Quand nous avions la vérité


Le Père Blake évoque à sa façon le troisième anniversaire du 13 mars 2013, par un hommage au Pape Benoît (13/3/2016)

Aujourd'hui, il a écrit une suite, intitulée "Maintenant, nous avons la miséricorde" (à suivre...).

 

Quand nous avions la Vérité

Fr Ray Blake
11 mars 2016
marymagdalen.blogspot.fr
Ma traduction



Cela fait un certain temps que j'essaie d'écrire quelque chose sur la nature de la vérité, j'ai écrit des centaines de mots mais je n'ai pas réussi à être précis, ou bien ça s'est terminé en diatribe peu charitable.
Lorsque le pape Benoît a démissionné, ses armoiries avec sa devise "Cooperatores Veritatis" ont été retirées (ndt: en réalité, il s'agissait de sa devise épiscopale, elle ne figurait pas sur son blason de Pape), et il a semblé qu'il y avait un changement de cap dans l'Eglise: beaucoup semblaient être arrivés à la conclusion qu'être "coopérateur de la vérité" n'était plus très important, le Nominalisme avec tout le Relativisme auquel Benoît avait tourné le dos était soudainement de retour.

La vérité était le devant et le centre du pontificat bénédictin, et avec elle une précision intellectuelle certaine et une volonté de définir précisément ce que nous voulons dire et ce que croit l'Eglise. Ce type de précision a toujours été au cœur du ministère de Ratzinger, il était présent du temps où il était préfet de la CDF.
Je pense qu'un grand tournant est survenu quand il a chargé le cardinal Schönborn de produire le Catéchisme de l'Église catholique (ndt: Schönborn a seulement été secrétaire de la commission pour la rédaction du CEC, présidée par le cardinal Ratzinger, qui avait été chargé par le pape de rédiger ce catéchisme). Je me souviens d'avoir parlé à un séminariste qui m'a dit: «Jusqu'à ce que le Catéchisme soit publié en 1994, on nous disait que n'importe quelle vieillerie faisait partie de l'enseignement catholique, après nous avons pu vérifier par nous-mêmes. L'effet d'un exemplaire [du catéchisme] dans une salle de classe du séminaire, même avec le professeur le plus bizarre, fut incroyable». Ainsi, 1994 est devenu un tournant important, quand "la foi" a été placée entre les mains des catholiques ordinaires, au lieu d'être une chose revendiquée par les "spécialistes".
Un autre grand tournant a été Dominus Jesus en 2000 qui a apporté la précision à notre christologie et notre ecclésiologie.

Le Pontificat de Benoît fut une recherche de la vérité qui anima d'innombrables catholiques; je soupçonne que ce fut l'une des raisons qui suscita l'émergence de nombreux catholiques "journalistes citoyens" et l'épanouissement de la blogosphère catholique.
Plus important encore, je crois qu'il a donné naissance à une culture de la transparence, de l'ouverture et de la responsabilité dans l'Église. Benoît a rendu possible pour nous de poser la simple question: «Est-ce vrai?» et d'attendre une réponse, il nous a donné un point de référence pour comprendre qu'il n'y avait pas de nombreuses vérités, mais Une Vérité et que cette Vérité est le Verbe incarné, la 2ème personne de la Sainte Trinité, Jésus Christ lui-même, une présence objective et réelle qui devrait être au cœur de l'Église. Pour Benoît, nier vérité était nier le Christ lui-même, obscurcir la vérité était obscurcir le Christ, un manque de clarté à ce sujet, un manque de clarté au sujet du Christ.

La vérité pour Benoît était la lumière du soleil qui purifie, c'était la réponse à la corruption dans l'Eglise, la réponse aux faux enseignements, à l'obscurcissement, au manque de transparence ou sur un plan plus terre-à-terre aux évêques couvrant les abus sur des enfants, à la corruption financière, aux lobbies, gays ou non, à la simple hérésie.
La recherche de la vérité semble avoir stimulé les vocations au sacerdoce, elle a certainement donné une impulsion à la vie intellectuelle catholique et le désir des intellectuels catholiques d'enseigner et d'offrir aux catholiques ordinaires un fondement intellectuel à leur foi.

L'idée de la Vérité étant au cœur de l'Eglise ou d'un Pontificat était peut-être incompréhensible aux médias autant qu'elle l'était à Ponce Pilate:

Pilate lui dit: "Tu es donc roi?" Jésus répondit: "Tu le dis, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité: quiconque est de la vérité écoute ma voix". Pilate lui dit: "Qu'est-ce que la vérité?" (Jean 18: 37-38)

La vérité est importante pour l'Eglise, parce qu'avant tout, nous sommes appelés à être des témoins crédibles. Les menteurs ne font pas de bons témoins. Si, d'une façon ou d'une autre, nous sommes convaincus de mensonge, alors nous perdons évidemment de la crédibilité et le Christ aussi. Avoir la vérité absolue comme aspiration place l'Eglise sur un niveau différent de l'homme politique qui, bien qu'il ne puisse pas dire exactement des mensonges, manipule et nuance la vérité et l'utilise comme un outil au lieu de l'adorer comme une icône de Dieu lui-même.

[Cela en vaut la peine, de réfléchir sur ce qu'Andrea Gagliarducci a écrit récemment ("Qui sont les ennemis de l'Eglise?") et son impact sur la Vérité].

Où va l'Église si nous avons simplement une place à la table et ne parvenons pas à apporter la Vérité qui est le Christ?