Une papauté bicéphale


... et de bonnes nouvelles de Benoît XVI: les révélations de Georg Gänswein, en marge de la présentation hier à l'Université pontificale grégorienne du livre "Oltre la crisi della Chiesa. Il pontificato di Benedetto XVI" (22/5/2016)

>>> Voir aussi:
¤ Le Pontificat de Benoît "au-delà de la crise"
¤ Benoît XVI: histoire et actualité d'un pontificat



Je ne doute pas que ces révélations vont faire couler beaucoup d'encre dans un certain milieu...
Les bonnes nouvelles: Benoît XVI va bien, et il pourrait assister fin juin à une célébration officielle en son honneur, pour le 65e anniversaire de son ordination sacerdotale.

"Aucun corbeau ou journaliste n'aurait jamais poussé Benoît à la renonciation"


Salvatore Cernuzio
it.zenit.org
21 mai 2016
Ma traduction

* * *

Mgr. Gänswein hier à l'Université Grégorienne pour présenter le livre de Roberto Regoli sur le pontificat Ratzinger. Événement public probable avec le Pape émérite à l'occasion de son 65e anniversaire de sacerdoce.




«Il prie, il aime étudier et lire, il se consacre à sa correspondance, il se promène, le chapelet à la main, dans les jardins du Vatican, il reçoit des visites». C'est la vie menée par Benoît XVI dans le monastère Mater Ecclesiae au Vatican, où le Pape Émérite a choisi de résider après le renoncement historique, esquissée par l'homme qui lui est le plus proche: son secrétaire personnel Mgr Georg Gänswein, également préfet de la Maison pontificale.

L'archevêque a été "intercepté" par les journalistes hier après-midi, en marge de la présentation à l'Université pontificale grégorienne du livre consacré au pontificat de Ratzinger "Oltre la crisi della Chiesa" de Roberto Regoli (ed. Lindau). Un livre qui, «de manière captivante et émouvante», parfois «brillante» et toujours «bien documenté», essaie de reconstruire année après année, étape après étape, les huit ans de Benoît sur le trône de Pierre.

Autrement dit, de ce 19 avril 2005 et de cette élection attendue par beaucoup, sauf par lui-même, en passant par ce 11 Février 2013, qui a changé pour toujours le ministère pontifical, jusqu'à l'actualité de ces trois années vécues au cœur du Vatican, à quelques pas par son successeur, mais toujours «caché au monde».

Il se peut, toutefois, que le Pontife émérite - qui avait déjà fait acte de présence en plusieurs occasions officielles, telles que la canonisation des deux Papes et l'ouverture du Jubilé - puisse se montrer au public très prochainement. Toujours Gänswein a rapporté à la presse qu'«on pourra le voir d'ici peu» puisque le 29 Juin prochain marquera ses 65 ans de sacerdoce.

Une manifestation célèbrant l'anniversaire est en effet en chantier. «Nous verrons ce qu'on réussira à organiser. C'est une occasion objective qui laisse espérer qu'on pourra le voir et prouvera que ma phrase sur la "bougie" était stupide», a dit l'archevêque pour justifier ces déclarations à un hebdomadaire italien où il déclarait que« Benoît est comme une bougie qui s'éteint lentement» (1).

Une phrase ambiguë, immédiatement interprétée comme une aggravation de la santé du pape. «Je ne savais pas qu'en italien, elle pouvait avoir une signification négative», a expliqué le secrétaire particulier, «dire qu'il est comme une bougie signifie que la force de sa lumière est la même». Le Pape Émérite, donc «va bien», même en tenant compte de ses 89 ans, «il est serein, en paix avec Dieu, avec lui-même et avec le monde».

En outre, a référé le père Georg, le flux des personnes qui veulent le rencontrer et qu'il reçoit augmente, même si ces derniers temps «nous avons dû ralentir les visites parce que chaque jour apporte de nombreuses lettres à lire et trop de livres, y compris des manuscrits».

Dans son discours lors de la présentation du livre, Gänswein a reparcouru avec les pages du livre et en suivant le fil de ses souvenirs personnels, les faits saillants du pontificat de Ratzinger. Depuis le conclave de 2005 qui a l'a vu quitter la chapelle Sixtine comme Pape, avec le nom de Benoît XVI et non de «Jean-Paul III, comme peut-être beaucoup l'auraient voulu». «A la place, il a renoué avec Benoît XV - le grand pape inécouté et malheureux de la paix des terribles années de la Première Guerre mondiale - et avec saint Benoît de Nursie, patriarche du monachisme et patron de l'Europe».

«Je pourrais comparaître comme grand témoin - a ajouté Gänswein - pour attester que, dans les années précédentes, le cardinal Ratzinger n'avait jamais fait quoi que ce soit pour accéder à la plus haute charge de l'Eglise catholique. Il rêvait déjà d'écrire dans la paix et le calme quelques derniers livres. Il a vécu l'élection comme un "véritable choc" et il en a éprouvé du "trouble"».

Un autre choc, totalement négatif, fut pour le Pape allemand la mort subite de Manuela Camagni (2), l'une des Memores Domini, tuée dans un accident tragique en 2010. Une année que dans le livre Regoli qualifie de «noire» pour Ratzinger avec l'affaire de l'évêque traditionaliste Williamson et la série d'attaques contre lui «de plus en plus malveillantes», et la mort, justement, de l'un des membres de la petits «famille pontificale».

«Comparé à un tel malheur, le sensationnalisme médiatique de ces années, tout en ayant un certain effet, n'a pas touché le cœur du Pape autant que la mort de Manuela, qui nous a été si soudainement arrachée», a affirmé Gänswein. «Benoît n'a pas été un "Pape acteur", et encore moins un insensible "Pape automate"; sur le trône de Pierre aussi, il était et est resté un homme. Et il l'est resté jusqu'à aujourd'hui».

C'est pourquoi il a été très choqué quand il a découvert la trahison de son majordome Paolo Gabriele, qui était aussi un membre de la «famille pontificale», déclenchant le scandale Vatileaks. «Il en a beaucoup souffert», a confirmé Gänswein, toutefois «il est bon que je dise très clairement une fois pour toutes que Benoît, à la fin, n'a pas démissionné à cause du malheureux et mal conseillé camérier, ou à cause des "gourmandises" en provenance de son appartement, qui dans ladite "affaire Vatileaks" circulèrent à Rome comme de la fausse monnaie, mais furent prises par le reste du monde comme d'authentiques lingots d'or».

«Aucun traître ou corbeau, aucun journaliste, n'auraient pu le pousser à cette décision», a souligné le préfet de la Maison pontificale. «Ce scandale était trop petit pour une chose aussi grande, et encore plus grand le pas mûrement réfléchi, d'une importance historique millénaire, que Benoît XVI a accompli». Pour lui, «il était opportun» de se démettre car «il était conscient que la force nécessaire pour sa très lourde charge l'abandonnait».

C'est pourquoi, a souligné le père Georg, depuis l'élection de François le 13 Mars 2013 «il n'y a pas deux papes, mais de facto un ministère élargi - avec un membre actif et un membre contemplatif».

«Comme aux temps de Pierre, aujourd'hui encore, l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique continue d'avoir un unique Pape légitime. Et pourtant, depuis maintenant trois ans, nous vivons avec deux successeurs de Pierre vivant parmi nous, qui ne sont pas dans un rapport de concurrence l'un avec l'autre, et tous deux avec une présence extraordinaire».

«C'est pour cela que Benoît XVI n'a renoncé ni à son nom, ni à la soutane blanche. C'est pour cela que l'appellation correcte pour s'adresser à lui est encore aujourd'hui "Sainteté"», a ajouté Gänswein (3). Et c'est pour cela qu'«il ne s'est pas retiré dans un monastère isolé, mais à l'intérieur du Vatican».

C'est comme s'il avait fait seulement un «pas de côté» pour faire place à son successeur et à une nouvelle étape dans l'histoire de la papauté, qu'«avec ce pas, il a enrichie de la "centrale" de sa prière et de sa compassion placée dans les jardins du Vatican».

NDT


(1) Mgr Gänswein donne raison à ce que j'écrivais à l'époque (25/3/2016): il avait bel et bien perdu une excellente occasion de se taire... Cf. Le feuilleton de la santé de Benoît XVI

(2) Voir ici: benoit-et-moi.fr/2010-III (en particulier l'homélie prononcée en privé par le Saint-Père)

(3) Ceci contredit de façon flagrante la fameuse lettre adressée par le Pape émérite à Andrea Tornielli, en réponse à une question de ce dernier (cf. benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/la-lettre-de-benoit-xvi-a-tornielli).
Voir aussi le commentaire d'Antonio Socci à l'époque (benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/enigme-autour-de-la-lettre-a-tornielli) et également benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/ratzinger-repond-a-tornielli.