Benoit-et-moi 2017
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A propos de prosélytisme

et dans le prolongement de l'article du P. Scalese, la réaction d'une lectrice (16/1/2017)

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Prosélytisme (P. Scalese)

(Nathalie D.)

Le changement de vocabulaire pour faire changer les mentalités est un procédé très répandu de nos jours. Un immigré illégal est devenu un migrant. Un pécheur est devenu un "blessé de la vie". Parfois on change de vocabulaire par égard pour des personnes (ex: un non-voyant, un ressortissant de l'Afrique subsaharienne pour dire un noir etc...) mais parfois pour mentir, comme dans les cas précédents. On peut aussi employer le mot "prosélyte" pour désigner seulement un disciple zélé et cohérent dans sa vie, ne rougissant ni du Christ ni des apports du christianisme à la civilisation, mais considéré comme trop voyant ou peut-être trop..."identitaire"; deux choses qu'on ne reproche jamais à un musulman!

Le mot "prosélytisme", quelle que soit son acception ancienne, sonne négativement à toutes les oreilles contemporaines. Il correspond exactement, actuellement, à la définition donnée par Dignitatis Humanae §4 (1) et nul ne peut douter que Benoît XVI l'emploie dans ce sens, pour déplorer ce mode d'action proche de la coercition.
François déplore la même chose mais semble lui donner une acception plus ample. Il semble dire qu'il ne faut pas trop enseigner, pas trop clarifier, et que le témoignage de la charité suffit à convertir le prochain au Christ; ce qui était la thèse en vogue, des années durant, après le Concile (la théorie de l'"enfouissement" qui a fait la preuve de son inefficacité et qui a produit tant d'agnostiques nés de parents chrétiens). J'ai l'impression que François en est resté à cette thèse, à laquelle plus personne ne croit vraiment en Europe et qui n'était pas celle de Benoît XVI. C'est une thèse soutenable et attrayante pour l'homme moderne jaloux de sa "liberté" d'opinion et d'action mais elle ne semble pas infaillible au vu de la fuite hémorragique de catholiques laïcs ou clercs, après le Concile, et, depuis, de l'absence de rayonnement de l'Eglise sur ceux du dehors. François triomphe et aime son travail de Pape mais l'Eglise et la foi chrétienne déplaisent toujours autant, même à certaines personnes baptisées!

Si l'exemple est absolument nécessaire sous peine de passer pour un hypocrite, il n'est pas suffisant pour évangéliser le monde. Certes, quand les paroles sont contredites par les actes (ex: les prêtres indignes), on n'a aucune chance de convaincre! Mais un témoignage édifiant sans annonce explicite de la foi (annonce que demandait Saint Pierre!) arrive rarement à convertir le prochain car les autres ne font pas spontanément le lien entre une bonne conduite et la foi qui l'inspire. Les parents en font l'expérience avec leurs enfants. Même de grands saints se sont trouvés dans ce cas de figure: Mère Teresa, Charles de Foucauld qui n'ont converti personne ou presque au cours de leur vie terrestre, mais qui peuvent convertir, une fois canonisés. Eux le peuvent car leur témoignage est connu mondialement après leur mort et que ce témoignage est annoncé; leur témoignage devient explicite par des paroles de l'Eglise. Mais nous, les pécheurs anonymes de bonne volonté n'avons pas d'autre pouvoir que de prier pour ceux qu'on voudrait voir se rapprocher de Dieu et de parler de Dieu si les conditions s'y prêtent (parents, grands-parents, catéchistes, clergé etc...). N'allons pas imaginer que nos actes bons vont faire l'admiration de l'entourage et l’inciter à croire. D'ailleurs, personne ne les remarque et le Christ nous a d'ailleurs recommandé de faire en sorte que la main gauche ignore ce que fait la main droite.

Tout ceci pour dire que le témoignage, sans enseignement explicite des fondements de notre foi, n'a que très peu d'impact sur l'évangélisation. Benoît XVI, qui était un enseignant dans l'âme, le savait très bien et c'est pourquoi il tenait tant à l'annonce doctrinale (ex : le CEC)... tout en donnant l'exemple d'une vie sainte, comme le Christ et de nombreux saints.

Il n'est pas sûr que François, qui - en dehors des textes conventionnels écrits pour lui par des bureaux et inconnus du grand public et de ses homélies confidentielles à Ste Marthe - enseigne peu (2) et s'en fait une gloire, mais qui théâtralise sa charité (Lampedusa, Lesbos, lavements des pieds destinés à donner une leçon d'accueil des "périphéries", embrassades avec des couples homos etc...) ait une action évangélisatrice supérieure à celle de Benoît. Dieu seul le sait et les historiens futurs feront le bilan.

Notes

(1) Dans la propagation de la foi et l’introduction des pratiques religieuses, on doit toujours s’abstenir de toute forme d’agissements ayant un relent de coercition, de persuasion malhonnête ou peu loyale, surtout s’il s’agit de gens sans culture ou sans ressources. Une telle manière d’agir doit être regardée comme un abus de son propre droit et une atteinte au droit des autres.
(Dignitatis Humanae, www.vatican.va...)

(2) C'est au § 16 de Evangelii Gaudium que François exprime son refus d'abuser de ses prérogatives de Pape:
"Je ne crois pas non plus qu’on doive attendre du magistère papal une parole définitive ou complète sur toutes les questions qui concernent l’Église et le monde. Il n’est pas opportun que le Pape remplace les Épiscopats locaux dans le discernement de toutes les problématiques qui se présentent sur leurs territoires. En ce sens, je sens la nécessité de progresser dans une “décentralisation” salutaire."
(w2.vatican.va)