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El furbo

ou: François percé à jour. Un article savoureux sur <Rorate Caeli> (3/4/2017)

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A Rome, comme les Romains: le pape non-miséricordieux est plutôt «furbo»!

Richard Cipolla
3 avril 2017
rorate-caeli.blogspot.com
Ma traduction

* * *

Pour le Pape qui aime parler du «Dieu des surprises», la récente et extraordinaire apparition, partout dans Rome, d'affiches peu flatteuses, à la fois dans l'image et les mots, doit avoir été une vraie surprise. Sous une image d'un Pape à l'expression pas vraiment réjouie, on lisait, écrit en dialecte romain: «Eh François, t’as mis sous tutelle des congrégations, démis des prêtres, décapité l’ordre de Malte et les Franciscains de l’Immaculée, ignoré des Cardinaux, mais où est-elle ta miséricorde?». Les gens qui savent, à Rome, disent que le Vatican a donné à la police secrète italienne le mandat de trouver qui est derrière cette insulte au Pape. Avec ce genre de personnage, on hésite à prédire quelles sont les chances que les auteurs soient pris. À ce jour, ils n'ont pas été identifiés.

Peu de temps après l'élection du pape François, j'étais à Rome. Sur la route de l'aéroport à la ville, j'aime bien parler aux chauffeurs de taxi et prendre le pouls de ce qui se passe. J'ai demandé au chauffeur ce qu'il pensait du nouveau pape. Il a hésité quelques secondes, puis il a dit: È furbo. J'ai été très surpris par l'adjectif qu'il utilisait pour décrire Papa Francesco. "Furbo" n'est pas facile à traduire, mais cela signifie intelligent, furtif, rusé, malin. Son étymologie inclut le mot latin "fur", qui signifie voleur. J'ai essayé de tirer davantage du chauffeur de taxi, mais c'est tout ce qu'il a dit sur ce sujet, nous sommes donc passés à l'opéra bouffe sans fin du gouvernement italien.

L'évaluation du chauffeur de taxi est sans doute juste, compte tenu du modus operandi de Papa Francesco depuis son élection. Il a établi son image d'homme du peuple humble qui fuit les signes extérieurs du catholicisme en lançant vers la foule son «Buona sera» sur le balcon, le soir de l'élection, en refusant abruptement de porter l'étole apostolique, en payant sa facture en personne à la résidence dans laquelle il séjournait, et ensuite en refusant de vivre dans le palais apostolique et en s'installant dans l'auberge pour invités sur le territoire du Vatican. Comme on pouvait s'y attendre, la presse libérale, en particulier dans ce (?) pays, a immédiatement vu dans cet homme l'espoir qu'il transformerait l'Église catholique en quelque chose de bien plus conforme à leur vision du monde et à l'agenda qu'ils considèrent comme le bon côté de histoire. Son fameux «Qui suis-je pour juger?» lors de l'interview sur le vol du Brésil à Rome, a fait de lui le chouchou de tous ceux qui voient l'Eglise catholique comme la dernière à tenir bon contre cette inévitable sortie de l'histoire, exécutée avec la main de fer d'un paternalisme qui invoque les droits des peuples à être ce qu'ils pensent qu'ils devraient être. L'évêque de Rome est désormais connu comme l'évêque de la miséricorde, invoquant la miséricorde dans d'innombrables sermons et discours et même dans les documents officiels du Pape. Sa description de l'Eglise catholique comme un hôpital de campagne, avec ses images du Bon Samaritain et de Mère Teresa miroitant sous les mots de miséricorde, et pourtant entièrement coupée de tout discours sur la nécessité de la conversion et les effets mortels du péché est un autre coup brillant dans l'établissement de son image dans le «monde» et dans l'Église, qui allait lui permettre de mener à bien le programme qu'il croit en mesure de transformerl'Eglise en quelque chose qui corresponde à sa vision.

Quelle est sa vision? Quand François a été élu, j'ai dit à mes amis: «c'est le retour vers le futur». C'est le retour aux années 1960 et à la ferveur révolutionnaire de la libération des contraintes du passé dans tous les domaines de la vie: politique, moral, social, ecclésial. Ce n'est pas un hasard si les ecclésiastiques qui épousaient l'esprit du progressisme révolutionnaire sont entrés dans la clandestinité pendant les pontificats de Jean-Paul II et Benoît XVI. Ces deux papes ont essayé de réenraciner l'Église dans le mandat que lui avait laissé son Fondateur, Jésus-Christ, et de regarder la Tradition de l'Église comme le moyen par lequel les illusions progressistes des années 1960 passeraient dans les poubelles de l'histoire. Puis vint François. Et alors ils ont tous réapparu: un peu plus vieux, un peu plus gris, mais tout aussi remplis de la théologie "pantalon-patte-d'eph" qui confond la justice de Dieu avec la justice humaine et transforme Jésus en un combattant révolutionnaire pour les pauvres, les pauvres définis selon leurs propres termes. Ils sont revenus comme le casting de «Hair» dans une mauvaise reprise à Broadway, et ont ressorti leurs bobines super-huit de «Jésus-Christ Superstar», et ont commencé à rêvasser sur Marie-Madeleine chantant: “I don't know how to love him. What to do, how to move him. I've been changed, yes really“.

Une fois que l'image a été établie et applaudie par une grande partie du monde séculier, le programme pouvait commencer et être mis en oeuvre. Premier signal: la désignation du cardinal Walter Kasper pour prononcer le discours introduisant le Synode sur la famille. Kasper a été et est le "grand old man" qui a permis la «refloraison» de l'Eglise des années 60. Ce faisant, il est devenu absolument clair que le but de ce Synode serait de changer l'enseignement de l'Eglise sur le mariage et la famille en demandant avec insistance une praxis qui ne modifierait pas officiellement l'enseignement intégré dans la Tradition de l'Eglise, mais qui le saperait si profondément que la doctrine serait des mots vides sur un morceau de papier.

L'histoire du Synode et ses conséquences est bien connue. François a donné l'image de se tenir à l'écart de la dissension évidente entre les évêques sur les questions morales en cause et sur la compréhension du mariage, mais il s'est permis quelques allusions à l'«herméneutique de la conspiration» pour dénigrer ceux qui s'opposaient à son programme. Lorsque le document final a été publié il était évident qu'aucune doctrine n'avait été modifiée, ce qui fut interprété comme une défaite pour le pape. Mais le furbista sait que les mots sur le papier, en fin de compte, ne signifient rien dans ce monde de la communication sans papier. Le furbista sait aussi qu'il ne doit jamais être vu comme s'étant sali les mains.

Ainsi, le pape a écrit une encyclique intitulée Amoris Laetitia, un long traité sur la joie de l'amour tel qu'il est compris par le chrétien. Sa longueur a accordé une pause aux plus ardents fans du pape, la question de savoir quelles parties de celle-ci étaient l'oeuvre d'un ghost writer subsiste encore. Mais le tristement fameux chapitre 8 sur l'accès à la sainte communion des catholiques divorcés et remariés est au cœur du problème. Et ce cœur n'est pas un cœur clair, et, à dessein, il peut être interprété d'une manière qui soit traditionnelle, ou d'une manière qui semble rompre avec la tradition. Quatre cardinaux se sont rendus célèbres en demandant au pape une clarification des points du chapitre 8 qui pourraient être considérés comme niant l'enseignement de l'Eglise sur les Sacrements et le sens du mariage. Le pape a été silencieux pendant des mois. Il refuse de répondre et de clarifier. Et ces derniers temps, utilisant ses sermons à Santa Marta comme un compte Twitter, il a déplacé les feux des projecteurs loin de la question du mariage, les tournant vers une autre de ses cibles de réforme: les catholiques traditionnels. Il fulmine dans ses homélies quotidiennes contre les ordres religieux traditionnels et les étiquette comme rigides et se réfugiant dans une fausse sécurité, ayant toutes les réponses.

Sur la question du mariage: impasse - jusqu'à il y a quelques semaines, quand le cardinal Coccopalmerio était censé tenir une conférence de presse sur la publication de son dernier livre qui est un commentaire sur Amoris Laetitia. Dans une section du livre, le cardinal est tout à fait clair sur ce que l'interprétation du chapitre 8 d'AL devrait être. Et c'est incontestablement que la praxis peut aller complètement à l'encontre de l'enseignement traditionnel sur le mariage sans que cet enseignement change officiellement. Mais le cardinal ne s'est pas présenté à la conférence de presse, faisant valoir une erreur dans son agenda. Cela montre que furbismo se répand. Vous dissocier de ce que vous avez écrit dans un livre qui vient de paraître en ne venant pas tout en promettant encore de tenir une conférence de presse pour clarifier ce que vous avez dit est absolument furbo. Et cela met le pape François à encore un autre niveau de retrait de la situation. Et quand le Vatican glisse que ce que Coppopalmerio dit dans son livre est tout simplement son opinion personnelle et non pas officielle, le furbismo monte à de nouveaux niveaux.

Le cardinal Ouellet aurait dit que les affiches contre le Pape à Rome étaient des œuvres du diable. C'est une pieuse niaiserie. L'événement- affiche est très romain et remonte à la Rome antique. Les Romains sont des experts en furbismo. Tout ce qu'ils veulent est un peu d'honnêteté à propos de ce qui se passe réellement. Si je pouvais, je poserais une affiche, et voilà ce que je dirais:

‘MMbeh, France’. Purchè stai facenno ‘este cose? Noi Romani stanno esperti ar furbismo. Nun pói compéte con noi. Volémo amáte. Tu lo fai così difficcile!

Traduction: Allons, Frankie. Pourquoi fais-tu ces choses? Nous, Romains, sommes experts en furbismo. Tu ne peux pas rivaliser avec nous. Nous voulons t'aimer. Mais tu le rends si difficile.