAS ÉCHOUÉ
Mon point faible est peut-être le manque de résolution dans le gouvernement et la prise de décisions. Ici, en fait, je suis davantage professeur, celui qui réfléchit et médite sur les questions spirituelles. Le gouvernement pratique n'est pas mon fort, ce qui est certainement une faiblesse. Mais je ne me vois pas comme quelqu'un qui a échoué. Pendant huit ans, j'ai fait mon devoir. Il y a eu des moments difficiles, il suffit de penser, par exemple, au scandale de la pédophilie et à l'affaire Williamson ou même le scandale Vatileaks; mais en général, ce fut aussi une période où beaucoup de personnes ont trouvé un nouveau chemin de foi et il y eu aussi un grand mouvement positif.

JE ME PRÉPARE À LA MORT
Nous devons nous préparer à la mort. Pas dans le sens d'accomplir certains actes, mais de vivre en se préparant à passer l'ultime examen devant Dieu. À abandonner ce monde et à se retrouvez devant Lui et les saints, les amis et les ennemis. À, disons, accepter le fait que cette vie ait une fin et à se mettre en chemin pour parvenir aux côtés de Dieu. J'essaie de le faire, en pensant toujours que la fin approche. En essayant de me préparer à ce moment, et surtout en l'ayant toujours présent à l'esprit. L'important n'est pas de se l'imaginer, mais de vivre en sachant que toute la vie tend à cette rencontre.