Benoit-et-moi 2017
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Une citation erronée

Dans son message pour la Journée des migrants et des réfugiés, François "convoque" Benoît XVI au profit de ses propres thèses, et lui fait dire... ce qu'il n'a jamais dit (23/8/2017)

Au moment où l'Italie doit faire face à un afflux sans précédent de migrants, et alors qu'un projet de loi - défendu par la gauche et le gouvernement de Gentiloni - de réforme du code de la nationalité, visant à l'adoption d'un droit du sol, fait l'objet d'âpres débats à l'Assemblée et et de vives controverses parmi la population, le Pape, dans son message annuel pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié de 2018, bien entendu unanimement salué par la gauche et donc par la quasi-totalité des médias, semble prendre clairement position du côté du "ius soli". Quoi qu'il en soit, et même si certains voient les choses autrement (comme La Bussola...mais le pape écrit bel et bien, ou fait écrire: Dans le respect du droit universel à une nationalité, celle-ci doit être reconnue et opportunément assurée à tous les enfants à la naissance), il s'invite dans le débat sans susciter la moindre critique de la part de ceux qui sont habituellement si sourcilleux dans la défense du principe de non-ingérence de l'Eglise - alors que lui-même, contre toute évidence, a toujours proclamé ne pas vouloir s'immiscer dans la politique. Il n'est donc pas étonnant que ses propos aient suscité beaucoup plus de réactions en Italie - où le sujet est brûlant et où les messages du Pape sont bien plus relayés qu'ici par les médias grand public - que chez nous (*), et qu'il ait trouvé un certain nombre de nos voisins particulièrement remontés.
Sur son blog, Marco Tosatti reproduit la lettre que lui a adressé l'un de ses invités désormais récurrents, "Pezzo Grosso" (alias "Gros Bonnet"), un mystérieux correspondant déjà présenté ici: Une lettre pour Marco Tosatti.
Celui-ci se trouvait en France pour des rencontres de travail avec des homologues transalpins également "pezzi grossi" au moment de la publication du document. Et il notait:

Il a paru évident à mes amis français que ces déclarations faites «sans reflechir» (en français dans le texte), étaient en quelque sorte «forcé» (idem). Il est clair qu'elles sont la preuve d'une grande faiblesse de ce pontificat forcé de dire des choses à lui imposées par ses «électeurs». Déclarations en effet trop incroyables, dommageables et erronées, pour avoir été conçues rationnellement ou même spirituellement pour le bien des êtres humains, comme il est déclaré.

J'avais décidé de ne pas parler de ce message, pour la raison très simple que je ne l'avais pas lu, et que je n'avais pas l'intention de le faire.
Mais il se trouve que François a appelé son «bien-aimé» prédécesseur à la rescousse (dans le but évident de se donner une légitimité à la fois savante et théologique), en citant indûment l'encyclique Carita in Veritate.

Ceci m'oblige donc à citer quelques passages du message de François:

Tout immigré qui frappe à notre porte est une occasion de rencontre avec Jésus Christ, qui s’identifie à l’étranger de toute époque accueilli ou rejeté (cf. Mt 25, 35.43). Le Seigneur confie à l’amour maternel de l’Église tout être humain contraint à quitter sa propre patrie à la recherche d’un avenir meilleur (Cf. Pie XII, Constitution apostolique Exsul Familia, 1er août 1952).
(..) À ce sujet, nous souhaitons réaffirmer que «notre réponse commune pourrait s’articuler autour de quatre verbes fondés sur les principes de la doctrine de l’Église: accueillir, protéger, promouvoir et intégrer».

En considérant la situation actuelle, accueillir signifie avant tout offrir aux migrants et aux réfugiés de plus grandes possibilités d’entrée sûre et légale dans les pays de destination. En ce sens, un engagement concret est souhaitable afin que soit étendu et simplifié l’octroi de visas humanitaires et pour le regroupement familial.
(..)
Le principe de la centralité de la personne humaine, fermement affirmé par mon bien-aimé prédécesseur Benoît XVI (Cf. Lettre encyclique Caritas in veritate, 47), nous oblige à toujours faire passer la sécurité personnelle avant la sécurité nationale.
(..)
Le deuxième verbe, protéger, se décline en toute une série d’actions pour la défense des droits et de la dignité des migrants ainsi que des réfugiés, indépendamment de leur statut migratoire (Cf. Benoît XVI, Lettre encyclique Caritas in veritate, 62).
Si elles sont reconnues et valorisées de manière appropriée, les capacités et les compétences des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés, représentent une vraie ressource pour les communautés qui les accueillent (Cf. Benoît XVI, Discours aux participants au 6ème Congrès mondial pour la pastorale des migrants et des réfugiés, 9 novembre 2009).
(...)

Voici ce qu'en dit Antonio Socci, reprenant un article plus détaillé paru dans la revue "Tempi" sous la signature de Luigi Amicone :

Le message bergoglien sur l'émigration de masse - qui risque de devenir le manifeste politique d'une sorte de «parti de l'invasion» - est un dérapage très grave pour le Saint-Siège
(..)
Bergoglio - comme cela lui arrive à chaque fois qu'il tente de donner une légitimité à certaines de ses thèses improbables - a évoqué dans son message l'encyclique de Benoît XVI, «Caritas in Veritate», pour opposer «sécurité personnelle» et «sécurité nationale», soutenant que la première doit «toujours précéder» la seconde.
Il écrit textuellement: «Le principe de la centralité de la personne humaine, fermement affirmé par mon bien-aimé prédécesseur Benoît XVI (Cf. Lettre encyclique Caritas in veritate, n. 47), nous oblige à toujours faire passer la sécurité personnelle avant la sécurité nationale»
Dans cet article (voir ICI) Luigi Amicone montre qu'il n'y a aucun passage dans l'encyclique de Benoît XVI, qui dise une chose pareille.
Au contraire. Dans un passage évoqué (n. 62), Benoît XVI écrit tout autre chose:

«Nous pouvons dire que nous nous trouvons face à un phénomène social caractéristique de notre époque, qui requiert une politique de coopération internationale forte et perspicace sur le long terme afin d’être pris en compte de manière adéquate. Une telle politique doit être développée en partant d’une étroite collaboration entre les pays d’origine des migrants et les pays où ils se rendent; elle doit s’accompagner de normes internationales adéquates, capables d’harmoniser les divers ordres législatifs, dans le but de sauvegarder les exigences et les droits des personnes et des familles émigrées et, en même temps, ceux des sociétés où arrivent ces mêmes émigrés» (Lettre encyclique Caritas in veritate, n.62).

Amicone commente:

«On comprend clairement [dans le message de François] que pour Benoît XVI, il n'y a pas de conflit entre les migrants et les "sociétés où arrivent ces émigrés". Tout au contraire. Il rappelle la perspective de sauvegarde à la fois les besoins et les droits des migrants et de leurs familles, et, ceux de la société d'accueil de ces mêmes migrants"».

J'ajoute à cela une autre citation de Benoît XVI qui (comme toute la doctrine sociale de l'église) va dans un sens diamétralement opposé à l'idéologie bergoglienne:

«Aujourd’hui la citoyenneté s’inscrit précisément dans le contexte de la mondialisation, qui se caractérise, entre autres, par les grands flux migratoires. Face à cette réalité, il faut savoir conjuguer solidarité et respect des lois, afin que la coexistence sociale ne soit pas bouleversée et que l’on tienne compte des principes du droit et de la tradition culturelle et également religieuse dont la nation italienne tire son origine». (Discours de Benoît XVI à l'Association Nationale des Communes d'Italie, 12 Mars 2011).

La prédication migrationiste obsessionnelle de Bergoglio, qui a eu une influence délétère sur les gouvernements italiens, lesquels se sont rendus devant la vague migratoire, va dans la direction diamétralement opposée à la préoccupation de Benoît XVI, qui est de défendre «la tradition culturelle et également religieuse» de la nation italienne.

NDR