Benoit-et-moi 2017
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Finances du Vatican, nouveaux imbroglios

Une interview d'Ettore Gotti Tedeschi par Marco Tosatti à propos de la "démission" du contrôleur des finances nommé par François en 2015. Et d'autres faits sans doute liés (29/6/2017, mise à jour le 30)

Les affaires de fric n'en finissent pas de pourrir la vie de l'Eglise, et très honnêtement, je ne les suis plus, car les enjeux, les mécanismes, les organismes en cause sont devenus pour moi carrément "ésotériques" et je n'ai pas envie de perdre mon temps à m'informer rigoureusement. En tout cas, les affaires continuent d'alimenter un marché éditorial juteux, à base de "thrillers vaticans" (comme le dernier pavé d'un journaliste portugais, José Rodrigues dos Santos, intitulé Vaticanum, censé, selon l'accroche publicitaire, révéler "les secrets les plus sombres du Vatican", et qui est une véritable synthèse du genre), et, dans le sillage des "enquêtes" de Gianluigi Nuzzi (l'auteur entre autre de "Sua Santità" condamné pour calomnie par la justice italienne), d'essais de journalistes pas très scrupuleux dans la recherche de la vérité, mélangeant allégrement les faits (vérifiables) et la fiction (alimentée par les pires ragots colportés par les ennemis de l'Eglise), et tous à charge contre l'institution, mais (depuis un certain 13 mars) dont François sort curieusement indemne, et même revêtu de l'armure du chevalier blanc décidé à faire le ménage dans une institution sclérosée et pourrie.
A ces affaires de fric s'ajoutent (dans les livres et dans la vraie vie) des histoires de sexe, souvent homosexuel, pour que le tableau des turpitudes des hommes d'Eglise soit complet.

L'un des derniers épisodes en date est la mise à pied de Libero Milone, le contrôleur général des finances du Vatican, rapportée la semaine dernière dans un article du Point dont je reproduis ci-dessous un extrait.

Aujourd'hui, nous assistons à une nouvelle escalade, qui combine parfaitement le double aspects fric-sexe: l'inculpation du Préfet du secrétariat pour l'économie, le cardinal Pell (présenté par les médias comme le "numéro 3 du Vatican") pour des agresssions sexuelles en Australie remontant à plusieurs décennies. Le cardinal, qui clame son innoncence, a annoncé dans une conférence de presse que le Pape avait accepté sa demande d'un congé provisoire du Vatican afin de rentrer dans son pays pour "laver son honneur".
Comment ne pas voir un lien entre les imbroglios financiers du Saint-Siège et les vicissitudes de la "banque" du Vatican d'une part, et la mise à l'écart du cardinal Pell, dont il semble par ailleurs qu'il était de plus en plus isolé et qu'il en gênait plus d'un?
Quel que soit le bien-fondé de ces accusations (je n'en ai pas la moindre idée), le résutat est qu'on s'est débarrassé de lui, qui plus est avec une accusation infâmante qui le discrédite définitivement, et que bien qu'il annonce que son éloignement est provisoire, il est difficile d'imaginer qu'il pourra revenir. D'ailleurs, avec quelle autorité pourrait-il le faire?
L'acharnement médiatique contre lui est à comparer avec la mansuétude dont on use, à l'intérieur et hors du Vatican, envers d'autres prélats également scandaleux, mais mieux en cour, pour des raisons qu'il n'est pas difficile de comprendre;
Exit, donc, le cardinal Pell. Coupable ou non, il n'y a aucun doute que cela ne déplaît pas à tout le monde Voire que cela ôte une épine du pied à certains.
Mais pour en revenir au sujet de l'article, voici donc le début de l'article du Point :

FINANCES DU VATICAN : UNE DÉMISSION QUI GÊNE
Dominique Dunglas
22 juin 2017
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« Libero Milone a présenté sa démission au Saint-Père, qui l'a acceptée. » Derrière un communiqué réduit à sa plus simple expression, c'est toute la réforme des finances du Vatican annoncée par le pape François qui vacille. Soixante-huit ans, ancien président de la filiale italienne du cabinet international d'audit Deloitte & Touche, Libero Milone avait été nommé en mai 2015 contrôleur général des finances du Vatican avec l'accord du cardinal australien George Pell, membre du C8 – le conseil des cardinaux qui forme la garde rapprochée du pape François – et secrétaire (ministre) pour l'économie.
Sa mission consistait à passer au crible tous les comptes des organismes de la curie et des différents dicastères – les ministères – du Vatican. Sa lettre de créance lui assurait « pleine autonomie et indépendance », et l'autorisait à saisir l'autorité judiciaire vaticane en cas de découverte de délits. Il avait à son service une équipe de 12 collaborateurs issus du monde de la finance. Jamais laïc n'avait été investi de tels pouvoirs pour fouiller dans les méandres de la sulfureuse finance du Saint-Siège.
(...)

Ettore Gotti Tedeschi, interrogé ici par Marco Tosatti, rétablit au moins cette partie de la vérité: c'est Benoît XVI qui a poursuivi avec opiniâtreté et courage le grand travail d'assainissement des finances du Vatican, et qui a rencontré des oppositions féroces, qui ont probablement contribué à sa renonciation, à défaut de l'avoir directement provoquée.
Nul doute que l'ex-"banquier du Vatican" sait beaucoup de choses, mais il n'en parlera pas - au moins tant que Benoît XVI sera en vie, c'est-à-dire nous l'espérons, le plus longtemps possible.
Reste la très étrange histoire, évoquée à la fin, de la mystérieuse rencontre du 7 février 2013 (et du rôle du cardinal Bertone), qui recèle sans doute au moins en partie la clé de l'énigme...

Affaire Milone: volonté de ne pas résoudre les problèmes, et échec de la transparence.
Le poison est là

27 juin 2017
Marco Tosatti
Ma traduction

* * *

La démission soudaine et inattendue du Contrôleur des comptes du Vatican, Milone, a soulevé un grand nombre de questions, jusqu'à présent sans réponse. Mais elles se situent dans une histoire qui depuis des décennies apparaît orageuse, celle des finances du Vatican. Le mariage entre l'argent et la foi a engendré scanddales, problèmes et désagréments à n'en plus finir. Nous avons demandé à Ettore Gotti Tedeschi pour répondre à quelques questions sur cette question brûlante.

- Certains parlent d'une «malédiction» pour ceux qui s'occupent des finances du Vatican. Y a-t-il quelque chose de vrai? Et où est le poison?
- Pour résoudre une situation complexe, avant de proposer un pronostic, il faut être sûr d'avoir fait un bon et correct diagnostic. Si on n'enquête pas sur les causes d'un problème, il sera difficile d'y réussir. On continuera à changer les personnes (sans leur permettre de résoudre les causes) à la recherche de celui qui réussira miraculeusement. Étant donné que les miracles ne sont pas décidés par les simples mortels, normalement, ils n'arrivent pas, alors on pleure. «Il y a une malédiction» qui pèse sur les finances du Vatican. Pas un seul instant! Il y a seulement une certaine «non-volonté» de résoudre les causes réelles ds problèmes engendrés. Là est le «poison». Au-delà des bavardage distribués à la presse par les communicants qui se succèdent avec des styles variés, l'explication du problème de fond à cause duquel cette «malédiction» continuera pendant les siècles à venir (et ne sera pas exorcisée tant que ne sera pas rétabli l'ordre nécessaire) réside dans la non-réalisation (dans le changement) du processus de transparence voulu par Benoît XVI et signé par lui avec le Motu proprio de fin 2010.

- Et en quoi consistait le processus de transparence en question?
- Depuis le fameux attentat du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles à New York, les normes internationales de transparence dans la gestion des activités financières, ont connu un tournant de plus grande rigidité, afin de contrer, non seulement le blanchiment d'argent, mais aussi le financement subséquent du terrorisme. Depuis lors, tous les «paradis fiscaux et monétaires» ont disparu progressivement et les normes de transparence sont devenues beaucoup plus complexes. Ceci devait évidemment s'appliquer également pour les actifs appartenant au Saint-Siège, bien qu'ils soient destinés, en principe, à des œuvres religieuses. Mais Sa Sainteté Benoît XVI a immédiatement compris qu'accepter ces règles serait une déclaration d'acceptation de règles internationales de transparence nécessaires et opportunes, une véritable ouverture à une forme d'accords, en matière financière, avec le monde financier global. Il y a plus: comme il était clair pour Benoît que la crédibilité du Pape et de l'Eglise était la plus grande valeur pour s'assurer du prestige, être entendu et cru, ces règles de transparence, il les voulait «exemplaires», y compris pour d'autres pays. En quoi consiste un processus de transparence en matière financière? Il consiste en un système de lois qui le régissent, en un ensemble de procédures pour la mise en œuvre pratique des lois, ainsi qu'en un système de contrôle qui en assure, à l'intérieur et à l'extérieur, l'application; et c'est ce qui a été fait en 2010 et 2011. Mais tout de suite après (entre la fin 2011 et au début de 2012), cela a été mystérieusement changé. Et depuis personne n'a eu plus de paix. D'autant plus que le pauvre pape François, tout en réalisant la complexité et le risque d'avoir au sein de l'Église de telles institutions financières, n'a manifestement jamais pu avoir de suggestions suffisamment convaincantes.

- L'une des premières décisions du pape a été d'unifier tout ce qui concerne les finances et l'économie dans un unique dicastère. Lequel a cependant été peu à peu dépouillé de ses pouvoirs. S'agissait-il d'une réforme impraticable? Ou bien y avait-il des pouvoirs trop forts et consolidés pour qu'elle puisse fonctionner?
- Comme Benoît XVI l'écrit dans Caritas in Veritate, quand les situations sont très complexes et graves, pour les résoudre, il ne suffit pas e changer les instruments, il faut que les hommes qui les utilisent soient changés. Mais savoir changer les hommes, pour qu'ils aient les compétences et les caractéristiques spécifiques adéquates pour la mise en œuvre de réformes spécifiques n'est pas facile, il faut savoir comment avoir des conseillers adéquats pour suggérer les choix adéquats.

- On parle beaucoup de l'APSA, de l'IOR, et d'autres entités; et on parle très peu de la section économique de la Secrétairerie d'Etat. Est-elle importante? Rentre-t-elle dans les bilans du Vatican, ou n'apparaît-elle pas? Joue-t-elle un rôle dans ces événements, comme certains l'ont suggéré?
- J'ignore quel rôle elle peut avoir eu. Je considère que son rôle et sa fonctionnalité dépendent aussi de qui est le secrétaire d'État. L'actuel me semble être (et cela m'est confirmé de tous côtés) un homme intelligent, compétent et fiable et (aussi) un homme de Dieu. Il serait important de savoir s'il a les habilitations nécessaires pour fonctionner. Mais à mon avis, plus que cette section économique, un autre organe est important, le plus souvent oublié quand on parle cette question. L'AIF (Autorité d'information financière), précisément ce fameux organe de contrôle voulu par Benoît, qui fut confié au grand cardinal Attilio Nicora, qui l'a présidé jusqu'à il y a une paire d'années, remplacé ensuite dans une période inquiétante et controversée par d'autres personnes, dont il semble qu'elles aient contribué à changer la loi sur la transparence et la lutte contre le blanchiment d'argent. C'est l'AIF l'organe qui, selon les règles anti-blanchiment d'argent approuvée en 2010, aurait dû contrôler l'adéquation à la loi et le respect des procédures de chaque fait d'ordre financier au sein des institutions du Saint-Siège, aujourd'hui, je ne sais pas. Normalement, les contrôleurs se limitent principalement à établir et à évaluer la conformité des comptes avec les principes comptables reconnus.

- C'est un jeu qui se joue principalement au sein des murs, ou bien y a-t-il d'autres acteurs importants, catholiques, en dehors du Vatican? Ils ont un rôle?
- Cela me semble évident. Mais c'est l'AIF qui devrait répondre à cette question.

- En Janvier 2015, vous avez écrit une lettre ouverte sur le Catholic Herald (le principal magazine catholique britannique) au Préfet du Secrétariat de l'Economie, le cardinal George Pell. Pourquoi?
- Parce que SER le Cardinal Pell, toujours dans le Catholic Herald, un mois plus tôt, avait publié une interview dans laquelle il disait qu'enfin (avec le nouveau pontificat) les finances du Saint-Siège étaient sous contrôle. Dans mon interview, j'ai pris la liberté et la responsabilité de corriger le préfet, en expliquant que les finances du Saint-Siège avaient déjà été mises «sous contrôle» avec les règles, procédures et structures de lutte contre le blanchiment d'argent, voulues par Benoît XVI. Je lui expliquai quand et comment elles avaient été modifiées et avec quelles conséquences. Je lui expliquai également quels faits, selon moi, motivaient mon «éviction» comme président de l'IOR, éviction ignominieuse, pour l'explication de laquelle, pour le bien de l'Eglise, j'avais demandé à plusieurs reprises (en vain) à me faire entendre. Je lui exxpliquai aussi quels documents il aurait dû réclamer pour comprendre ce qui était arrivé en 2011 et jusqu'au 24 mai 2012, et évaluer les responsabilité. Je lui demandai aussi de lire l'interview que le secrétaire personnel du pape Benoît XVI avait publié dans Il Messagero en Octobre 2013 (benoit-et-moi.fr/2013-III/benoit/une-interviewe-de-mgr-gaenswein), et de demander ce qui s'était passé le 7 Février 2013, à 18h dans un appartement de la Cité léonine. Je n'ai jamais pu savoir si le SER cardinal Pell l'avait on non fait.

- Qu'est-il arrivé à ce moment-là?
- Le cardinal Bertone, dans la maison d'un cardinal (je refusai d'entrer à l'intérieur des murs) me communiqua personnellement que le Saint-Père avait diposé ma réhabilitation immédiate, en me disant de rester disponible dans les prochains jours pour être à Rome. Le 11 Février, le Saint-Père a démissionné. Je n'ai plus jamais été convoqué.