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Le Pape, Trump... et Hitler

Dans une interview à "El Pais" (détails à venir), interrogé sur le nouveau président américain, François évoque les populismes... et Hitler!! Vive réaction d'Antonio Socci (25/1/2017)

Dans un article du 21 janvier, Edward Pentin titrait FRANÇOIS PREND UNE ATTITUDE "WAIT AND SEE" ENVERS LE PRÉSIDENT TRUMP, commentant brièvement une énième (très longue) interview que le Pape venait d'accorder la veille au quotidien espagnol dit pudiquement "de centre-gauche" (c'est-à-dire qu'on ne peut pas trouver plus "mainstream" et politiquement correct, donc forcément anti-Trump) El Pais.
[texte en vo ici].
E. Pentin citait pour illustrer son commentaire l'échange consacré au président américain qui devait prêter serment le lendemain (extrait traduit par moi en annexe).
Pour ce que j'en ai lu, les propos de François sont - comme d'habitude - aussi superficiels et même irréfléchis dans le fond qu'approximatifs dans la forme, sans que cette fois on puisse invoquer le manque de maîtrise de la langue, puisque l'interview a été réalisée en espagnol, et personne n'aurait songé à les citer comme référence s'ils n'émanaient du Pape. Mais malheureusement, ils ne sont pas au niveau qu'on pourrait attendre du Chef de l'Eglise
L'évocation d'Hitler - qui n'est jamais innocente, dans le monde où nous vivons - fait réagir vivement Antonio Socci.

Trump comme Hitler?
Si Bergoglio ne dément pas ce qui lui est attribué, ou ne s'excuse pas, c'est une insulte à un chef d'état et à tout le peuple américain qui peut provoquer un incident diplomatique.
Un pontificat catastrophique pour l'Église

24 janvier 2017
www.antoniosocci.com
Ma traduction

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Prenons le titre du quotidien israélien Haarezt: «Pape François sur Trump: attention aux leaders populistes comme Hitler qui affirment être les "sauveurs"».
En réalité, Bergoglio n'a pas fait un parallèle direct entre Trump et Hitler. Mais les médias ont pris la référence à Hitler comme un allusions biaisée au président américain, et - ce qui est pire - trois jours ont passé et le Vatican n'a pas encore ressenti le devoir urgent de réfuter cette énormité qui est attribuée à Bergoglio.
On est cependant frappé par la gravité de ces insinuations, surtout lorsqu'on les compare aux paroles flatteuses que Bergoglio a formulées au fil des ans envers des tyrans communistes qui ont piétiné et piétinent les droits de l'homme.

PROPOS IRRESPONSABLES
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Pierluigi Battista [journaliste au Corriere della sera] - qui n'est pas non plus un sympathisant de Trump - a noté hier que «cette façon continue, répétée et même insensée d'établir un lien entre la victoire de Donald Trump et des "populistes" d'Europe avec celle du nazisme est très dangereuse et contre-productive» .
Battista s'est étonné que «François lui aussi ait fini par faire allusion à une possible analogie», chose qui «est à la fois une folie polémique, une exagération rhétorique, une idiotie historique et une faveur colossale aux vrais nazis» .
En effet, «comparer Trump à Hitler» a argumenté Battista «est la meilleure aide à ceux qui veulent relativiser, banaliser, minimiser la portée maléfique du nazisme».

Ce que toutefois Battista évite de considérer est autre chose: Bergoglio n'est pas l'un des nombreux journalistes ou chanteurs, acteurs, actrices, danseurs ou politiciens qui s'agitent sur la scène et dans les médias. Il est le Souverain Pontife de l'Eglise catholique. Cela ne me semble pas être une broutille qu'on peut oublier, parce que Trump représente le peuple des Etats-Unis d'Amérique et l'offense touche ce même peuple américain qui l'a élu et qu'il représente .
On risque objectivement un bel imbroglio diplomatique: une allusion outrageante, faite publiquement, est inconcevable dans la bouche du chef de l'Eglise qui est aussi un chef d'Etat .
En plus, en un moment où il y a un grand discours sur les «paroles de haine» qui se déverseraient sur internet (en les désapprouvant comme il se doit), et à une époque où aux États-Unis émergent - de la part des extrémistes - de forts sentiments de colère contre Trump, y compris avec des manifestations violentes, la diabolisation (voire la criminalisation) du président américain est susceptible de jeter de l'huile sur le feu, alimentant de dangereuses rancoeurs.

CLARIFIER IMMÉDIATEMENT
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Nous voulons penser et nous espérons que le pape Bergoglio a été mal compris, qu'il ne voulait absolument pas comparer le Président Trump à Hitler, que tout a été un accident malheureux.
Mais dans ce cas, Bergoglio devait absolument se hâter de corriger les interprétations erronées et malveillantes. Au contraire, bien quetrois jours soient déjà passés, il ne l'a pas fait.
Espérons qu'il y pourvoira le plus tôt possible, s'excusant d'avoir donné lieu par ses paroles à cette déplorable interprétation.
Mais qu'il le fasse. Et surtout qu'il le fasse sans équivoque et de manière convaincante, pour ne pas donner l'impression - comme cela est déjà arrivé - de jeter la pierre et de retirer sa main, chose qui serait très hypocrite et laisserait intact le tort fait à la réputation d'autrui et l'offense au peuple américain.
Dans le cas où il ne le ferait pas, nous devrions prendre acte qu'à la tête de l'Eglise, il y a actuellement un homme qui - en raison de ses rancunes politiques - lance des insinuations irresponsables, qui ne connaît pas les règles minimales de prudence, de courtoisie institutionnelle et de correction (qui est-il, lui, pour juger - et condamner - Trump qui, en plus, vient juste d'être investi?).
A défaut d'une rectification sérieuse et convaincante, nous devrons reconnaître qu'il y a aujourd'hui un pape qui sans raisons objectives, associe le président des États-Unis à Hitler, l'un des criminels les plus infâmes et sanguinaires de l'histoire humaine (ou qui laisse circuler cette interprétation ).

DÉLÉGITIMATION
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Par ailleurs, il est tout à fait absurde de dire qu'Hitler a été élu démocratiquement, parce qu'Hitler n'a jamais eu l'unanimité des votes dont parle Bergoglio ("tous les Allemands votent pour Hitler"), il n'a même jamais eu la majorité absolue, mais seulement relative, et il a pris la pouvoir en s'imposant par la violence (contrairement à ce que croit Bergoglio) [se - et lui - rafraîchir la mémoire ICI]. En outre, Hitler n'a pas été élu chancelier par le peuple, mais, malheureusement, il a été nommé chancelier par le Président Hindenburg qui aurait pu prendre une autre route.
Je veux encore dire qu'il est très triste et dangereux qu'un pape utilise cet exemple historique branlant (en plus d'être erroné) pour délégitimer le vote démocratique des peuples en prétendant qu'il a produit Hitler.
Toute cette affaire est très regrettable et inexplicable: quelqu'un qui représente l'Église catholique devrait donner l'exemple de la sagesse humaine et de la charité chrétienne.

QUE FERA TRUMP
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La chose pourrait provoquer un incident diplomatique grave parce que les États-Unis ont le droit d'exiger des excuses officielles .
Bergoglio est malheureusement habitué à insulter - presque quotidiennement - ceux qui, dans l'Eglise, pensent autrement. Il profite de sa position pour humilier et offenser ses subordonnés. Il le fait parce qu'il est protégé par une charge de souverain absolu auquel, dans l'Eglise, on n'ose pas répondre du tac au tac.
Mais le monde est une autre chose, et dans l'arène publique, il n'est pas prévu que le chef de l' Etat du Vatican puisse offenser publiquement d'autres chefs d'Etat parce qu'il ne les aime pas, ou qu'ils ont des idées différentes des siennes sur l'immigration.
Si Trump décide de glisser sur cette malheureuse sortie bergoglienne, il administrerait une leçon de supériorité morale et même de miséricorde à quelqu'un qui - bien qu'avancé en âge et dans une position institutionnelle délicate - ne sait pas contrôler sa haine idéologique et la colère, humiliant l'institution qu'il devrait respecter et honorer par un comportement sérieux.

Antonio Socci

Annexe

(Ma traduction du texte en anglais)

El Pais: Votre Sainteté, sur les problèmes du monde que vous venez de mentionner, Donald Trump vient de devenir le président des États-Unis, et le monde entier est dans une grande tension à cause de cela. Qu'en pensez-vous?

François: Je pense que nous devons attendre et voir. Je n'aime pas anticiper les évènements, ni juger les gens prématurément. Nous allons voir comment il agit, ce qu'il fait, et je vais avoir une opinion. Mais avoir peur ou se réjouir à l'avance pour quelque chose qui pourrait se produire est, à mon avis, tout à fait imprudent. Ce serait comme des prophètes prédisant des calamités ou des aubaines qui ne se produiront pas. Nous verrons. Nous allons voir ce qu'il fait et juger. Toujours sur les faits concrets (le spécifique). Le christianisme, ou bien il est spécifique ou bien ce n'est pas le christianisme.

Il est intéressant de noter que la première hérésie dans l'Église a eu lieu juste après la mort de Jésus-Christ. L'hérésie gnostique, condamnée par l'apôtre Jean. Qui était ce que j'appelle une religiosité spray (?), une religiosité du non concret. Oui, moi, la spiritualité, la loi ... mais rien de concret. Non, pas moyen. Nous avons besoin de faits concrets. Et à partir du concret, nous pouvons tirer les conséquences. Nous perdons le sens du concret. L'autre jour, un penseur me disait que ce monde est tellement à l'envers qu'il a besoin d'un point fixe. Et ces points fixes proviennent du concret. Qu'avez-vous fait, qu'avez-vous décidé, comment avancez-vous. Voilà ce que je préfère attendre et voir.

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El Pais: A la fois en Europe et en Amérique, les répercussions de la crise qui ne finit jamais, les inégalités croissantes, l'absence d'un leadership fort, cèdent la place à des groupes politiques qui reflètent le malaise des citoyens. Certains d'entre eux - les "anti-système" ou populistes - capitalisent sur les peurs face à un avenir incertain pour former un message rempli de xénophobie et de haine envers l'étranger. Le cas de Trump est le plus remarquable, mais il y en a d'autres, comme l'Autriche ou la Suisse. Êtes-vous inquiet à propos de ce phénomène?

François: C'est ce qu'ils appellent le populisme. Ce qui est un terme équivoque, parce qu'en Amérique latine, le populisme a un autre sens. En Amérique latine, cela signifie que le peuple - par exemple les mouvements populaires - sont les protagonistes. Ils sont auto-organisés, c'est autre chose. Lorsque j'ai commencé à entendre parler de populisme en Europe, je ne savais pas quoi en faire, j'étais perdu, jusqu'à ce que je comprenne qu'il avait des significations différentes. Les crises provoquent la peur, l'alarme. À mon avis, l'exemple le plus évident du populisme européen est l'Allemagne en 1933. Après Hindenburg, après la crise de 1930, l'Allemagne est en morceaux, elle cherche à se relever, à trouver son identité, un leader, quelqu'un capable de restaurer son caractère, et il y a un jeune nommé Adolf Hitler qui dit: «Je peux, je peux». Et tous les Allemands votent pour Hitler. Hitler n'a pas volé le pouvoir, son peuple a voté pour lui, puis il a détruit son peuple. C'est le risque. En temps de crise, nous manquons de jugement, et c'est une référence constante pour moi. Cherchons un sauveur qui nous redonne notre identité et défendons-nous avec des murs, des barbelés, n'importe quoi, des autres peuples qui peuvent nous priver de notre identité. Et c'est une chose très grave. Voilà pourquoi j'essaie toujours de dire: parlez entre vous, parlez les uns aux autres. Mais le cas de l'Allemagne en 1933 est typique, un peuple qui a été plongé dans une crise, qui cherchait son identité jusqu'à ce leader charismatique vienne et promette de leur redonner leur identité, et il leur a donné une identité déformée, et nous savons tous ce que arrivé. Lorsqu'il n'y a pas de conversation ... Les frontières peuvent-elles être contrôlées? Oui, chaque pays a le droit de contrôler ses frontières, qui vient et qui va, et les pays à risque - de terrorisme ou ce genre de choses - ont encore plus le droit de les contrôler, mais aucun pays n'a le droit de priver ses citoyens de la possibilité de parler avec leurs voisins.