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Trump, l'autre face du "système" (I)

Pourquoi il faut se réjouir malgré tout. A la veille de l'investiture officielle, la remarquable analyse de Federico Dezzani (18/1/2017)

L'analyse est remarquable aussi parce qu'elle coupe l'herbe sous le pied aux chasseurs de prétendues "fake news" (alors qu'ils en sont les principaux pourvoyeurs) et autres contempteurs de non moins prétendus complotistes qui peupleraient le Réseau.
Nous avons déjà croisé Federico Dezzani en novembre dernier dans ces pages, dans deux analyses qui méritent d'être relues:
¤ Le monde après la victoire de Trump
¤ Le Pape après la victoire de Trump

L'administration Trump dans les starting-blocks: ceux qui se réjouissent et pourquoi
Première partie

18 janvier 2017
Federico Dezzani
Ma traduction

* * *

Le 20 janvier Donald Trump prendra officiellement ses fonctions à la Maison Blanche avec la nouvelle équipe gouvernementale. Beaucoup se posent une question légitime: pourquoi le prochain président utilise-t-il de nombreux ex-banquiers de Goldman Sachs, s'il représente vraiment un changement par rapport au passé? Et quel rôle joue son influent gendre, Jared Kushner?
Le défi entre Hillary Clinton et Donald Trump était aussi une lutte entre deux âmes du même système: il en est émergé la victoire de la plus nationaliste et conservatrice, soutenue par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui a assuré l'accès de Trump à la salle de contrôle. A l'horizon se profile une alliance sans précédent entre Washington, Tel-Aviv et Moscou, aux dépens de l'establishemnt 'liberal': pour les populisme européens, c'est une occasion unique de se réapproprier leur souveraineté politique et économique, se libèrant de l'Union européenne.

UNE QUERELLE AU SEIN DE L'ESTABLISHMENT? QUOI QU'IL EN SOIT, UNE OCCASION À NE PAS LAISSER PASSER
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Le 20 Janvier, plus de deux mois après la présidentielle américaine qui a surpris le monde entier (mais pas nous), la nouvelle administration de Donald Trump prendra ses fonctions. Pour l'ordre international, ce sera une révolution copernicienne qui aura un impact sur tous les aspects des relations entre les Etats-Unis et le reste du monde: le système international post-1945, basé sur la domination anglo-américaine, sur le binôme OTAN / CEE-UE, et sur des doses croissantes de mondialisation, plongera définitivement, en raison de l'épuisement du système lui-même. Pour la première fois depuis les années 30, il y aura à la Maison Blanche un président "isolationniste". Les États-Unis, en substance, abdiqueront leur rôle de puissance hégémonique, concept implicite de l'«America First» de Trump, condamnant à une mort certaine les vieilles institutions issues de cette époque.

Ayant chargé la présidence de Trump de telles attentes, et son entrée à la Maison Blanche étant désormais imminente, il est donc temps de répondre aux doutes qui tenaillent de nombreux observateurs, en particulier après la formation de la nouvelle équipe présidentielle où apparaissent différents anciens banquiers de Goldman Sachs. Plusieurs, intrigués par l'écart entre la rhétorique «populiste» de Trump et les noms choisis pour occuper des postes clés dans la prochaine administration, se sont posé des questions plus que justifiées: Donald Trump représente-t-il vraiment un changement par rapport au passé? Ne sera-t-il pas juste une autre marionnette de Wall Street? Une fois épuisées les attentes initiales, ne se révèlera-t-il pas un bluff de plus, s'installant dans la politique habituelle, celle de Bush et Obama?

Ce sont des questions plus que légitimes. Mais il faudra éviter à tout prix l'idée paralysante (parce qu'elle rendrait toute action inutile) que «le Pouvoir» est monolithique, infaillible, omnipotent et éternel et, année après année, élection après élection, se reproduit toujours identique: se cachant derrière Bill Clinton en 1993, derrière George Bush en 2001, derrière Barack Obama en 2008, derrière Donald Trump en 2017, et ainsi de suite, ad aeternum.

Le «Pouvoir», qui en Occident réside dans les centres financiers de Londres et de Wall Street, n'est pas monolithique, mais il se divise à l'intérieur en "cordées" et factions. Il n'est pas infaillible, car lui aussi se base sur des calculs et des prévisions qui, ex post, se révèlent souvent erronés. Il n'est pas tout-puissant, parce que le monde est trop articulé, trop vaste et trop varié pour pouvoir être contrôlé «autour d'une table». Il n'est pas éternel, parce que, comme toute organisation humaine, il n'échappe pas au cycle naissance-croissance-maturité-mort. Le «Pouvoir», alias la finance cosmopolite, est faillible, divisé en courants et souvent impuissant face à des dynamiques qui sont hors de son contrôle. Bien qu'il ait démontré depuis toujours de fortes capacités d'adaptation, il donne des signes évidents de fatigue: son emprise sur le monde s'étiole, jour après jour.

Le cas de Donald Trump, le candidat «populiste» élu contre tous les pronostics, s'insère sans aucun doute dans la saga du «Pouvoir» atlantique: une faction de l'establishment, en lutte ouverte avec sa rivale, s'est rassemblée autour de sa candidature et lui a aplani l'accès à la Maison blanche, impensable autrement pour un candidat totalement étranger au système. En ont ainsi résulté les nominations de banquiers de Goldman Sachs dans des rôles clés de la nouvelle administration et une certaine perplexité parmi ceux qui espéraient un renouvellement radical.

Pourquoi, alors, avons-nous accueilli avec faveur la victoire de Donald Trump et avons-nous placé tant d'espoirs dans son mandat, s'il est lui aussi l'expression du même establishment? Et pourquoi, si Trump est lui aussi une marionnette du «Pouvoir», la campagne a-t-elle été si impitoyable et les risques d'une «révolution de couleur» aux États-Unis sont loin d'être écartés? [1]

Les réponses sont multiples:

¤ Trump est la réaction à un système international usé et en faillite, et c'est le meilleur que les États-Unis pouvaient aujourd'hui offrir ;
¤ Trump est l'expression d'une faction minoritaire de l'establishment, la plus nationaliste, conservatrice, 'realpolitiker' et hostile à la révolution mondiale permanente de l'establishment "liberal". Nous faisons allusion aux activités dans lesquelles excelle George Soros qui, sans surprise, soutenait la candidature d'Hillary Clinton: déstabilisation, changement de régime, interventions «humanitaires», terrorisme, migrations, etc. etc.;
¤ Trump introduit dans le système international un dynamisme remarquable qui, exploité de façon adéquate, peut permettre, en particulier en Europe, de «rapatrier» des doses massives de sa souveraineté politique et économique aux dépens des vieilles institutions atlantiques.
Ce sont les raisons pour lesquelles nous avons accueilli favorablement son élection, et pour lesquelles aussi nous sommes certains qu'il rencontrera de fortes résistances à l'intérieur et à l'extérieur des États-Unis.

Lors des élections du 8 Novembre, le «Pouvoir», autrement dit la finance cosmopolite, se divise en deux "cordées": la partie majoritaire (celle des liberal et des néocon, des gros "blindés" de l'information, des champions du réchauffement climatique, de la nouvelle économie, de la mondialisation, de l'Union européenne, de l'immigration aveugle, du terrorisme islamique, du confinement de la Russie à tout prix) se coagule autour d'Hillary Clinton; une partie minoritaire (qui, en substance, se sentait exclue par la première: droite américaine nationaliste et identitaire, faucons israéliens, pétroliers, Vieille Économie et promoteurs de la realpolitik en politique étrangère) se dirige vers Donald Trump .

La lutte entre les deux factions, il convient de le souligner, est réelle et le vote du 8 Novembre n'est pas une simple farce qui entérinera le candidat choisi autour d'une table: les objectifs des deux "cordées" sont profondément divergentes et les enjeux sont élevés, étant donné que sont en jeu des intérêts acquis depuis des décennies.

Le «Pouvoir», dans un certain sens, sera de toute façon gagnant: Goldman Sachs a en Hillary Clinton une alliée fidèle, mais en même temps prête à Donald Trump le directeur de sa campagne, l'ex-banquier Steve Bannon, fondateur du site Breibart, et son futur secrétaire au Trésor, l'ex-banquier Steven Mnuchin. Mais c'est un «Pouvoir» qui est traversé par des luttes intestines violentes, comme le montre la dureté de l'affrontement entre les deux factions opposées: la tension est si élevée que le côté des perdants, celui des liberal et de George Soros, se résignera difficilement à la gifle subie et essaiera par tous les moyens d'évincer Trump avant la fin de son mandat (révolution de couleur, campagnes diffamatoires, procédures d'impeachment, etc. , etc.).
Bref, on respire un air de "guerre civile", signal évident d'un empire qui se recroqueville sur lui-même.

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NDT:
(1) Cf: hildegardvonhessenamrhein...

à suivre