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Conseil de guerre à l'Elysée

Ou comment la France prépare l'attaque sur la Syrie (et de l'utilité d'un Macron président). Un article du blog italien très bien informé de Giampaolo Rossi (30/4/2017)

Pourquoi Hollande, dans la semaine suivant le premier tour des élections présidentielles, et alors que son autorité est réduite à rien par la force des choses, a-t-il convoqué une réunion du Conseil de Défense et de Sûreté intérieure, pour discuter de l'opportunité d'une intervention militaire en Syrie, en réponse à la récente attaque présumée au gaz sarin attribué sans preuves au président Assad? Eléments de réponse dans cet article du blog de Giampaolo Rossi. Et questions (troublantes) sur les "preuves" prétendument apportées par les Français.

Comment la France prépare l'attaque sur la Syrie

Qui mieux qu'un président gagnant, légitimé par le vote populaire, expression de l'élite qui détermine les processus mondiaux, acclamé par les médias, peut avoir le crédit nécessaire pour amener la France dans la guerre et mettre en œuvre le plan de neutralisation de la Syrie poursuivi depuis des années?

27 avril 2017
blog.ilgiornale.it/rossi
Ma traduction

* * *

Hier matin, au Palais de l'Elysée, le président Hollande a réuni le Conseil de Défense et de Sécurité nationale (1), l'organe suprême qui supervise les décisions militaires et d'intervention à l'étranger, les opérations de renseignement, les questions de sécurité stratégique et de lutte contre le terrorisme. Il y avait les plus importants ministres du gouvernement, les chefs des forces armées et des services secrets.
Objet de la réunion, l'Évaluation Nationale, le rapport final du gouvernement sur l'«attaque chimique présumée» à Khan Sheikhoun, en Syrie, le 4 Avril dernier.
Le rapport de six pages a identifié dans le régime syrien le responsable du massacre chimique. Mais il y a des choses, et même beaucoup, qui ne collent pas. Voyons pourquoi.

Les éléments retenus pour prouver l'accusation sont en substance trois:
1) le type de gaz utilisé
2) Le procédé de production
3) La façon dont il a été utilisé

UN SARIN PARTICULIER
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Le gouvernement de Paris écrit : «les analyses effectués par les experts français sur les échantillons environnementaux prélevés dans l'un des points d'impact de l'attaque chimique (...) révèlent la présence de sarin» , ou plutôt «d'un produit secondaire spécifique, le DIMP (diisopropyle méthylphosphonate)».
Ce n'est pas tout, l'analyse biomédicale «sur un échantillon de sang prélevé en Syrie sur l'une des victimes de l'attentat de Khan Sheikhoun» , montre l' exposition au sarin.

D'où la première conclusion: «La France confirme de manière indépendante et catégorique que le sarin a été utilisé le 4 Avril».

Pas un sarin quelconque, mais spécifique (le DIMP) qui , selon les services de renseignement français, est celui «développé par le SSRC (le Centre de recherche scientifique de Damas) et utilisé par les forces armées syriennes» ; le même sarin «utilisé avec certitude par le régime syrien lors de l'attaque de Saraqib le 29 Avril 2013» .

PREMIERE QUESTION
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Qui a recueilli des échantillons environnementaux sur le lieu du bombardement et l'échantillon de sang sur la victime? Les Français eux-mêmes? Si oui, comment se fait-il que les Français aient eu accès à une zone contrôlée par les rebelles d'Al-Qaïda? Dans le cas contraire, qui les a recueillis et donné aux services secrets de Paris? Et comment ont-ils été recueillis, et comment ont-ils été livrés? Et quelle certitude y a-t-il que ces échantillons proviennent exactement de cet endroit, et qu'ils n'ont pas été en aucune façon contaminée ou manipulé?

Ces questions sont fondamentales pour comprendre le bien-fondé de cet acte d'accusation français au régime d'Assad. Tout comme il est important de rappeler ce qui est arrivé à Saraqib en 2013.

QUE S'EST-IL PASSÉ À SARAQIB?
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Saraqib est une ville du nord de la Syrie dans la même province d'Idlib où se trouve Khan Sheikhoun; ville aux mains des rebelles anti-Assad en 2013, qui fut la cible d'une attaque chimique présumée; une attaque chimique très étrange, selon le Rapport de l'ONU, car elle fit une seule victime et parce que l'enquête se basa sur le témoignage d'une seule «source proche de l'opposition» qui aurait vu «un hélicoptère passer au-dessus de la partie ouest de la ville, volant du nord vers le sud et abandonnant des objets en trois endroits différentes». De ces objets, dit le rapport, sortit une «fumée blanche». L'un de ces objets, tombé dans la cour d'une maison privée, intoxiqua une femme de 52 ans (qui fut ensuite la victime), sa belle-mère et ensuite d'autres membres de la famille.

Dans le rapport des Nations Unies, à la page 38, on peut lire: «Sur la base des informations recueillies par la Mission des Nations Unies auprès de la source proche de l'opposition, l'incident de Saraqib était atypique pour un événement qui prévoyait une utilisation présumée de substances chimiques» . En réalité, un bombardement chimique avec un seul mort et un seul témoin oculaire, excuse une certaine réserve.

Les blessés furent d'abord admis dans un hôpital syrien puis, face à des signes évidents d'intoxication, transférés en Turquie, où la femme est morte.
L'autopsie fut faite sur le corps de la femme par des experts des Nations Unies qui toutefois enregistrèrent que le corps avait déjà subi une autopsie partielle par les médecins turcs .
Entretemps, les services français récupérèrent les restes d'une «grenade non explosée» sur le terrain, ils firent un prélèvement de la substance chimique, l'analysèrent et constatèrent qu'il s'agissait de sarin; enfin ils remirent les résultats à la Commission des Nations Unies qui aurait «confirmé l'analyse en Décembre 2013».

LE DEMI-MENSONGE FRANÇAIS
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Mais en réalité, cela ne s'est pas exactement passé comme le dit gouvernement français; l'ONU a seulement confirmé que l'analyse conclusive des échantillons recueillis par les Français en 2013 étaient conformes aux résultats. Mais ils n'ont pas pu confirmer que ces échantillons étaient d'origine.

Et en effet, dans le rapport des experts de l'ONU, il est dit «qu'en l'absence d'informations directes» sur la façon dont ils sont entrés en possession des échantillons et de la «chaîne de contrôle de la façon dont l'échantillonnage a été fait et du transport des échantillons obtenus», on ne pouvait pas «établir un lien direct entre l'événement présumé, la localité présumée et la mort de la femme» . Une façon élégante de dire que ces échantillons peuvent avoir été altérés ou substitués.

NOUVELLES ANALYSES
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Tout comme ceux amenés aujourd'hui par le gouvernement français comme preuve que les Syriens ont utilisé le même sarin aussi à Khan Shaykur. Par conséquent, les questions que nous posions plus haut sont cruciales pour comprendre la différence entre une preuve et un théorème .

Le rapport du gouvernement français présenté hier par le ministre des Affaires étrangères Ayrault (2) continue en excluant un certain nombre d'hypothèses:
1) Que l'attaque chimique ait pu être le fait des groupes armés de rebelles, car «à la connaissance des services en français, aucun de ces groupes n'a la capacité d'utiliser un agent neurotoxique, ou les capacités aériennes requises».
2) Qu'il se soit agi d'une mise en scène ou d'une manipulation de l'opposition «car l'afflux massif en un temps très limité vers les hôpitaux en Syrie et en Turquie et dans le même temps, la mise en ligne massive de vidéos, qui montrent des symptômes d'utilisation d'agents neurotoxiques» l'excluent.

Mais en réalité, aucune de ces hypothèses n'a jamais été avancée par les autorités syriennes qui ont tout au plus soutenu que le massacre chimique aurait pu avoir été causé par du sarin stocké dans des entrepôts des rebelles.

ET LE RAPPORT DE LA CIA?
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Dans le rapport, le gouvernement français ne fait aucune référence au rapport de la CIA par lequel la Maison Blanche a légitimé les bombardements en Syrie. Pourquoi?

Peut-être parce que ce rapport, comme nous l'avons montré ici, est faux? Mais s'il est faux, pourquoi le gouvernement français a-t-il soutenu un bombardement américain basé sur les preuves de ce document? Et s'il est vrai, pourquoi le gouvernement français ne le cite-t-il pas comme soutien supplémentaire à ses conclusion, puisqu'il confirme lui aussi un bombardement syrien présumé avec le sarin?

POURQUOI LES ARMES CHIMIQUES
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Dans son rapport, l'Elysée confirme que depuis le 23 Mars, les forces syriennes, les forces spéciales iraniennes et le Hezbollah avec l'appui aérien russe, avaient lancé une contre-offensive sur le front de Hama; et le 2 Avril, soit deux jours avant la présumée attaque chimique, Damas avait reconquis presque complètement les territoires perdus en Mars.

En plus, le rapport confirme que «les services français estiment que seul Bachar al-Assad et certains des membres les plus influents de son cercle interne sont autorisés à donner l'ordre d'utiliser des armes chimiques».

Mais, si on peut exclure une faille dans la chaîne de commandement (par exemple, un général qui a ordonné l'attaque chimique à l'insu de l'état-major et du gouvernement syrien), pourquoi Assad lui- même aurait-il ordonné une attaque chimique 100 km au nord de la ligne de front, dans une zone non touchées par les combats, juste au moment où le front des rebelles cédait, en sachant que l'attaque bloquerait son offensive et déchaînerait l'opinion publique internationale contre lui, remettant en question de son maintien au pouvoir (chose qu'il avait obtenu de Trump lui-même)?
Cela semble dénué de sens, et ça l'est peut-être.

TAMBOURS DE GUERRE
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Le rapport de Paris intervient deux jours après la victoire électorale de Macron qui semble prédire sa conquête de l'Elysée. Et Macron est le candidat de l'élite mondialiste, du pouvoir techno-financier, celui qui alimente le parti de la guerre humanitaire en Occident.
Et qui mieux qu'un président gagnant, légitimé par le vote populaire, expression de l'élite qui détermine les processus mondiaux, acclamé par les médias, peut avoir le crédit nécessaire pour amener la France dans la guerre et mettre en œuvre le plan de neutralisation de la Syrie poursuivi depuis des années?

D'ailleurs hier, ici-même [dans Il Giornale], le blog Picole Note a mis en évidence la façon dont Macron a déjà annoncé son intention d'une attaque militaire contre la Syrie, avec ou sans autorisation de l'ONU, «pour neutraliser les capacités chimiques du régime d'Assad» (3). Il suffit donc de montrer au bon moment qu'Assad a ces capacité chimiques et les utilise, et le tour est joué.

En Libye, ce furent les services en français qui ont construire autour d'une table de fausses preuves des crimes qui auraient été commis par Kadhafi, quand c'étaient au contraire les rebelles djihadistes financés par Paris, Washington et Londres. Et en Libye, c'est la France qui ouvrit l'opération militaire qui a conduit à un changement de régime à Tripoli, voulu par Sarkozy et Clinton, puis mis en œuvre par l'OTAN.

Ce rapport du gouvernement français ressemble plus qu'autre chose à un tambour de guerre qui a commencé à résonné pour le probable nouveau président Macron.
Les guerres humanitaires ne sauvent pas l'humanité, mais aident à redessiner le nouvel ordre international en sauvegardant les intérêts de l'élite mondialiste; et Macron semble être le garant parfait de ces intérêts.

NDT

(1) Voir www.atlasinfo.fr/ ; www.toulouse7.com

(2) www.lexpress.fr/

(3) Selon Picole Note, Macron aurait dit:
«J'ai été très clair sur le sujet depuis le début. Je condamne avec la plus grande fermeté l'utilisation d'armes chimiques par le régime de Bachar el-Assad. Cela contrevient d'une part au Droit International et d'autre part aux accords de 2013. Et donc si je suis élu président de la République, je prendrais les dispositions en lien avec la coalition et, si possible sous mandat de l'ONU mais même sans mandat de l'ONU pour neutraliser ses capacités chimiques du régime de Bachar el-Assad».
Picole Note se réfère à un blog francophone tenu par un Syrien du nom de Said hilal alcharifi
Son article a été repris en France par plusieurs blogs dont je n'ai pas pu vérifier la fiabilité, pas plus que je n'ai réussi à trouver des traces du discours. Ces propos de Macron auraient été prononcés lors de la visite à la Chambre de commerce d'Amiens (donc avant de se rendre à l'usine Whirlpool).
Mais il est très facile de trouver sur internet des preuves officielles que Macron est «favorable à une intervention militaire en Syrie après l'attaque chimique», encore tout récemment - le 6 avril - sur le plateau de LCI (par exemple www.bfmtv.com)