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Un archevêque très "border-line" (II)

Réaction de Riccardo Cascioli (avec quelques détails inédits) sur la fresque-boomerang commandée par Mgr Paglia pour sa cathédrale de Terni (8/3/2017)

>>> Cf. Un archevêque très "border line".
L'article a été repris sur le site Liberté Politique.

Une critique artistique intéressante à l'oeuvre de Ricardo Cinalli se trouve sur le site d'Alétéia (en italien), en septembre dernier. L'article est illustré de plusieurs images illustrant le propos (détails de la fresque de Terni et oeuvres de la Rennaissance italienne).
L'auteur du commentaire (un certain Gelsomino Del Guercio, critique d'art qui collabore à des sites aussi insoupçonnables que L'Espresso et Huffington Post) souligne que l'"artiste" a puisé aux sources de l'iconographie sacrée du XVe siècle italien (la référence au Jugement Dernier de Michel-Ange est évidente, mais il y a aussi Piero della Francesca), tout en l'adaptant à la culture gay selon une perspective New Age.

Michel-Ange, le Jugement Dernier (détail)

Sa critique porte essentiellement sur le fait que pour Cinalli, les hommes "sauvés" sont péchés dans une sorte de "filet à provision", mais la représentation suggère qu'ils le sont contre leur gré, que la grâce est "subie" alors que l'adhésion au Christ, condition nécessaire du salut, est absolument libre, et c'est le choix exclusif de l'homme, ce que met en évidence par exemple Michel-Ange dans son Jugement dernier qui montre des hommes s'aggripant au rosaire pour monter vers le Ciel (image ci-contre).
Disons que c'est le moindre des reproches que l'on puisse adresser à la scandaleuse fresque de Terni. Dont un autre élément de scandale réside dans le fait que la transparence obscène de son vêtement laisse percevoir l'intimité du Sauveur (un fait inédit - et clairement destiné à provoquer - dans l'iconographie sacrée, où la nudité du Christ n'est montrée que lorsqu'il est enfant).
L'article d'Alétéia propose une video de 9 mn, sur un fond musical, montrant en très gros plan les détails de la fresque, avec en particulier l'image scandaleuse de Mgr Paglia à demi-nu, enlaçant un homme lui-même à demi-nu. Une provocation qui risque de se révéler un authentique boomerang!
Le générique de fin du clip ne laisse d'ailleurs aucun doute que cela s'est fait à l'instigation de l'évêque lui-même.

Et Paglia monta au ciel avec les trans et les gay

Riccardo Cascioli
8 mars 2017
www.lanuovabq.it
Ma traduction

* * *

Une Résurrection blasphématoire? Peut-être. Une représentation homoérotique? C'est l'auteur qui le dit. A coup sûr, c'est une honte, artistique et théologique: l'un seulement parmi les ravages faits à Terni par Mgr Vincenzo Paglia dans les années de son épiscopat (2000-2012). Nous parlons de l'énorme fresque qui couvre l'ensemble de la contre-façade de la cathédrale Terni, peinte par l'artiste argentin gay Ricardo Cinalli il y a dix ans, mais que les médias et les réseaux sociaux ont «redécouverte» ces derniers jours.

La raison de la re-découverte est le résultat du scandale suscité par l'éloge public de Marco Pannella prononcé par Mgr Paglia à la présentation du livre présentant les derniers mois de la vie du leader radical. Déjà dans le passé, Mgr Paglia s'était distingué par des sorties pour le moins inopportune, d'abord en tant que président du Conseil pontifical pour la famille, et ces derniers temps comme Président de l'Académie pontificale pour la vie et chancelier de l'Institut Jean-Paul II pour la famille. Qu'en tant que représentant de deux institutions créées par saint Jean-Paul II pour lutter contre l'avortement et contrer les attaques sur la famille, il soit allé rendre hommage à quelqu'un qui a fait de l'attaque à la vie et la famille une raison de vivre, est intolérable.

Il y a eu plusieurs initiatives dans le monde pour exiger sa démission immédiate, mais certains sont même allés enquêter sur les activités passées de Mgr Paglia, et la fresque commandée pour la cathédrale de Terni a immédiatement émergé. Dans une antique cathédrale, refaite au XVIIe siècle sur un projet du Bernin, mais construit sur une église précédente dont l'origine remonte au VIe siècle, on a placé une résurrection post-moderne, dominée par la figure du Christ qui monte vers le ciel, tirant deux filets remplis de figures humaines nues ou à demi nue, avec plusieurs personnages homosexuels et trans.

Parmi eux, il y a même une représentation de Mgr Paglia (à la demande du commettant), nu lui aussi, dans une étreinte avec un pauvre qui le soulève (mais certains ont donné d'autres interprétations).

Pour augmenter encore plus l'indignation, il y a la vidéo que Repubblica.it a consacrée à l'œuvre il y a un an avec l'interview de l'auteur Cinalli, qui souligne le caractère homoérotique de l'oeuvre «le tout parfaitement accueilli et accepté par Paglia» qui a suivi pas à pas la réalisation de l'oeuvre avec le prêtre chargé de la culture [dans le diocèse], Don Fabio Leonardis, décédé en 2008. Don Fabio apparaît également nu dans un filet, avec d'autres personnages «à l'aspect érotique» mais Cinalli tient à préciser que «l'intention est érotique, non sexuelle». Ouf!

Une autre polémique a été suscitée par l'évidence des organes génitaux de Jésus qui transparaissent à travers le tissu qui le recouvre. Ce détail, explique Cinalli, a trouvé le consentement de l'évêque parce que - aurait-il dit - «Jésus est une personne, un être humain», et donc «on voit à travers le tissu que c'était un vrai homme». Un vrai génie, ce Paglia: on se demande pourquoi l'Église n'a jamais douté de la nature humaine de Jésus depuis deux mille ans sans avoir à recourir à certaines visions. A moins que Mgr Paglia ne pense que c'est là que réside l'essence même de l'humanité.

Mais pour autant que la polémique de ces jours-ci se concentre sur l'exaltation de la présence de gays et de trans dans le plan de salut de Dieu, la gravité de la peinture va bien plus loin que cela. Il y a en effet une vision de la résurrection qui se confond avec le Jugement dernier, mais cela n'a rien à voir avec ce que l'Évangile et la tradition de l'Église nous transmettent. Dans une œuvre sacrée, la liberté créatrice de l'artiste doit se conjuguer avec l'exactitude théologique, ce qui est ici très loin de la réalité.

Le même Jésus qui tire deux filets remplis d'être humains rappelle par certains aspects l'Homme-Araignée, mais l'explication qui donne Cinalli - cité dans un livre qui rassemble différents essais sur son oeuvre - est encore plus déconcertante: l'artiste voit en fait, «Jésus comme s'il allait faire son shopping. D'une certaine manière, c'est amusant, parce qu'en marchant dans les rues de Terni, j'ai vu des femmes sortir des magasins et porter des sacs remplis de marchandises, un dans chaque main, et j'ai pensé: c'est exactement ce que j'ai fait. Jésus va faire des emplettes pour les hommes au supermarché .... Le Christ avec deux sacs remplis de personnes».

Mais le pire est le sens théologique de l'œuvre. Il n'y a pas de joie, pas d'alégresse pour la victoire sur la mort: au mal qui domine le monde, Jésus (dont le visage est celui d'un coiffeur bien connu à Terni, avec lequel Cinalli était lié d'amitié) arrache les gens en les portant avec lui, mais sans que ceux-ci montrent un changement par rapport à la situation antérieure ou un sentiment de gratitude, ils continuent à faire ce qu'ils faisaient avant, y compris les actes sexuels, heureusement non explicites (c'est au moins cela).

Dans l'essai mentionné plus haut, don Fabio Leonardis dit que l'intention de Mgr Paglia «était de dénoncer tout le mal et tous les maux du monde d'aujourd'hui, pour dire à ceux qui entrent dans la cathédrale que Dieu aime et sauve tous». Qu'il aime et désire le salut de tous est un discours, mais que tous soient sauvés en est un autre. Et en effet, dans la peinture, la liberté de l'homme est évacuée, le Seigneur te sauvera même si tu ne le veux pas. Il n'y a pas d'enfer: tous les hommes, de toutes les couleurs et toutes les religions (il y a aussi des musulmans, des bouddhistes, etc.) sont destinés à monter vers la Jérusalem céleste, où Cinalli (avec Paglia) voit par ailleurs plus de minarets que d'églises .

Il est également surprenant de noter à quel point l'oeuvre voulue par Mgr Paglia anticipe de quelques années ce qui aujourd'hui est devenue la pensée dominante dans l'Église, comme l'avait à l'époque parfaitement résumé le critique d'art anglais John Russell Taylor: «Si cela est un jugement dernier, ce doit être un jugement sans condamnation! Indépendamment de la façon dont il a été entendu par Cinalli, il est clair que la représentation est en phase avec la théologie actuelle: une théologie qui regarde avec peu de faveur le Dieu vengeur de l'Ancien Testament, et préfère quelque chose ou quelqu'un de beaucoup moins enclin au jugement».
Mais n'est-ce pas Jésus qui a expliqué la division entre les élus et les damnés qu'il y aura le jour du jugement?