Benoit-et-moi 2017
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Le triste record de l'Espagne

vu par le curé madrilène : malgré l’argent et les efforts apparemment déployés pour la catéchèse (insipide), le nombre des athées est en augmentation, ils représentent désormais 25% de la population. Ne serait-il pas temps d’en tirer les leçons ? (3/1/2017)
(et la tendance ne risque pas de "s’inverser" – comme la fameuse courbe du chômage ! – dans "Eglise de François".

(Carlota)
En ce début d’année 2017, le « curé madrilène » Jorge González Guadalix nous dresse un triste portrait de l’Église dans son pays, un portrait qui est sans doute assez comparable à celui de la France. Mais il y a des deux côtés des Pyrénées, des motifs de croire dans les capacités de résistance des catholiques de conviction (clercs comme laïcs)…

Triste record: L’Espagne, le cinquième pays au monde au nombre d’athées.


P. Jorge González Guadalix
Texte original ici: infocatolica.com/blog/cura
Traduction de Carlota

* * *

Le cinquième pays, et en augmentation.
L’Espagne a connu une triste progression avec 25% de ses habitants qui se déclarent athées alors que dans les années 80, ils étaient à peine 8,5%. Nous n’avons plus devant nous que la Chine (61%), Hong Kong (34%), le Japon (31%) et la République Tchèque (30%). Ah oui, ça c’est progresser, et le reste, des âneries. En un peu plus de trente ans, de 8,5 à 25 %. Et cela continue d’augmenter (1).
Mais il ne se passe rien. Ici rien ne se passe. Ou mieux, non seulement il ne se passe rien, mais nous sommes actuellement, dans un moment ecclésial apaisé. C’est ce qu’affirmait récemment l’évêque en titre de Teruel et Albarracín (2): « Jamais dans l’histoire, l’Église n’a été aussi bien qu’actuellement ». Le sens de l’humour ne manque pas.
Je comprends bien que personne parmi nous n’a envie de faire une évaluation critique de la vie de l’Église en Espagne ces dernières années. Mais les chiffres sont têtus. Point.
C’est vrai que la société a changé et qu’en Espagne nous souffrons d’une vague de laïcisme et d’agressivité contre l’Église Catholique qui est certainement impressionnante (3). C’est un continuel jeu de massacre, orchestré par tous les médias, contre l’Église et contre tout ce qu’on peut supposer de valeurs, de principes moraux ou de critères vitaux. Mais le problème n’est pas celui-là.
Le problème nous l’avons en nous. On a choisi l’option d’une Église en théorie compréhensive, n’ayant plus rien de dogmatique, tolérante, aimable, charitable et pas du tout combattante, nous étions convaincus que les gens s’étaient éloignés du Christ et de l’Église du fait de notre dogmatisme, du manque de miséricorde, de ne pas avoir su nous rapprocher des personnes. Ce qui, en théorie, sonne bien, nous a transformés en une Église, je ne dis plus à la pensée faible, mais en une Église sans plus de dogme que celui auquel chacun désire croire, sans plus de vérité que celle de Machado (3), sans autre morale que celle d’accepter comme moralement acceptable ce qui est depuis toujours inacceptable, avec une liturgie dépouillée de religiosité et d’adoration pour être transformée en ripaille fraternelle ; et tout cela préparé avec une solidarité light qui a honte de parler de charité chrétienne.

Selon les dernières données de la Conférence des Évêques espagnols, nous avons plus de 23 mille paroisses. Elles consacrent plus de 8,3 millions d’heures à la catéchèse. Chaque année, il y a près de 250 mille baptisés et autant de premières communions (4). Autrement dit si la moyenne est de deux ans de catéchèse pour la célébration de la première communion, chaque année nous avons au catéchisme un demi-million d’enfants. Je poursuis, 1,5 millions d’élèves dans des établissements catholiques; 3,5 millions d’élèves en classe de religion [en Espagne, classe de religion également donnée dans le public, avec désormais le choix de la religion, NDT], 85 mille étudiants dans les universités catholiques. 4,7 millions de personnes dont on s’occupe dans des centres sociaux de l’Église.
Et en trente ans, les athées passent de 8,5% à 25% des habitants de l’Espagne. Tirez-en vos propres conclusions.

J’ai toujours été surpris qu'il soit possible pour le peuple juif, avec une très forte diaspora, et en étant très peu nombreux en Israël, et entouré d’ennemis féroces, de se maintenir et de maintenir toutes ses coutumes et traditions. Oui, il y a l’argent... Mais l’affaire est dans une pensée forte, des traditions inamovibles, des coutumes qui se respectent, c’est comme cela et pas autrement. Et là-bas il n’y en a pas qui entrent pour leur pourrir la vie.
Ou pensons à l’Église en Pologne. Ils ont eu plus de difficultés que nous, beaucoup plus. Et elle est plus vivante qu’aucune autre. Mais il y a une doctrine, une morale, une liturgie et un sérieux dans les choses. Pensons en Espagne, par exemple, à ceux qui résistent le mieux à la vague de sécularisme et d’athéisme. Évidemment ce sont les groupes et les communautés appelés d’une manière péjorative « conservateurs », qui sont les moins contaminés par le buonisme et le relativisme.
Soyons clairs. Si en ayant entre nos mains en tant qu’Église, 2 600 centres d’enseignement catholique, plus de 1,5 million d’élèves, 500 mille enfants au catéchisme par an; si la Conférence des Évêques nous dit qu’on consacre chaque année en Espagne 8,3 millions d’heures à la catéchèse, et que le résultat est que les gens deviennent agnostiques et athées à une vitesse toujours plus grande, au mieux il faudrait fermer paroisses et collèges, universités et centres sociaux, et nous vêtir de bure, nous couvrir de cendre, et nous arracher les cheveux tout en demandant pardon à Dieu pour notre inutilité.

Eh bien, rien, continuons ainsi. L’Église? Bien, merci. La seule chose, ce sont ces groupes de conservateurs qui mettent des obstacles à l’authentique évangélisation. Si ce n’était pas du fait de leur résistance, moi je dis qu’au lieu de 25% d’athées, nous en serions déjà au moins à 40%.
Mais on en reparlera. (5).

NDT:


(1) D’après cet article du Monde de 2015, 63% des Français se diraient athées…D’autres statistiques disent que 64% des Français se reconnaîtraient encore de culture chrétienne mais la moitié d’entre eux ne croiraient pas en Dieu…

(2) Le diocèse de Teruel est l’un des diocèses aragonais (nord de l’Espagne), un diocèse dont l’évêque fut torturé et assassiné par le camp Républicain, à quelques jours, - février 1939 - de la fin de la Guerre Civile.

(3) Probablement une allusion à Antonio Machado (1875-1939) , poète espagnol républicain, peut-être en référence à une célèbre citation: «On ment plus qu'il ne faut par manque de fantaisie : la vérité aussi s'invente »

(4) Pour comparaison, on trouvera ici quelques chiffres pour la France de 67 millions d’habitants, soit 20 millions de plus que l’Espagne: nous avons un peu plus de 16 mille paroisses ; en 2012, il y avait 290 mille baptisés ; il n’y a pas de chiffres disponibles pour la première communion, seulement ceux pour la confirmation, il n’y avait en 2012 que 44 mille confirmés, soit 15% des baptisés… !

(5) La «résistance conservatrice» a peut-être pris quelques années de retard en Espagne par rapport à la France, parce que l’histoire récente de l’Espagne a encore plus restreint le «droit à» évoquer les «valeurs du passé».