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Donald Trump "normalisé"?

Marcello Foa

L'attaque au gaz sarin suivie des frappes américaines en Syrie laissent penser qu'aux USA, le "deep state" a repris la main. L'hypothèse plausible de Marcello Foa (7/4/2017)

Evidemment, il y a d'autres hypothèses, ou des hypothèses qui ne contredisent pas celle-là mais la complètent, peu politiquement correctes, qui ne sont pas évoquées ici...

Attention: ils ont normalisé Trump

Marcello Foa
blog.ilgiornale.it
7 avril 2017
Ma traduction

* * *

On a envie de dire qu'il était une fois Trump.

Il était, jusqu'à il y a quelques semaines, un président qui promettait une Amérique différente de celle d'Obama, mais aussi de celle de Bush, de Clinton, de Bush père. Une Amérique qui avait l'intention de rompre nettement avec la doctrine néo-conservatrice, qui au nom de la lutte contre le terrorisme, et d'un monde meilleur a obtenu, depuis 2001 jusqu'à aujourd'hui, l'exact opposé: davantage d'instabilité au Moyen-Orient, le fondamentalisme islamique, la naissance de Daesch et une série d'attaques dans les capitales européennes. Cette Amérique se proposait de ne plus être le gendarme du monde et semblait vouloir faire la paix avec Poutine.

Ne vous laissez pas berner par la rumeur médiatique des derniers mois: ce qui perturbait l'establishment américain et l'Etat profond (Deep State) qui en réalité gouverne l' Amérique et qui rassemble les républicains et les démocrates, ce n'était pas seulement la personne de Donald Trump, mais surtout ses idées, ce projet d'Amérique.

Ce qui est arrivé la nuit dernière en Syrie marque un changement radical dans l'esprit et les intentions de Trump. Cinq mois de campagne martelante contre le président élu ont produit, évidemment, les effets souhaités. Et je ne parle pas uniquement des manifestations de rue, de l'opposition hystérique de la presse, des sentences des juges. Trump n'a pas été capable de résister au boycott provenant de l'intérieur des institutions et de l'appareil du renseignement et de la défense. Et qui sait à quelles autres pressions et menaces. Il s'est laissé empoigner, engloutir par ce monde qu'il promettait de combattre. Le tout en seulement deux mois et demi à compter du jour de son investiture.

La plus grande erreur, il l'a commise quand il a accepté qu'un de ses conseillers les plus fiables, Flynn, démissionne. Un commentateur pointu et vraiment indépendant comme Paul Craig Roberts l'avait tout de suite compris: cette reddition était dévastatrice, car elle rompait le front des fidèles, mais surtout parce qu'elle brisait la position Trump sur l' «affaire Russie», qui pouvait devenir ainsi une affaire nationale. De la série: si Flynn a démissionné, c'est qu'il avait quelque chose à cacher. Encore aujourd'hui, il manque les preuves concrètes sur la collusion hypothétique avec Moscou pour influencer le vote, mais le «Deep State» en a fait l'Affaire Nationale avec des tons maccarthystes, agitant même le spectre d'un empeachement dans l'espace de quelques mois. Un impeachment sur rien, mais c'était secondaire.

Flynn était le cerveau de la nouvelle administration étrangère et de sécurité de l'Administration Trump. Une Administration qui s'est progressivement remplie de ministres, conseillers et experts appartenant à la vieille garde. Au début, ces nominations, peu cohérentes, semblaient une concession obligée au Parti républicain, qui contrôle le Congrès, dans la supposition que les rênes resteraient entre les mains du président. Mais cela s'est avéré être un faux espoir. Et quand, l'autre jour, son autre son collaborateur le plus fidèle, le stratège politique Bannon a été évincé du Conseil national de sécurité, le siège s'est refermé. Le secrétaire d'Etat Tillermann s'est rapidement aligné sur l'establishment, et à présent, ceux qui mènent la politique étrangère et de défense, et qui conseillent le président, ce sont les experts de la Washington de toujours.

Et on le voit: la détente avec le Kremlin semble de plus en plus éloignée; et même, ce sont, précisément les ministres de la nouvelle administration qui alimentent la rhétorique anti-russe avec les mêmes arguments et le même ton qu'Obama. Le Trump d'il y a quelques mois aurait exigé la vérité sur l'utilisation du gaz en Syrie, celui d'aujourd'hui, au contraire, a proclamé - sans l'ombre d'un doute - que de nombreuses lignes rouges avaient été dépassées. Exactement comme Obama en 2013. Dommage que plus tard, on ait découvert que l'utilisation du gaz sarin avait été le fait des «rebelles» modérés pour faire tomber la faute sur Assad et provoquer l'intervention de l'OTAN. Sarin dont la livraison aurait été autorisée par Hillary Clinton. Et il est très vraisemblable que le massacre de l'autre jour ait lui aussi été causé par les «rebelles» pour fournir aux États - Unis un prétexte pour intervenir.

Sauf qu'en 2013 Obama s'arrêta à la dernière minute, le Trump aujourd'hui, pas. Il a fait tout dans la hâte, sans preuve objective sur les responsabilités d'Assad, à l'évidence mal conseillé. Ou très bien conseillé, cela dépend des points de vue. En attendant, Daesch et les fondamentalistes islamiques qui combattent Assad remercient: la destruction de la base syrienne aura un seul effet concret, celui d'affaiblir l'armée syrienne et donc de remettre en cause une victoire qui semblait certaine. Est-ce ainsi qu'on combat contre l'Etat islamique? qu'on ne se moque pas de nous: de cette façon, on le favorise, parce que l'objectif de Washington est le changement de régime à Damas, même au prix de voir triompher en Syrie le pire fondamentalisme islamique.

Ce n'est pas un hasard si c'est Hillary Clinton et John McCain qui ont salué l'interventionisme de la Maison Blanche. L'impression, c'est que l'agenda de Trump a déjà été désavoué en faveur de celui, irresponsable et interventionniste, porté au cours des 15 dernières années par les néo-conservateurs.

Si cela était vrai, cela signifierait que Trump a été «normalisé». Et pour la paix dans le monde, ce serait une très mauvaises nouvelle.

Il reste un faible espoir: que ce soit un repositionnement transitoire, et pas une reddition. Que l'homme soit capable de se racheter. Mais sans doute, à ce point, plus qu'un espoir, c'est une illusion.