Benoit-et-moi 2017
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Reviens, Vladimir Ilitch, ils sont devenus fous

Ici, il n'est pas question des icône sanglantes de la Révolution bolchévique, mais du mythe de la révolution trahie appliqué au règne de François. Réponses de Marco Tosatti, à travers les nominations papales (17/11/2017)

La fiction de méchante Curie qui met les bâtons dans les roues à François

Il paraît que sous l'ancien Régime, le petit peuple des campagnes soupirait, lorsqu'il voulait se plaindre de la dureté de sa condition: "Ah! si le roi savait!".
Aujourd'hui, ce sont les les historiens (qui commémorent avec des trémolos dans la voix le centenaire de la révolution d'octobre) et les journalistes (qui cherchent à défendre le pape... !!!) qui recyclent ce refrain naïf. Dernier épisode en date, un livre du journaliste à scandales (dit) d'investigation, Gianluigi Nuzzi - auteur entre autres de Sua Santità et impliqué dans le scandale des Vatileaks, et le procès qui en a résulté -, qui récidive avec un prétendu brûlot dont il m'étonnerait qu'il ne soit pas très vite traduit dans notre langue.
Cette parution, tombant à point nommé, inspire à Marco Tossatti, qui suit de près depuis très longtemps, pour motifs professionnels mais ausi par amour de la vérité, les vicissitudes de la Curie, une mise au point aussi irréfutable que nécessaire.

Le mythe de la révolution trahie (et entravée) appliqué au règne du pape Bergoglio.
Est-il crédible?

Marco Tosztti
Stilum Curiae
17 novembre 2017
Ma traduction

* * *

Dans l'histoire humaine et politique, il y a quelques modèles récurrents, commodes et très utilisés, en particulier par les fans des autocrates. L'un d'entre eux est que ledit autocrate voulait changer beaucoup de choses en mieux, mais "ils" ne l'ont pas laissé faire... S'il n'avait tenu qu'à lui... Lui, il avait des idées excellentes... il les aurait retournés comme des chaussettes, ceux-là. Où le "ceux-là" reste toujours plutôt vague. La physionomie et l'identité de ceux qui se sont opposés (en général victorieusement) aux objectifs de: réforme, ménage, clarté, transparence, honnêteté, et ainsi de suite à couvrir le Grand Chef de vertus, on ne parvient jamais à les connaître. Ce qui est singulier, étant donné qu'en général, on sait beaucoup de choses et de détails. Même trop, dans certains cas. Et en règle générale, le Grand Chef a à sa disposition des foules de professionnels et d'amateurs de la plume prêts à dévoiler les moindres détails de sa pensée profonde. Imaginez un peu la possibilité que, connaissant ceux qui mettent les bâtons dans les roues et les cailloux dans les engrenages de la Grande Machine de la Bonté et de la Justice, ils ne les aient pas claironné aux quatre vents!

J'y pensais en regardant la couverture du dernier effort littéraire de Gianluigi Nuzzi,"Péché originel", qui porte le sous-titre séduisant: "Le bloc de pouvoir qui entrave la révolution de François". Laissant deviner que les Palais Apostoliques sont un essaim de taupes qui creusent, creusent, et creusent encore, tandis que le pauvre Pontife, dans son dernier étage de l'Hôtel Sainte Marthe, entend le bruit des dents qui rongent les piliers de sa Nouvelle Église.

Ensuite j'y ai réfléchi, et je me suis demandé: mais qui sont-ils? Et j'ai fait un rapide récapitulatif mental des hommes qui détiennent le pouvoir à la Curie et ailleurs. Si vous en avez de la patience, suivez-moi, et puis nous tirerons un bilan.....

Le principal collaborateur du Pontife est le Secrétaire d'Etat. C'est le cardinal Pietro Parolin, nommé à ce poste par le Pontife lui-même. Il a à ses côtés le Substitut de la Secrétairerie d'Etat, Mgr Angelo Becciu. Il a été nommé par Benoît XVI, mais nous pouvons dire sans crainte de démenti qu'il est en ce moment l'homme de confiance du pape. Ce n'est pas un hasard si Becciu est le délégué pontifical auprès de l'Ordre des Chevaliers de Malte, le "Commissaire" d'une opération dans laquelle l'odeur de l'argent et du pouvoir dépasse de loin celle de la spiritualité, et qui restera peut-être comme une tache historique sur ce pontificat.

Continuons. La Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Le cardinal Müller, loyal au pape, mais avec des réserves sur certaines de ses décisions. A la fin de ses cinq années de mandat, le Pontife l'a renvoyé sans lui assigner une autre mission et l'a remplacé par un confrère jésuite, Mgr Ladaria.

Une autre Congrégation centrale pour le gouvernement de l'Église est celle du clergé. L'un des premiers actes du règne du pape François fut de remplacer sans explication un homme expérimenté comme le cardinal Piacenza par une personne qui lui était fidèle, le cardinal Beniamino Stella, ancien diplomate et - disent certains - éminence grise du pontificat.
La deuxième Congrégation de gouvernement importante, celle des évêques, a encore à sa tête le Cardinal Ouellet, nommé par Benoît XVI. Mais Ouellet n'a pas perdu de temps pour présenter sa déclaration de fidélité au Pontife; et de toute façon, il est écarté des décisions de la Congrégation, grâce à l'action du Secrétaire de la Congrégation lui-même [ndt: l'archevêque brésilien Ilson de Jesus Montanari], un ami très intime du secrétaire particulier du Pontife [Fabiàn Pedacchio] (*), élevé à ce poste avec une rapidité étonnante et absolument extraordinaire. Entre autres choses, le secrétaire particulier du Pontife travaille aussi aux Évêques. Et là, il ne tombe pas de feuille que le pape ne veuille pas.

Poursuivant la recherche infructueuse des complotistes qui freinent les réformes, nous en arrivons à l'économie.
Le Secrétaire à l'Economie, Pell, nommé par François, est en Australie depuis des mois, empêtré dans des affaires personnelles.
En plus de lui, nous trouvons le cardinal Bertello, qui est à la tête du gouvernorat, le cardinal Calcagno, qui est à la tête de l'Administration du Patrimoine du Siège Apostolique; et puis il y avait aussi Versaldi, qui a été promu à la tête de l'éducation catholique. La rumeur publique les donnait comme fidèles de Bertone; et probablement grâce au soutien de Bertone lors du Conclave, ils n'ont pas été touchés, au contraire. Calcagno est souvent au petit-déjeuner, au déjeuner et au dîner avec le Pape à Sainte Marthe; Versaldi a été promu; et Bertello ne semble pas s'intéresser à autre chose qu'au Gouvernorat.
A l'IOR, le pape a nommé un autre fidélissime et très reconnaissant, Mgr Ricca, rétabli à l'honneur du monde après la mésaventure vécue en Uruguay. De même, les dicastères des Laïcs et de la Famille et la Vie sont gérés par un Américain, Kevin Farrell, nommé par le Pontife, et Mgr Vincenzo Paglia, lui aussi réhabilité après le désastre financier du diocèse de Terni. Nous ne croyons pas qu'un des deux puisse être soupçonné d'être la cinquième colonne de la réaction tordue.

Ne parlons pas de la Congrégation pour la Vie Religieuse, le marteau du Pontife. Le Préfet, le cardinal Braz de Aviz, et surtout le Secrétaire, le franciscain espagnol Carballo (lui aussi rescapé de la plus grande catastrophe financière de l'histoire de son Ordre) sont le bras et la main du Pape.

Avons-nous oublié quelqu'un? A la Rote Romaine il y a Mgr Pinto, dont dire qu'il est un fidèle de Bergoglio est un euphémisme; à la Signature apostolique, le Cardinal Burke, très compétent, mais d'une ligne politique différente du Pontife, a été remplacé par Dominique Mamberti, un diplomate. A la Congrégation des Saints, il y a le cardinal Angelo Amato, qui aurait dû partir il y a quatre ans à cause de son âge (79 ans) mais que le Pontife continue de confirmer. Même chose pour les Eglises orientales, où il y a le cardinal Sandri, un Argentin, qui a déjà accompli dix ans comme Préfet, mais que François maintient en poste. Restent la Congrégation pour le Développement Intégral et la Congrégation pour le Culte Divin: deux autres nominations - africaines - du Pontife: les cardinaux Turkson et Sarah.
Au Synode, nous trouvons le cardinal Baldisseri, et le sous-secrétaire Fabene, fidèle au pape, tandis qu'au C9, le Comité des Cardinaux pour la réforme de l'Église, nous n'avons naturellement que des personnes choisies par le Pontife. Sans parler de la Communication, où Mgr Dario Edoardo Viganò, un autre des grands conseillers du pape, contrôle tout.

Comme nous le savons, donc, et surtout, comme ils le savent très bien au Vatican, sous le règne de François "nous sommes comme les feuilles sur les arbres en automne". Aujourd'hui, le gouvernement de l'Église est presque entièrement composé de personnes nommées par le Pontife. Donc, si les réformes, quelles qu'elles soient, ne sont pas faites, ce n'est pas la faute de fantomatiques rameurs à contre-courant. Le mythe du Grand Chef, avec de bonnes idées et de bonnes intentions entravées par des puissances obscures, nous semble, une fois encore, ce qu'il est: une image mythologique peu crédible.

NDT

[*] Le sujet a été abordé récemment par le même Tosatti. Voir Le pouvoir du Pape (9/7/2017).
Et voici dans ma traduction ce qu'il écrivait dès octobre 2013, dans son blog <San Pietro e dintorni>, alors hébergé par La Stampa-Vatican Insider (!!)

Une nomination "anormale" faite ces jours-ci par Papa Bergoglio a provoqué de la stupeur et aussi quelque curiosité. Il a nommé Secrétaire de la Congrégation pour les évêques - l'un des dicastères importants, et de plus grande responsabilité - un prêtre brésilien, Mgr Ilson de Jesus Montanari, qui était employé de niveau subalterne à la même congrégation. Et en même temps, il l'a élevé à la dignité d'archevêque.
Une nomination inhabituelle: en général, comme Secrétaire, c'est quelqu'un qui est déjà évêque, qui est nommé, et pas un simple prêtre (...).
A ce qu'on dit, toutefois, à la Congrégation pour les évêques où la nomination a créé une certaine perplexité et quelque amertume (Montanari travaille à Rome depuis un peu plus de quatre ans, dans un rôle subalterne, une période qui semble brève pour les temps de la Curie), la carrière fulgurante du prélat brésilien a un nom, et c'est celui de Mgr Fabiàn Pedacchio Leaniz.
Mgr Pedacchio travaille à à la Congrégation pour les évêques. C'est un prêtre diocésain de Buenos Aires, que l'ex-cardinal Bergoglio avait placé à Rome. Il était, à l'époque où Bergoglio était archevêque de la capitale argentine, une des deux ou trois personnes de confiance qui tenaient le cardinal jésuite au courant sur les évènements et les humeurs de la Curie. Depuis cette année, tout en continuant à travailler à la Congrégation, Mgr Pedacchio remplit aussi le rôle "ombre" de secrétaire privé du Pape, il est allé habiter à Sainte Marthe, où vit le Pape François, et son rôle dans la gestion de la vie papale va crescendo.
Pedacchio et Montanari sont, à ce qu'on dit à la Congrégation, de grands amis: ils passent même leurs vacances ensemble, et les années passées, Pedacchio a introduit Montanari dans la familiarité avec celui qui allait devenir Pape. Qui l'a évidemment apprécié; et il a également apprécié l'idée de le mettre aux Evêques, où le cardinal Préfet, Ouellet n'a pas encore été confirmé dans sa charge.

Le blog hispanophone Info Vaticana donnait en octobre 2013 quelques détails apparemment surprenants (au moins pour ce que le traducteur automatique m'a permis d'en saisir) sur le secrétaire du Pape.