Benoit-et-moi 2017
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Une joyeuse compagnie

La photo du général des jésuites en prière dans un temple bouddhiste suscite des réactions variées, allant du sarcasme à l'indignation, en passant par la remise en cause de la pratique jésuite du discernement. Cette attitude est celle du Père Scalese... (25/7/2017)

Pour l'humour, il y a Campari & de Maistre, qui dans son résumé hebdomadaire, se livre - entre autres choses - à une charge réjouissante contre les dernières extravagances de trois jésuites en particulier. C'est à ce site que j'ai emprunté le titre:

Le résumé du lundi. Une joyeuse compagnie

www.campariedemaistre.com
Lundi 24 juillet 2017
Francesco Filipazzi
Ma traduction

* * *

Les Pères Spadaro et Sosa

Le Père Sosa. Hôte régulier de nos rendez-vous hebdomadaires, si le général des jésuites n'existait pas, il faudrait l'inventer. Avec sa moustache espiègle, ses déclarations farfelues et ses actions hasardeuses, il a désormais conquis le cœur de tout le catholicisme traditionnel. A présent, nous l'aimons bien, et gare à celui qui nous le touche. Aujourd'hui, on parle de lui parce qu'il s'est fait prendre la main dans le sac. Il est allé prier avec les moines bouddhistes. Certains ont été déconcertés, d'autres voient le verre à moitié plein: au moins il se taisait!

Benoît sur Meisner. Dans les paroles de Benoît sur Meisner, à propos de l'Église qui sombre, plus d'un observateur (pas celui romain [L'Osservatore Romano, ndt], qui au lieu de parler de Sosa attaque les catholiques décents, heureusement, personne ne le lit) y avait lu une référence à la réalité actuelle. Bien sûr, quelqu'un s'est chargé de tout démentir, c'est l'habituel Mgr Gänswein - il sera bientôt mis à la tête d'un nouveau Dicastère des Démentis, qui semble désormais nécessaire.

Choeur de Ratisbonne. Pour rester en Allemagne, quelques heures après les déclarations ratzingeriennes sur Meisner, un désastre a explosé. La sempiternelle vieille histoire d'abus et de violence dans le choeur de Ratisbonne, dont le frère de Joseph Ratzinger a longtemps été le directeur, a déflagré dans les journaux, laissant entendre des accusations aussi contre Muller. Comme nous l'avons montré dans nos pages, mais comme d'autres l'ont également écrit, c'est toute une histoire montée exprès. Mais apparemment, l'alliance entre les hauts prélats progressistes et les médias laïques avait déjà préparé la bombe pour essayer de se débarrasser de Joseph Ratzinger. Il est surprenant de constater que parmi les hérauts de l'accusation il y a des gens comme Paolo Rodari; aujourd'hui à la Repubblica, qui connaît parfaitement ces stratégies, étant donné qu'il a écrit un livre sur le sujet avec Tornielli, à l'époque pour défendre Benoît lui-même. Comment l'on change pour ne pas mourir, en somme.

Cardinal Muller. Après le suppositoire de misericordine, le cardinal Muller garde malgré tout un profil bas. Il a accordé une interview digne de la Démocratie Chrétienne à Il Foglio, dans laquelle il nie obstinément toute opposition avec le Saint-Père et au sein de l'Eglise. S'il c'est lui qui le dit, nous le croyons, après tout, ce n'est pas nous qui nous sommes fait virer.

Campari & Martini. Revenons un instant aux jésuites, une indiscrétion est sortie, selon laquelle au conclave 2005 le Cardinal Martini a décidé de transmettre son influence sur Ratzinger, parce qu'il y avait un risque qu'un Bergoglio pape ruine l'image de l'ordre. Le pauvre. Qui sait ce qu'il dirait s'il voyait les pères Sosa, Spadaro et Martin avoir les honneurs des titres.

A propos de Spadaro. Le directeur de la Civiltà Cattolica a écrit un article dans lequel il dénonce une alliance fondamentaliste entre évangéliques et catholiques au nom de la vie. Peut-être aurait-il préféré une collaboration au nom de la mort? (...)

Père Martin. Ok, à la fin de l'année , nous enverrons un panettone [sorte de brioche traditionnelle de Noël] à la Compagnie de Jésus parce que ce résumé du lundi, c'est eux qui le tiennent à bout de bras. Mais il nous faut encore parler du Père Martin SJ, qui aurait dit: «si Jésus était ici aujourd'hui, il serait parmi les homosexuels.» Je suis convaincu que Martin veut nous dire quelque chose. Il reste à comprendre quoi.

Dans la même veine, mais bien plus féroce, il y a l'article de Maurizio Blondet (que je ne traduis pas, faute de temps, mais dont je recommande la lecture à ceux qui pratiquent l'italien) qui présente ses "félicitations" à l'ineffable général.

Et voici la réflexion du Père Scalese, qui exprime sa "tristesse" devant le déclin d'un ordre qui fut prestigieux:

Une méthode encore valide?

Père Giovanni Scalese CRSP
querculanus.blogspot.fr
24 juillet 2017
Ma traduction

* * *

Des flots d'encre ont coulé sur la photo qui montre le général de la Compagnie de Jésus, le Père Arturo Sosa, prier dans un temple bouddhiste. Qu'ajouter d'autre à à ce qui a été écrit? Mise à part une grande tristesse pour le déclin d'un ordre glorieux, auquel pour des rdifférents motifs je suis inextricablement lié, je pose une question: Comment est-ce possible? Comment est-il possible qu'un ordre religieux, que saint Ignace a voulu édifier sur les fondations solides des exercices spirituels, du silence, de la prière et du discernement, puisse arriver à ce point?

Il semblait qu'Ignace de Loyola avait trouvé une méthode infaillible, non seulement pour découvrir sa propre vocation, mais aussi pour lui rester fidèle. Et au contraire, en dépit de tous les exercices spirituels et du discernement pratiqués par les jésuites, nous sommes arrivés au bord de l'apostasie. Mais alors, la métode ignatienne n'était pas une méthode valide?

La méthode ignatienne des exercices spirituels a été et continue d'être tout à fait valide; mais elle ne peut pas être considéré comme autosuffisante. Elle ne démontre toute son efficacité que si elle est pratiquée au sein de la communion ecclésiale. La méthode ignatienne, isolée de ce contexte, montre toutes ses limites. La prière, abandonnée à elle-même, peut se transformer en «libre examen»: une interprétation personnelle et très discutable de la parole de Dieu. Seule la fidélité à la tradition des Pères, dont l'Eglise se fait garante, empêche à la méditation personnelle de déboucher sur le subjectivisme.

Du reste, il s'agit d'un aspect mis en évidence par les exercices spirituels eux-mêmes. Si Ignace a senti le besoin d'ajouter à son vademecum une série de dix-huit «Règles pour sentir avec l'Eglise», il doit y avoir une raison. La première d'entre elles dit:

Une fois mis de côté tout jugement propre, nous devons avoir l'âme disposée et prête à obéir en tout la vraie épouse du Christ notre Seigneur, qui est notre Sainte Mère l'Eglise hiérarchique (n. 353 [ cf. livres-mystiques.com]).

L'obéissance à l'Église est le contexte dans lequel les exercices spirituels peuvent être accomplis fructueusement sans courir le risque de tomber dans le subjectivisme. Pour les jésuites une telle fidélité à la «Sainte Mère l'Eglise hiérarchique» trouve son expression dans le vœu d'obéissance spéciale au Souverain Pontife. La soumission totale au Pape est ce qui a permis aux Jésuites, au fil des siècles, de toujours rester fidèles à leur vocation et a garanti l'efficacité de leur apostolat. Le Pape était l'intermédiaire qui les mettait en contact avec la tradition de l'Eglise. Une fois que ce lien a disparu, la Société s'est perdue. Pensant avoir une relation directe avec Dieu (rendue possible, selon eux, par la prière), les jésuites ont jugé inutile - et nuisible à la liberté de l'Esprit - la dépendance à l'égard du pape, et ont commencé à errer par les sentiers les plus disparates, chacun selon ce que lui suggérait l'«Esprit» à travers le discernement. Le résultat de cette émancipation est ... le Général de la Société qui prie dans un temple bouddhiste.

Avec l'actuel pontificat, il semblerait qu'il y ait eu une reprise de l'obéissance au Souverain Pontife. Lire à ce sujet ce qu'a dit le Père Sosa dans une récente interview: «Je rejoins ce que dit le pape François: on ne met pas en doute, on soumet au discernement... » (entretien avec Giuseppe Rusconi: Rossoporpora , 18 février 2017, [Le Pape noir: ainsi va l'Eglise sous François (II)]). Mais il s'agit d'une reprise tardive et inefficace. Oui, parce que dans l'intervalle, avec l'élévation d'un jésuite au pontificat suprême, celle-ci a changé d'apparence. Si auparavant le Pape nous mettait en contact avec la tradition des Pères, aujourd'hui le Pape, comme un bon jésuite, nous invite à discerner. Mais ce n'est pas la fonction du Pape dans l'Eglise. Pas parce qu'on ne doit pas faire de discernement, mais parce que ce n'est au Pape de nous le rappeler. Le Pape, tandis que nous faisons du discernement, devrait nous mettre face à ce que l'Église a toujours cru, et nous dire: Écoute aussi la voix de l'Esprit, mais rappelle-toi que le vrai Esprit ne le demandera jamais de sortir de l'alvéole de la tradition des Pères. Le premier critère d'un vrai discernement est l' obéissance à «notre sainte Mère l'Eglise hiérarchique».

Dans l'Eglise, chacun a son charisme. La confusion des rôles ne profite à personne. Si les jésuites cessent d'obéir au Pape, ils ne sont plus jésuites; si le Pape continue à faire le Jésuite, il n'est plus le Pape. Et cela avec un préjudice grave pour toute l'Eglise.