Benoit-et-moi 2017
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Infaillibilité pontificale, à quelle condition?

Peut-on et a-t-on le droit de critiquer le Pape? Plaidoyer pour les "4 cardinaux" (18/1/2017)

[Photo sur l'excellent site <cronicasdepapafrancisco...>]

Les journalistes cités sont tous italiens, et presque tous bien connus de mes lecteurs. Même si des prises de position analogues pourraient s'observer ailleurs (mais en France, l'opposition franche à François a peu de visibilité), c 'est sans doute là que le clivage opéré par François parmi les journalistes spécialisés est le plus visible, parce que c'est là que ses propos sont le plus observés et décortiqués

A quel moment le pape est infaillible, et pourquoi on peut le critiquer

16 Janvier 2017
Antonio Righi
www.libertaepersona.org
Ma traduction

* * *

Mais comment le cardinal Raymond Burke ose-t-il accorder certaines interviews à La Verità, et critiquer une décision du pape? Pour qui se prend-il?
Lui, qui pose au conservateur, ne devrait-il pas obéissance à l'autorité «infaillible» du pape?

Des déclarations similaires abondent sur le réseau, notamment de la part des catholiques progressistes et de leurs zélés soutiens laïcs.
Ceux qui, jusqu'à hier, ridiculisaient le dogme de l'infaillibilité papale comme un vieux débris du passé, se cachent aujourd'hui derrière la doctrine, derrière la loi, derrière l'autorité, pour empêcher non pas un mais beaucoup de cardinaux, de poser des questions simples. Des questions, notons-le, qui ont le seul défaut d'être claires, sans ambiguïté; d'empêcher a priori, par leur formulation même, que leur destinataire donne une réponse ambiguë, vague, disons-le, jésuite.

Jésus, dans l'Évangile, consacre peu de mots au mariage, mais des mots clairs, et invite ceux qui l'aiment à observer ses commandements. Amoris laetitia , en revanche, est un document verbeux, peu conclusif, où les nouveautés doctrinales, pour lesquelles il a été conçu, sont pudiquement placées dans trois notes (qui doivent être lues et relues pour comprendre ce qu'elles veulent dire). Amoris laetitia est aussi un document synodal, non écrit par les Pères synodaux, mais par plusieurs "nègres" choisi ab origine pour leurs positions; rédigé au début, et non, comme il se doit, à la fin du Synode; imposé par une minorité au sein de l'Eglise qui a voulu devenir une majorité en s'appuyant sur les médias hostile à l'enseignement catholique sur le mariage. Un peu comme l'alliance entre Judas, Pilate et les Pharisiens, contre Jésus.

La vérité doit être dite: c'est une véritable guerre qui est en cours dans l'Eglise, avec deux partis de mieux en mieux définies. Les cardinaux plus proches du magistère sur la vie et la famille de Jean-Paul II et Benoît XVI, d'un côté; les vieux contestataires à la Walter Kasper, de l'autre.

Dans le journalisme, les coalition sont ce qu'on pourrait attendre: ceux qui ont toujours aimé Benoît, comme Sandro Magister, Marco Tosatti, Antonio Socci, Giuseppe Rusconi, Lorenzo Bertocchi ... pour dire combien il y a peu de doctrine, de collégialité, de tolérance, de miséricorde dans la gestion actuelle de l'Eglise; le front progressiste d'Alberto Melloni, Luigi Accattoli, Marco Politi et caetera, pour célébrer à coup de doses massives d'encens et avec des encensoirs appropriés “le magnifiche sorti e progressive” de la nouvelle Église de François. Avec quelques surprises: l'ancien "droitiste" Andrea Tornielli, un temps proche des cercles les plus traditionnels de l'Eglise, passé avec armes et bagages à l'exaltation de ce qu'il condamnait ou snobait hier, et Aldo Maria Valli, vaticaniste historiquement de la gauche ecclésiale modérée, aujourd'hui désorienté et quelque peu irrité face à la mutation génétique en cours.

Mais, revenant au cardinal Burke et aux autres cardinaux: des catholiques peuvent-ils critiquer le Pape?

La réponse, à la lumière de la théologie traditionnelle, est évidente: certainement!

Tout d'abord, pour une raison très simple: leur rôle, leur charge. Les cardinaux ne sont pas des majordomes portant d'élégantes chaussettes rouges, mais les électeurs et les plus intimes collaborateurs du pape. Si ensuite François préfère rencontrer Pannella, Bonino, Scalfari, DiCaprio et compagnie, il devient presque obligatoire pour les cardinaux en question, en l'absence de toute réponse ou audience, de rendre leurs doutes publics; «résister face à» Pierre, comme le fit providentiellement saint Paul dans l'Église primitive.

Rappelons-nous: les fameux "dubia" sont confiés au pape. C'est précisément à lui qu'il est demandé de répondre. En 2017, cinq cents ans après la révolte de Martin Luther, après l'exaltation du moine rebelle proposée par François lui-même, Burke et les autres cardinaux n'apostrophent pas le pape avec les vocables luthériens ( «antéchrist», «imposteur», «serviteur du diable »...); il ne délégitiment pas son autorité: ils lui demandent de se prononcer, de parler, enfin, clairement. Peut-être convaincus que le pape n'a pas le courage de contredire ouvertement ses prédécesseurs; ou bien se confiant à l'Esprit Saint, qui, selon de nombreux théologiens, plutôt que «choisir» le pape, comme on le dit souvent à tort, empêche qu'il puisse proclamer solennellement, ex cathedra, l'hérésie explicite.

Le Pape, et c'est l'enseignement traditionnel de l'Eglise et de l'histoire, peut faire des erreurs à la fois dans sa vie personnelle et en tant que théologien privé. Saint Vincent de Lérins écrivait: «Dieu donne certains papes, d'autres, il les tolère, d'autres encore, il les inflige».

Juste après la proclamation du dogme de l'infaillibilité pontificale (1870), le bienheureux cardinal John Henry Newman, dans la Lettre au duc de Norfolk voulut en clarifier la signification, conscient des banalisations et des malentendus qui en découleraient: «Avec tout cela, je suis loin de dire que les papes n'ont jamais tort; qu'on ne doit jamais s'opposer à eux, ou que leurs excommunications ont toujours un effet. Je ne suis pas tenu de défendre la politique et les actes des papes individuels ... Indubitablement, il y a des actions des papes auxquelles personne n'aimerait avoir pris part». Et il ajoutait que l'Eglise enseignante n'a pas toujours été dans l'histoire, «l'instrument le plus actif de l' infaillibilité: qu'on voie le cas de la crise arienne»: «Pierre fut-il infaillible, quand à Antioche Paul s'opposa à lui en face? Ou saint Victor fut-il infaillible quand il sépara de sa communion les Églises d'Asie, ou Libère quand il excommunia saint Athanase? ... ».

En argumentant ainsi, Newman rappelait de ne rien dire de nouveau, mais de rester dans le sillage de la pensée millénaire de l'Eglise.

La force de Burke, de Caffara et des autres cardinaux, même les plus timides et indécis, comme le cardinal Müller, réside là: tout ce qu'ils font, c'est pour l'amour de l'Eglise du Christ.

S'ils recherchaient le succès, l'honneur, une vie paisible, ils seraient bien au chaud de l'autre côté.