Benoit-et-moi 2017
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Diabolisation du monothéisme

Après l'attentat des Champs Elysées, une réflexion de Robi Ronza qui prolonge l'avertissement de Benoît XVI dans sa lettre au Président polonais (22/4/2017)

>>> Voir ici:
Europe athée contre radicalisme islamiste (la lettre de Benoît XVI)

Il y a une semaine, Benoît XVI, dans sa retraite de Mater Ecclesiae, lançait un avertissement dramatique aux occidentaux, spécialement européens, et à leurs gouvernements incapables de faire face au terrorisme islamique autrement qu'avec des voeux pieux (nous vaincrons le terrorisme ensemble), des incantations (défendons nos valeurs contre la barbarie), et des slogans (pas d'amalgame).
Constatant «la confrontation entre des conceptions radicalement athées de l'Etat et l'émergence d'un Etat radicalement religieux dans les mouvements islamistes», il les exhortait à «développer d'urgence une conception convaincante de l'Etat, qui soutienne la confrontation avec ces défis et puisse les surmonter».
Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, dit la sagesse populaire.... et vu le très faible écho qu'a eu cette déclaration, je doute qu'il ait été entendu. Ce n'est pas la première fois (souvenons-nous de Ratisbonne) et il ne fait aucun doute que nous en paierons les conséquences.

Robi Ronza, sur la Bussola d'aujourd'hui, bien que ne citant pas le Pape Emérite, ne dit rien d'autre: «contre le terrorisme islamiste, il faut certes l'action de la police et éventuellement de l'armée, mais à long terme, ce sont les réponses culturelles qui importent».

L'attentat des Champs Elysées d'avant-hier lui donne l'occasion de dénoncer la «diabolisation du monothéisme», théorisée par le philosophe récemment disparu Zygmunt Bauman - célèbre pour avoir inventé le concept de société liquide - et que chaque nouvel attentat ravive, à travers l'amalgame aux dépens exclusifs d'une unique religion... devinez laquelle!

Terrorisme islamique et diabolisation du monothéisme

Robi Ronza
22/04/2017
www.lanuovabq.it
Ma traduction

* * *

Comme d'habitude l'attaque terroriste d'hier à Paris a - entre autre - ouvert les vannes des lieux communs sur le rapport entre «religion» et violence politique, quand ce n'est pas entre «religion» et violence en tant que telle. Comment les lézards éveillés de l'hibernation dans la chaleur du printemps, on voit ces jours-ci de nombreux experts présumés se diriger vers les micros et les fauteuils des salons de télévision et de radio les plus divers, avançant une fois de plus une thèse chère à Zygmunt Bauman (1925-2017), le célèbre philosophe anglo-polonais récemment disparu. L'argument que nous devons revenir au polythéisme, car le monothéisme serait violent par nature.

Le polythéisme, soutenait Bauman, «s'associe à une coexistence pacifique entre les manières d'être des hommes; au contraire, le monothéisme s'accompagne d'une lutte fratricide entre ces manières, une guerre mutuelle jusqu'à l'épuisement ou l'anéantissement». C'est la thèse au centre de Conversations sur Dieu et l'homme ["O bogu i czlowieku. Rozmowy", 2014, en anglais "Of God and men", apparemment non traduit en français], fruit d'un dialogue entre Bauman et Stanislaw Obirek, défini par son éditeur comme «théologien, historien, anthropologue et ex-jésuite». Dans le développement du discours entre les deux, on comprend que dans la condition moderne, le polythéisme souhaité dont il est question est en substance le laïcisme. La thèse de ceux qui soutiennent que le polythéisme et le monothéisme ne sont nullement deux phases successives de l'«histoire des religions» trouve ici une confirmation intéressante a contrario. Il s'agit au contraire de deux positions de l'esprit humain qui coexistent et s'opposent depuis les temps les plus anciens.

Les noms d'Hitler et de Staline suffisent à démentir l'affirmation de Bauman que les cultures «polythéistes», autrement dit sécularistes, sont une garantie certaine de paix et de respect des droits de l'homme. En tant que juif et en tant que Polonais, ce sont deux noms qui aurait dû rappeler beaucoup de choses à Bauman. Ce ne fut pas le cas, confirmant ainsi la perte de contact avec la réalité à laquelle peut conduire une pensée comme la sienne. Jusqu'à la fin de ses jours, Bauman continua, imperturbable, à soutenir que «Si Dieu est unique, alors tout est permis à l'homme qui en est convaincu, envers celui qui ne l'est pas». En réalité, on ne sait pas bien pourquoi l'homme qui a foi en un seul Dieu, devrait pour cela se considérer comme autorisé à persécuter ceux qui ne partagent pas sa conviction. Il y a dans cette affirmation un saut logique évident. Mais, inébranlable dans son idée extravagante, Bauman arrive à la conclusion que «l'agnosticisme n'est pas l'antithèse de la religion, ou de l'Eglise. L'agnosticisme est l'antithèse du monothéisme et de l'Eglise fermée» [ndt: par opposition à l'Eglise "ouverte" chère à François?]; et que donc, ne pas connaître Dieu est la «condition la plus respectable pour un honnête homme».

C'est là en réalité un des principaux malentendus qui sapent la capacité de l'Europe à donner une réponse forte et culturellement motivée à l'agression du terrorisme islamiste. Bien qu'il n'y ait pas de doute que dans l'immédiat, contre le terrorisme islamiste, il faut l'action de la police et éventuellement de l'armée, à long terme, et donc de manière définitive, ce sont les réponses culturelles qui importent.

Dans cette perspective, il faut aussi noter que la catégorie des «monothéismes» est une invention polémique par laquelle on prétend mettre ensemble des réalités qui sont en fait très différentes du point de vue de leurs répercussions sociales et politiques. Il n'est pas vrai que tous les «monothéismes» ont les problèmes qui affligent aujourd'hui l'islam. Si jusqu'à présent l'islam ne parvient pas à donner des réponses constructives aux demandes de liberté si fortes de notre époques, cela dépend essentiellement du fait que le principe de laïcité (ce n'est pas un hasard s'il est entré dans l'histoire avec Jésus et son «Rendez à César ...») ne trouve pas de racines en lui. Et cela dépend aussi du rôle passif que l'islam attribue à l'homme musulman, lui ôtant ainsi le courage d'affronter de façon créative les problèmes du monde en transition rapide dans lequel nous vivons. Pour le bien de tous, nous devons espérer que chez les musulmans aussi mûrisse la foi en un Dieu prévoyant, mais également respectueux de la liberté humaine. Ce n'est pas une Europe «polythéiste» autrement dit détraquée par la propagation du relativisme et du scepticisme, mais une Europe redécouvrant de façon créative ses racines chrétiennes, qui peut supporter la confrontation et exercer l'influence dont l'islam a besoin à cette fin, pour son propre bien et celui de tous.