Lancer de ballons au lieu de lâcher de colombes


Dernier dimanche de janvier: coup d'oeil rétrospectif (et nostalgique) sur les années Benoît (31/1/2016).




Le dernier dimanche de janvier est traditionnellement le jour où les enfants de l'Action Catholique du diocèse de Rome se rassemblent sous les fenêtres du pape pour l'Angélus.
Jusqu'en 2013, sous Benoît XVI (et avant, sous Paul VI, puis Jean-Paul II) deux enfants montaient dans les appartements pontificaux pour libérer avec le Pape deux "colombes de la paix". Moments familiaux, et occasion de scènes cocasses et d'échanges spontanés et craquants entre le Saint-Père et les enfants.
Le 28 janvier 2013, à moins de deux semaines de l'annonce de sa renonciation, à peine libérée par le Saint-Père, une colombe était attaquée par une mouette, et ne trouvait son salut que sur le rebord de la fenêtre de son bureau.
L'année suivante (donc en 2014, la première fois pour François), cela se passait beaucoup moins bien.
Voici le récit qu'en avait fait Antonio Mastino (ma traduction ici: benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/la-colombe-dechiree-et-les-signes):

On a presque toujours assisté à des vols acrobatiques amusants et expressifs, et souvent vu une colombe, ou les deux, retourner dans l'appartement papal... suscitant rires et plaisanteries sympathiques du pape, comme la fois où après le retour de la colombe qui lui avait fait tomber la calotte, Jean-Paul II disait: «Le Saint-Esprit sous la forme d'une colombe revient pour vérifier que le pape fait tout bien». Pareil avec Benoît XVI: «On voit que le Saint-Esprit veut être avec le pape, mais il trouvera le chemin pour sortir». Jusqu'à l'année dernière, lorsque certains observateurs ont assisté, le souffle suspendu, à un spectacle troublant: on a remarqué pour la première fois une mouette se jeter sur la colombe du pape, laquelle, cependant, a trouvé refuge derrière le volet de la fenêtre de la chambre papale, et le Père Lombardi a dit, «la colombe a été sauvée»
Cette année, c'était différent, et à dire vrai, il n'y a eu aucun suspense: le Pape n'a pas lancé de colombe (ndt: ce sont en effet les deux enfants qui l'ont fait), il n'y a eu aucun retour dans l'appartement, comme pour souligner l'abandon de ce qu'on appelait les «sacre stanze» (salles sacrées) et la mouette a fait un nouvel essai, cette fois apparemment avec succès, tuant une colombe en vol. Il semble que la colombe (de la paix) n'ait pas trouvé d'abri et la photo la montre dans le bec de la mouette. La fenêtre de la chambre du pape était fermée: là, plus personne n'habite. Nulle grâce, aucun abri.

 


J'ignore comment cela s'est passé en 2015, n'ayant pas regardé.
Mais cette année, il n'y a pas eu de libération de colombes. Juste des ballons... Une sage précaution, à vrai dire.

Pour la nostalgie, on reverra les épisodes antérieurs listés ici: benoit-et-moi.fr/2012-I.

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Cette semaine, Raffaella a mis en ligne une vidéo de son amie Gemma, l'enregistrement du dimanche 28 janvier 2007.
Le plus important est évidemment la mini-homélie de Benoît XVI, parlant de Saint Thomas d'Aquin, du rapport entre foi et raison, et évoquant même son propre discours de Ratisbonne (w2.vatican.va).

Avec une sagesse clairvoyante, saint Thomas d'Aquin réussit à instaurer une confrontation fructueuse avec la pensée arabe et juive de son temps, au point d'être considéré comme un maître toujours actuel de dialogue avec d'autres cultures et religions. Il sut présenter cette admirable synthèse chrétienne entre raison et foi qui, pour la civilisation occidentale, représente un patrimoine précieux où l'on peut puiser aujourd'hui également pour dialoguer de manière efficace avec les grandes traditions culturelles et religieuses de l'est et du sud du monde.


Mais les images si belles, sont d'autant plus émouvantes avec le recul, et laissent un petit pincement au coeur:




On lit souvent, de la part de ceux qui veulent expliquer la différence de perception entre Benoît XVI et François, que le premier était le pape de la parole, alors que le second est le pape du geste, du coeur, de la proximité [*] (à vrai dire, l'argument était aussi utilisé pour opposer Benoît XVI à Jean Paul II, alors que le Pape polonais était lui-même un intellectuel de premier plan, qui a laissé de nombreux écrits personnels).
Mais il s'agit d'un lieu commun destiné à alimenter une fausse légende! Benoît XVI était certes un "Pape de la parole ", mais aussi, un "Pape des gestes". Toutes les images de lui comme pape (et en particulier celles que je viens de rappeler) en témoignent abondamment. Et ceux qui l'ont perçu autrement ne le connaissaient qu'à travers la narration médiatique faussée dès le début.
C'est important de le rappeler.

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[*] Mgr Gänswein lui-même disait en août dernier, en annonçant les "audiences jubilaires":
«Les audiences de Benoît XVI donnaient une orientation et touchaient plus particulièrement l'oreille [tandis que celles de son successeur] touchent le coeur et l'œil» (fr.radiovaticana.va).