Benoit-et-moi 2017
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Ambiance vaticane

Cette fois, c'est Damian Thompson, le spécialiste britannique des affaires religieuses et rédacteur en chef du conservateur du "Spectator", et accessoirement du "Catholic Herald", qui apporte sa contribution (15/1/2017)

Le langage n'est pas vraiment châtié, l'article ne brille pas par sa subtilité (un trait commun à une grande partie la presse anglo-saxonne... selon moi, et au moins dans le traitement des questions religieuses), mais il a le mérite de dire les choses carrément: désormais, ce sont bien plus que des rumeurs. Ou si l'on préfère "se non è vero, è ben trovato".

François n'a pas à se présenter à la réélection par le conclave. Ce qui, croyez-moi, est heureux pour lui, parce qu'après les misères et les sottises de ces deux dernières années, il serait éliminé au premier tour.

Pourquoi de plus en plus de prêtres ne peuvent plus supporter François

Il a été catalogué comme réformateur courageux, mais des questions se posent à propos de son jugement

Damian Thompson
www.spectator
14 Janvier 2017
Ma traduction

La boule de démolition du Pape, "The Spectator", novembre 2015

Le 2 Janvier, le Vatican a publié une lettre de François aux évêques du monde dans laquelle il leur a rappelé qu'ils doivent montrer une «tolérance zéro» envers les abus sur mineurs. Le lendemain, le magazine américain Week publiait un article qui racontait l'histoire de "Don Mercedes" - le Père Mauro Inzoli, un prêtre italien avec une passion pour les voitures chères et les garçons mineurs (cf. Pédophilie: réforme de la réforme, là aussi?).
En 2012, le pape Benoît a dépouillé Inzoli de ses prérogatives sacerdotales, le défroquant de fait. En 2014, cependant, elles lui ont été rendues - par François, qui lui a enjoint de rester éloigné des mineurs.
Et puis finalement, les autorités civiles italiennes ont rattrapé ce serial groper (= peloteur) d'adolescents dans le confessionnal. L'été dernier Inzoli a été condamné à quatre ans et neuf mois de prison pour délits de pédophilie. Le Vatican, sous la «tolérance zéro» de François, a refusé de fournir les preuves que le Parquet désiraient.
Si le pape Benoît XVI avait fait preuve d'une telle attitude hypocrite envers un membre du clergé abuseur d'enfant, le toit serait tombé sur sa tête: il aurait été chassé de son office au lieu de démissionner.

Mais la plupart des médias du monde ont catalogué François comme un réformateur courageux, qui se bat contre les mafieux du Vatican, les violeurs d'enfants et les «fondamentalistes». Cette perception a rendu aisé pour les alliés du pape de maintenir le nom de Mauro Inzoli hors des titres des médias anglophones jusqu'à la semaine dernière.
Cette perception peut changer en 2017. Pendant plus de deux ans, les leaders catholiques se sont mutuellement pris à la gorge autour d'un projet - subrepticement soutenu par le pape - pour permettre aux divorcés remariés qui vont à la messe de recevoir la Sainte Communion. Les médias laïcs ont traité cela, à juste titre, comme une querelle intestine. Il est difficile de faire les gros titres sur une controverse que même les théologiens trouvent difficile à saisir (!!!).
A la fin de l'année dernière, cependant, la querelle sur la communion a commencé à sesuperposer à d'autres polémiques, qui ont toutes soulevé des questions non seulement sur l'arrêt rendu par le pape, mais aussi sur son état mental.
Un homme qui, quand il a pris ses fonctions, semblait témoigner d'une attachante absence de formalisme - payant lui-même sa note d'hôtel, refusant de vivre dans le Palais apostolique, passant des coups de fil-surprise au public - montre à présent une personnalité moins sympathique.
Il a rompu avec une tradition papale beaucoup plus importante que le fait de vivre dans les appartements pontificaux ou se déplacer dans des limousines. Il a défié la convention qu'un pape, une fois élu, cesse de faire de la basse politique curiale.

Le pape Benoît a respecté cette convention. Les progressistes inquiets que le «Rottweiler» puisse conserver des rancunes anciennes l'ont regardé avec étonnement - et soulagement - devenir un ermite virtuel. Cela a créé le chaos entre factions qui a conduit à sa démission - mais jusqu'à la fin, Benoît était toujours «le Saint-Père».
Ce titre est presque passé d'usage à l'intérieur du Vatican sous François, au moins dans la conversation courante. Et, quand vous l'entendez, il y a une pointe de sarcasme. Par exemple: «Comme le Saint Père le dit de façon si avisée, nous avons tous une tendance naturelle à manger de la me..
Le prêtre qui dit cela n'est pas fan de François. Mais le fait est que le pape l'a dit - en public. Le mois dernier, il a dit aux médias d'arrêter la propagation de fausses histoires parce que «les gens ont une tendance à la maladie de la coprophagie». Ce qui signifie manger des excréments.

Pourquoi l'a-t-il dit? Le blog traditionaliste Rorate Caeli (cf. benoit-et-moi.fr/2016/actualite/droles-de-mots-dans-la-bouche-dun-pape) a suggéré que «le vieillissement ou un problème médical sous-jacent» étaient responsable de ses «colère persistante, rancune, vitupérations, utilisation de mots grossiers (qui est connue pour être de plus en plus fréquente en privé)».
Encore une fois, ce sont les mots d'un opposant. Il n'y a aucune preuve que le pape soit malade mentalement. Cependant, beaucoup d'employés du Vatican témoigneront de ses sautes d'humeur, de son impolitesse envers ses subordonnés et de son langage grossier.
Il peut aussi être génial, drôle et compatissant. Mais ce côté de sa personnalité est de plus en plus réservé à son entourage proche et ses alliés.
Il va sans dire que tous les papes ont un entourage proche. Ce qui distingue François de ses prédécesseurs récents, c'est la nature des alliances qu'il forme. Il est beaucoup plus brutal dans l'exercice de son pouvoir que, par exemple, le Pape Jean-Paul II, qui avait certainement une tendance autoritaire en lui.
«Bergoglio divise l'église entre ceux qui sont avec lui et ceux qui sont contre lui - et s'il pense que vous êtes dans le dernier camp, alors il va vous porsuivre», dit un prêtre qui travaille à la curie.
Notez 'Bergoglio': il ne l'appelle même pas 'François'. Fait révélateur, ce prêtre était un fervent partisan de certaines des réformes administratives du pape et il ne regarde pas en arrière avec nostalgie au règne de Benoît, qu'il accuse d'avoir négligé ses fonctions papales (!!!).
Mais, comme de nombreux employés du Vatican, il en a assez de l'habitude de François de dire de la curie romaine toute entière qu'ils sont les Pharisiens modernes - une analogie qui projette le pontife argentin dans le rôle de Jésus.

Il est clair que François estime que l'assouplissement des règles sur la communion pour les catholiques ayant contracté des mariages irréguliers est un acte de compassion christique (?? !!!). Ceci est également le point de vue des vénérables [humour british?] cardinaux progressistes qui ont fait campagne pour l'élire. On dit souvent qu'il met en oeuvre leur agenda - et c'est vrai que François est bien disposé envers les requêtes libérales de femmes diacres et de prêtres mariés.
Il n'est toutefois pas leur instrument. Pour reprendre les mots d'un observateur du Vatican qui a occupé une place importante à Rome pendant de nombreuses années, «Il n'a pas tant pris le vieux manteau progressiste que créé son propre culte de la personnalité». Les subtilités théologiques l'ennuient. La loyauté personnelle l'obsède - «et si les cardinaux électeurs avaient fait diligence ils auraient découvert qu'il était une figure extraordinairement clivante parmi les jésuites argentins».

Il n'est pas difficile de détecter un parfum latino-américain dans les marchandages et les règlement de comptes qui sont devenus flagrants au cours de l'année écoulée. La plupart des évêques catholiques avaient pensé que François était un réformateur doté de franc-parler, et peut-être d'une touchante naïveté. Au lieu de cela, ils sont confrontés à un pape qui est à la fois combatif, charmeur (?), colérique, idéaliste (?) et rancunier.

Cela ne vous rappelle pas quelqu'un? L'analogie Trump-François a fait le tour de Rome pendant des mois, et pas seulement parmi les adversaires du pape.
«Ce n'est pas à prendre totalement au sérieux», dit une source bien placée. «Personne ne suggère que Jorge Bergoglio est tenté par les mêmes péchés de la chair que Donald Trump».
«Et il y a une autre différence. Les Américains peuvent virer leur vieille fripouille [remarque que je trouve franchement déplacée!!] au bout de quatre ans. François n'a pas à se présenter à la réélection par le conclave. Ce qui, croyez-moi, est heureux pour lui, parce qu'après les misères et les sottises de ces deux dernières années, il serait éliminé au premier tour».