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Murs et ponts : de l'absurdité à la perversité

Un lecteur m'envoie cette réflexion, que lui a inpirée l'article de Marcello Faverziani "l'imbécile gobal au pouvoir" traduit récemment dans ces pages (28/6/2017)

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L'imbécile global au pouvoir

Les murs et les ponts : de l’absurdité à la perversité

« Il vaut mieux construire des ponts que des murs » est devenu un stéréotype. Ce stéréotype illustre l’abrutissement dont nous sommes quotidiennement victimes, tant il se révèle à la fois stupide et pervers.Stupide, la phrase l’est à deux niveaux. Au niveau littéral d’abord. Murs et ponts ayant chacun leur utilité, ne sauraient être comparés en valeur : c’est un peu comme si on défendait l’idée que mieux vaut fabriquer des fourchettes que des cuillères. Bien plus, de nombreux ponts sont construits avec des murs, ce qui rend l’image développée encore plus absurde.

Avec une base aussi débile, il serait surprenant qu’on puisse construire un sens figuré qui tienne la route, et c’est bien ce qui se passe.

En effet, l’idée qui est censée être transmise est que lier les gens vaut mieux que les séparer, par exemple aux niveaux psychologique ou social (« migrations »). L’erreur est grossière voire monstrueuse : le lien – en toute généralité - peut en effet servir la destruction et le mal. 

L’exemple des ponts l’illustre d’ailleurs à merveille, dans le contexte des nombreuses guerres et invasions qui ont de tout temps accablé l’humanité. Agresser l’autre nécessite l’établissement de contacts et de liens. L’utilisation des ponts, qu’ils soient matériels ou psychiques est donc une priorité pour l’exercice du mal, comme pour celui du bien. De ce fait, une des interventions les plus courantes dans la prévention des risques psycho-sociaux est ainsi de préconiser un cadrage très strict (murs) des communications avec les personnes qui prennent une posture perverse et détruisent autrui.

Qu’est-ce qui fait que des réflexions aussi élémentaires ne suffisent pas à stopper la circulation d’opinions bien plus manifestement erronées que « la terre est plate » ?

On peut renvoyer sur des livres entiers écrits sur la dégradation intellectuelle et la manipulation émotionnelle du débat public. Mon intention est de mettre en valeur les dimensions religieuses qui sous-tendent le phénomène.

La métaphysique gréco-chrétienne étant bannie ou passée de mode, et l’être humain ne pouvant se passer de sacré, s’est installée une religion polythéiste aux nombreuses idoles : l’argent, mais aussi le progrès et surtout une vulgate « simili sciences-humaines » où la parole et le lien (parfois la loi) sont adulés aveuglément…

Les conséquences d’un tel affaiblissement métaphysique ? Un boulevard pour les mécanismes pervers (temporaires ou non). Et la phrase que nous étudions en est un bon exemple.

Que signifie-t-elle en effet, sinon un mur ? Le mur qui sépare le bien (les ponts) du mal (les murs). Ce stéréotype se tire donc une balle dans le pied. Et on pourrait effectuer une analyse similaire pour bien d’autres stéréotypes, comme la promotion de l’ouverture ou de la diversité…

Yann C, psychologue.