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La curie, l'économie, le pape

Aldo Maria Valli rapporte la contribution du card. Maradiaga à un livre collectif d'hommages publiés à l'occasion du 4ème anniversaire du Pontificat (20/3/02017)

Parmi les contributions, celle de Valli lui-même. Il serait intéressant de savoir ce qu'il écrit...
L'article ne contient aucune connation polémique, mais c'est un document intéressant (qu'il faudrait évidemment mettre en perspective avec des témoignages critiques), et surtout, la fin soulève des questions cruciales, sur l'avenir de la papauté, et une possible démission de François (en rouge dans le texte).

LA CURIE, L'ÉCONOMIE, LE PAPE.
La réforme de François expliquée par le cardinal Maradiaga

Aldo Maria Valli
16 mars 2017
Ma traduction

* * *

Il s'intitule «François et nous. Les grands acteurs de notre temps racontent le Pape le plus aimé et le plus discuté» (Francesco e noi - I grandi protagonisti del nostro tempo raccontano il papa più amato e discusso). L'auteur est le journaliste de «Il Sole 24 Ore» Francesco Antonioli et il rassemble les témoignages de cinquante personnes (philosophes, théologiens, écrivains, journalistes, économistes, hommes d'affaires, politiciens, artistes) qui racontent ce qu'ils pensent de Jorge Mario Bergoglio, comment ils vivent ce pontificat et comment ils se sentent impliqués dans ce que Francis dit et fait.

Parmi les interpelés, il y a des clercs et des laïcs, des croyants et des non-croyants, des Italiens et des étrangers, des chrétiens et des non-chrétiens [..] Il y a également l'auteur de ces lignes, honoré de rejoindre les rangs des personnes appelées à intervenir.

Le lecteur se fera son jugement pour chaque témoignage. Ici, je voudrais en envisager un seul: c'est celui du cardinal hondurien Óscar Andrés Rodríguez Maradiaga, salésien, coordinateur du groupe de cardinaux (précédemment C8, ensuite devenu C9) voulu par François pour le conseiller dans le gouvernement de l'Eglise, procéder à une reconfiguration des bureaux du Vatican et aborder la révision de la constitution apostolique «Pastor bonus» sur la curie romaine.

Ce que dit le cardinal Maradiaga nous permet de mieux comprendre la façon d'agir de François, quels étaient dès le début ses désirs et ses objectifs, quelles sont les solutions qu'il ressent comme les plus urgentes et quelles sollicitations il a reçues.

Maradiaga écrit: «Je pense que l'un des principaux objectifs de son pontificat est de répondre à un désir de la majorité des cardinaux présents aux réunions avant le conclave de 2013. Voici la requête: la curie doit être réformée. Et pour cette raison, dès Avril de la même année, le pape nouvellement élu François a nommé un Conseil de huit cardinaux, et m'a demandé de le coordonner. Le pape veut la réforme du cœur, la réforme spirituelle, proposée dans son discours sur les "cinq maux de la curie vaticane", un effort d'analyse sans précédent, d'une grande sincérité et dans le même temps de fermeté».

L'idée d'un organe tel que le Conseil des Cardinaux, dit Maradiaga est venue à François aussi à partir d'une remarque largement partagée par les cardinaux pendant le conclave, qui est que le pape Benoît XVI n'a pas été bien conseillé: «Il existait différents filtres. L'un, certainement, au niveau des nonciatures, un autre au niveau du Secrétariat d'Etat. On a alors suggéré qu'un conseil des cardinaux qui offrirait au pape d'autres points de vue serait approprié, non pas pour être en compétition avec les nonciatures ou avec la Secrétairerie d'Etat, mais pour intégrer leur point de vue. Le cardinal Bergoglio était précisément parmi ceux qui soulignèrent cette exigence. En fait, ensuite, il a repris l'idée et a contribué à la concrétiser».

Maradiaga raconte qu'il a été appelé par François quatre jours seulement après l'élection, et le pape avait déjà en tête tous les noms des membres su Conseil. Il demanda: «Voudrais-tu le coordonner?». Et le cardinal répondit: «Si vous me le demandez, je dois le faire».

Nous sommes donc en Mars 2013, mais la première réunion est programmée à la demande du pape, seulement en Octobre, un mois après la création officielle du groupe. Maradiaga lui-même est surpris et demande à François pourquoi un tel délai. Réponse: «Pour avoir suffisamment de temps pour réfléchir et recueillir des suggestions.»

Donc, initialement, le Conseil des cardinaux est constitué par l'Italien Giuseppe Bertello, le Chilien Javier Errazuriz Ossa Francisco, l'Indien Oswald Gracias, l'Allemand Reinhard Marx, le Congolais Laurent Monsengwo Pasinya, l'Américain Sean Patrick O'Malley, l'Australien George Pell. Maradiaga, comme on vient de le dire, est le coordinateur, tandis que Mgr Semeraro, évêque d'Albano, agit comme secrétaire. Puis, à l'été 2014, s'ajoute le secrétaire d'Etat, le Cardinal Parolin, et ainsi, le C8 devient C9.

Maradiaga révèle que dès Octobre 2013, le pape donne une indication claire: «Attention, la réforme la plus urgente à l'heure actuelle est la réforme de l'économie. Laissons ce qui concerne "Pastor Bonus" pour une phase ultérieure et plaçons au premier plan la réforme économique».

Les cardinaux se mettent au travail, et en Février 2014, il devient évident qu'il faut établir un secrétariat ad hoc pour l'économie. «Tâche complexe, car il y avait aussi - pour ainsi dire - des "économies fictives", reliées à des dicastères, à des entités qui avaient un budget autonome». Bref, chacun agissait pour son propre compe. Il faut donc instituer, dit Maradiaga, quelque chose comme un ministère des finances et une banque centrale, «de manière à ce qu'ils dictent les lignes directrices en matière de politique économique et financière, en plus d'être dans la ligne de l'Union européenne du point de vue monétaire».

C'est une phase délicate, qui conduit également à bloquer «de nombreux comptes de l'IOR, qui n'y avaient pas leur place, pour collusion avec utilisation ambiguë de l'argent».

Evidemment, Maradiaga n'entre pas dans les détails, mais sa reconstruction est claire pour indiquer les préoccupations et les priorités indiquées par le pape. Et voilà comment l'on arrive à l'institution du nouveau Secrétariat pour l'économie présidé par le Cardinal Marx, avec le cardinal Pell comme secrétaire.

Maradiaga note: «Parfois, on parle des biens et de la richesse du Vatican. En réalité, il s'agit de biens artistiques, certes inestimables. Mais le budget actuel de l'Etat du Vatican est inférieur à celui de certains grands diocèses du monde, comme, par exemple, l'archidiocèse de Cologne. Tandis que le budget des dépenses du Vatican continue d'avoir besoin de revenus substantiels. Pensons qu'il y a environ cent soixante nonciatures. Maintenir un corps diplomatique dans tous ces pays pèse lourdement sur le budget actuel. On pourrait dire: pourquoi ne pas le réduire? Mais ce sont précisément les États qui ne veulent pas: même les États récemment créés jugent que c'est un honneur d'avoir des relations diplomatiques avec le Saint-Siège et à cause du principe de réciprocité, on ne peut pas les décevoir».

«La quasi-totalité du budget des dépenses ordinaires - dit Maradiaga - est basé sur les recettes des musées du Vatican. Ils sont très fréquentés, bien sûr. Ils couvrent de toute façon les dépenses courantes. Des revenus supplémentaires proviennent de dons, de loyers de logement, des cotisations de retraite versées par l'IOR, du denier de Saint-Pierre, destiné aux œuvres de charité du Saint-Père. Les donations et les legs à Propaganda Fidei sont à part. Ils bénéficient d'un budget autonome, conformément à la volonté expresse de ceux qui les destinaient aux missions».

Tout ce domaine de la réforme, dit le cardinal, a déjà été abordé par le Conseil, mais continue à rester sous observation. Parce que beaucoup reste à faire, par exemple en ce qui concerne les actifs du Saint-Siège, dans certains pays, pour la plupart des appartements à Rome, Paris, Londres. Des biens et les investissements qui «roulent, pour ainsi dire, pour leur propre compte, mais qu'aujourd'hui, on veut réguler»

Un autre domaine de réforme concerne les nombreux médias du Saint-Siège: le dicastère pour les Communications Sociales, Radio Vatican, le Centre de télévision du Vatican, L'Osservatore Romano, la typographie vaticane, la Liberia Editrice Vaticana. Dès lors que là aussi, «chacun allait son propre chemin», dans un but de coordination est né un organisme, le Secrétariat pour la communication, qui, sous la direction de Mgr Dario Edoardo Viganò, s'occupe maintenant de tout.

Pour donner une idée des problèmes, Maradiaga rappelle que la seule Radio Vatican «avait trois cent vingt-six employés», un chiffre qu'évidemment le cardinal estime excessif, bien que la radio du pape arrive dans tous les pays et émette dans presque toutes les langues parlées dans le monde.

Les déficits de la radio, dit le cardinal, était de vingt-six millions [d'euros] par an, quelque chose d'insoutenable. Mais le pape a demandé de ne renvoyer personne. «Ligne Adoptée: ceux qui partent en retraite sortent, tandis que pour ceux qui sont en surnombre, on on essai de les déplacer, qu'ils offrent leurs services dans d'autres secteurs au sein du Vatican».

Enfin, la réforme de la Curie, organisme grandi «jusqu'à la démesure», jusqu'à générer «de nombreux organismes pléthoriques». D'où une politique de fusions et de réduction de la bureaucratie, avec la naissance de «secrétariats plus agiles dans l'exercice de leurs compétences respectives». En outre, «on a déjà mis en œuvre des réformes du droit canon, avec les deux "motu proprio" en relation avec les procédures de nullité matrimoniale», tandis que l'on continue à travailler sur "Pastor Bonus" en vue d'une «nouvelle constitution» qui ait comme lignes directrices «les instructions du Concile Vatican II sur la collégialité et sur la synodalité, pour ce qui concerne la définition des pouvoirs des conférences épiscopales en relation avec le ministère apostolique du Saint-Père».

À ce propos Maradiaga écrit: «Il me semble qu'un autre des objectifs est de changer la façon dont est exercée la papauté», et dans ce sens, le coordinateur du Conseil des cardinaux affirme que déjà lors du Synode des évêques de 2001 Bergoglio avait lancé des messages sur l'Église «en sortie» et comme «hôpital de campagne», avec le pape dans le rôle de «prophète de justice».

Bref, dit Maradiaga, «voilà le parcours», avec une attention particulière aux personnes. En conséquence, à la demande du pape, il faut opérer de telle sorte que quiconque est liée à des charges dans la Cité du Vatican et au Saint-Siège ne se sente écarté

«A ce sujet il y a certains critères: celui des cinq années comme période de référence pour tout dicastère, à l'échéance desquels toute personne qui a effectué un service doit retourner retourner dans son diocèse. Au maximum, on peut renouveler son mandat pour cinq ans. Mais à la fin, il reste un principe normatif, celui de revenir à son ministère précédent. Un critère voulu par le Saint-Père pour éviter le carriérisme. La curie n'est pas une carrière, mais un service à l'Eglise».

Cinq ans. Cette annotation de Maradiaga, lié aux allusions que François a faites sur la durée de son pontificat («J'ai le sentiment que mon pontificat sera bref, quatre ou cinq ans», a-t-il dit à son confrère jésuite, le père Antonio Spadaro) fait s'allumer une lumière rougeY aurait-il une relation? qui vivra verra.