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Fatima et les paroles de trois papes

Belle réflexion d'Aldo Maria Valli, s'appuyant sur les propos adressés par Benoît XVI aux journalistes dans le vol vers Fatima, le 11 mai 2010 (16/6/2017)

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Dossier Fatima

(...) au-delà de cette grande vision de la souffrance du Pape, que nous pouvons en premier lieu rapporter au Pape Jean-Paul II, sont indiquées des réalités de l’avenir de l’Église qui au fur et à mesure se développent et se manifestent...

Antonio Socci était jusqu'à présent le seul (à ma connaissance) à avoir compris que Benoît XVI était persuadé que la mission prophétique de Fatima n'était pas achevée (homélie du 13 mai 2010 à Fatima) et surtout que les paroles du Saint-Père répondant dans l'avion vers Fatima à quelques questions de journalistes (dont les réponses avaient, comme d'habitude, été soigneusement méditées), expliquant que «la plus grande persécution de l’Église ne vient pas de ses ennemis extérieurs, mais naît du péché de l’Église » ne s'appliquaient pas uniquement aux scandales pédophiles (qui obnubilaient alors les médias, incapables de voir au-delà du contingent), mais avaient, comme presque toujours avec lui, une portée bien plus générale.
C'est ce qu'a également perçu AM Valli, qui était dans l'avion papal ce 11 mai (il avait lui aussi incorrectement interprétés à l'époque les mots du Pape), et qui, à partir de ces propos illuminants de Benoît XVI développe sa réflexion (dont le coeur n'est pas forcément ce qui a attiré mon attention) sur le message de Fatima. «Un message hors du temps. Plus que jamais actuel.»

Fatima et les paroles de trois papes

Aldo Maria Valli
14 juin 2017
Ma traduction

* * *

A l'occasion du voyage de François à Fatima il y a eu un regain d'intérêt pour les révélations de la Vierge aux trois petits bergers, et pour le contenu des secrets. Selon le livre de Georges Roche et Philippe Saint Germain «Pie XII devant l'histoire», en 1933, seize ans après les apparitions, le futur pape Pie XII, alors cardinal Eugenio Pacelli, secrétaire d'État de Pie XI, parla de Fatima avec son ami le Comte Enrico Pietro Galeazzi et dit qu'il s'agissait d'un avertissement contre le «suicide» de l'Église catholique qui adviendrait à travers la destruction de la liturgie et l'altération de la foi.

Voici les paroles du cardinal Pacelli:

«Supposons, cher ami, que le communisme fût seulement l'un des instruments de subversion les plus évidents utilisés contre l'Eglise et les traditions de la Révélation divine ... Je suis inquiet au sujet du message qu'a donné la Bienheureuse Vierge à Lucie de Fatima. Cette insistance de Marie sur les dangers qui menacent l'Église est un avertissement divin contre le suicide d'altérer la foi, dans sa liturgie, sa théologie et son âme ... J'entends tout autour de moi ces novateurs qui désirent démanteler la Sainte Chapelle, détruire la flamme universelle de l'Eglise, rejeter ses ornements et la faire se sentir coupable pour son passé historique ... un jour viendra où le monde civilisé reniera son Dieu, quand l'Eglise doutera comme Pierre a douté. Elle sera alors tentée de croire que l'homme est devenu Dieu ... Dans nos églises, les chrétiens chercheront en vain la lampe rouge où Dieu les attend. Comme Marie Madeleine, en larmes devant le tombeau vide, ils se demanderont: «Où l'ont-ils emmenée?».

Le cardinal Pacelli fait également allusion aux Églises des pays les moins développés, en Afrique et en Asie, et dit que le salut possible viendra de là, par les prêtres des cultures moins contaminées par le modernisme.

Sur l'authenticité des paroles adressées à son ami par le futur Pie XII, il n'y a pas de preuves tangibles. En tout cas, leur contenu laisse songeur, et certains observateurs n'hésitent pas à le définir comme prophétique.

Pour ce qui me concerne, en relisant l'avertissement de Pacelli, j'ai ressentais le désir de faire une autre relecture. Il s'agit de ce que Benoît XVI a dit devant des journalistes le 11 mai 2010 pendant le vol à Fatima, pour le dixième anniversaire de la béatification des petits bergers Jacinta et Francisco.

Le directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, le père Federico Lombardi, a posé la question suivante:

«Sainteté, quelle signification ont pour nous aujourd’hui les apparitions de Fatima ? Quand vous avez présenté le texte du troisième secret à la Salle de presse du Vatican, en juin 2000, certains d’entre nous et d’autres collègues d’alors y étaient, il vous fut demandé si le message pouvait aussi être étendu, au-delà de l’attentat contre Jean-Paul II, à d’autres souffrances des Papes. Est-il possible, selon vous, de situer aussi dans cette vision les souffrances de l’Église d’aujourd’hui, liées aux péchés des abus sexuels sur les mineurs ?».

Et voici la réponse du pape:

«Avant tout je voudrais exprimer ma joie d’aller à Fatima, de prier devant la Vierge de Fatima, qui est pour nous un signe de la présence de la foi, que c’est des petits proprement que nait une nouvelle force de la foi, qui ne se limite pas aux seuls petits, mais qui a un message pour tout le monde et rejoint le cours de l’histoire dans son présent et l’éclaire. En 2000, dans la présentation, j’avais dit qu’une apparition, c’est-à-dire un événement surnaturel, qui ne vient pas seulement de l’imagination de la personne, mais en réalité de la Vierge Marie, du surnaturel, qu’un tel événement entre dans un sujet et s’exprime dans les possibilités du sujet. Le sujet est déterminé par ses conditions historiques, personnelles, de tempérament, et donc traduit ce grand événement surnaturel dans ses possibilités de voir, d’imaginer, d’exprimer, mais dans ses expressions, formées par le sujet, se cache un contenu qui va au-delà, plus profondément, et c’est seulement dans le cours de l’histoire que nous pouvons voir toute la profondeur, qui était – disons – « vêtue » dans cette vision possible aux personnes concrètes. Je dirais donc, ici aussi, au-delà de cette grande vision de la souffrance du Pape, que nous pouvons en premier lieu rapporter au Pape Jean-Paul II, sont indiquées des réalités de l’avenir de l’Église qui au fur et à mesure se développent et se manifestent. Par conséquent, il est vrai que au-delà du moment indiqué dans la vision, on parle, on voit la nécessité d’une passion de l’Église, qui naturellement se reflète dans la personne du Pape, mais le Pape est pour l’Église et donc ce sont des souffrances de l’Église qui sont annoncées.
Le Seigneur nous a dit que l’Église souffrirait toujours, de diverses façons, jusqu’à la fin du monde.
L’important est que le message, la réponse de Fatima, ne réside pas substantiellement dans des dévotions particulières, mais dans la réponse de fond, c’est-à-dire la conversion permanente, la pénitence, la prière et les trois vertus théologales : foi, espérance et charité. Ainsi voyons-nous ici la réponse véritable et fondamentale que l’Église doit donner, que nous, chacun de nous, devons donner dans cette situation.
Quant aux nouveautés que nous pouvons découvrir aujourd’hui dans ce message, il y a aussi le fait que les attaques contre le Pape et contre l’Église ne viennent pas seulement de l’extérieur, mais les souffrances de l’Église viennent proprement de l’intérieur de l’Église, du péché qui existe dans l’Église. Ceci s’est toujours su, mais aujourd’hui nous le voyons de façon réellement terrifiante : que la plus grande persécution de l’Église ne vient pas de ses ennemis extérieurs, mais naît du péché de l’Église et que donc l’Église a un besoin profond de ré-apprendre la pénitence, d’accepter la purification, d’apprendre d’une part le pardon, mais aussi la nécessité de la justice. Le pardon ne remplace pas la justice. En un mot, nous devons ré-apprendre cet essentiel : la conversion, la prière, la pénitence et les vertus théologales. Nous répondons ainsi, nous sommes réalistes en nous attendant que le mal attaque toujours, qu’il attaque de l’intérieur et de l’extérieur, mais aussi que les forces du bien sont toujours présentes et que, à la fin, le Seigneur est plus fort que le mal, et pour nous la Vierge est la garantie visible, maternelle, de la bonté de Dieu, qui est toujours la parole ultime dans l’histoire.»
(w2.vatican.va)

En cette période, en 2010, on était en pleine attaque contre l'Eglise, et en particulier contre papa Ratzinger, pour les affaires de prêtres responsables d'abus sexuels sur des mineurs, si bien que le Père Lombardi lui-même, dans la question, y fit référence. De sorte que nous tous journalistes, quand Benoît XVI fit allusion à la persécution qui vient non seulement de l'extérieur mais aussi de l'intérieur de l'Église, nous pensâmes automatiquement à la pédophilie et aux procès en cours contre des prêtres et des évêques, à la fois par responsabilité directe et par défaut de dénonciation, dans diverses régions du monde.
Il faut cependant considérer que le pape, en parlant du péché qui existe dans l'Eglise, n'a pas fait directement référence à ces événements. Il l'avait sans doute à l'esprit, et certainement ses mots se référaient aussi à la pédophilie, mais pas seulement à elle. L'infidélité peut se manifester sous de nombreuses formes. Je trouve donc qu'il y a un lien bien visible entre les considérations du cardinal Pacelli en 1933 et celles de Benoît XVI en 2010, parce que dans les deux cas, le sujet est l'Église et sa fidélité.

Suivant cette ligne de réflexion, il vient spontanément à l'esprit ce que le magazine allemand «Stimme des Glaubins» écrivait en 1981 au sujet d'une rencontre qui avait eu lieu entre Jean-Paul II et un groupe de catholiques allemands en Novembre 1980 au cours du voyage de Wojtyla à Fulda.

A une question sur Fatima et le Troisième Secret, le pape fit allusion à de possibles catastrophes naturelles, il dit que, dans tous les cas le médicament contre tout les maux est le chapelet et enfin, sur le futur de l'Eglise, il déclara:

« Nous devons nous préparer avant longtemps à de grandes épreuves, qui peuvent nécessiter même le sacrifice de nos vies et notre dévouement total au Christ et pour le Christ ... Avec votre prière, et ma prière, il sera possible d'atténuer ces tribulations, mais il n'est plus possible de les éviter, car un vrai renouveau dans l'Eglise pourra se produire seulement dans cette façon. Combien de fois le renouveau de l'Église a jailli du sang! Cette fois-ci non plus, ce ne sera pas différent. Nous devons être forts et préparés, faire confiance au Christ et à sa Mère, et réciter très, très assidument le Saint Rosaire».

En 1980, quand il parla à Fulda, Karol Wojtyla n'avait pas encore été touché par Alì Agca, parce que l'attaque a eu lieu le 13 mai 1981, pourtant, il a parlé de grandes épreuves, de risque pour la vie et de la nécessité d'être préparés.

Toujours à Fulda, en ce Novembre 1980, dans l'homélie de la messe célébrée pour les prêtres et les séminaristes, Jean-Paul II dit entre autres que le pasteur doit veiller et surveiller:

« Le service est donc cela: être éveillé pour le retour le Seigneur». Puisque «le bien qui nous est confié est infiniment précieux», le premier devoir des pasteurs est d'«affermir toujours plus les racines de notre foi, de notre espérance et de notre charité» dans les "grandes œuvres de Dieu" (Actes 2:11)».

Être éveillé pour le retour du Seigneur, veiller, être vigilant et prier, au service d'un bien infiniment précieux, affermissant toujours plus les racines de la foi dans les œuvres non de l'homme, mais de Dieu.

En fin de compte, c'est cela que dit Fatima. Un message hors du temps. Plus que jamais actuel.