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Virage à l'Académie Pontificale pour la Vie

Sous l'impulsion du nouveau président, Mgr Paglia, protégé du Pape, on y efface toutes les traces de Jean-Paul II (23/1/2017).

En octobre dernier, Sandro Magister sur son blog "Settimo Cielo", sous le titre 'TREMBLEMENT DE TERRE À L'ACADÉMIE PONTIFICALE POUR LA VIE. AVEC L'ÉPURATION DES NON-ALIGNÉS' donnait déjà la nouvelle du changement de statut, et du virage qui devait en résulter, de l'Académie Pontificale pour la Vie dirigée par Mgr Paglia, critique insidieux de Benoît XVI et courtisan zélé de François qui venait de le nommer à ce poste (cf. benoit-et-moi.fr/2016).
Ce n'était encore qu'une annonce...
Il est désormais difficile, après la cascade de nouvelles qui se succèdent jour après jour en provenance du Vatican (et que les médias ignorent, ou minimisent ostensiblement) de persister à dire que ce n'est pas le Pape lui-même qui, à travers les hommes qu'il a nommés, est à l'origine de cette rupture avec les pontificats précédents.
Riccardo Cascioli titre son éditorial d'aujoud'hui "l'effet Paglia", mais c'est une simple antiphrase pour éviter de nommer le vrai responsable...

Effet Paglia:
à l'Académie pontificale pour la vie, on efface les traces de Saint Jean-Paul II

Riccardo Cascioli
23 janvier 2017
www.lanuovabq.it
Ma traduction

* * *

Tout était déjà organisé dans les moindres détails, mais le séminaire international du 2 Mars pour les trente ans de Donum Vitae, a été d'abord reporté, puis aujourd'hui annulé. Ce n'est que le dernier épisode en date qui illustre le démantèlement de l'Académie pontificale pour la vie, telle que le Pape Jean Paul II l'avait voulue en 1994 pour répondre à l'attaque du monde contre la vie et la dignité humaine. Il a suffi de quelques mois au nouveau président Mgr Vincenzo Paglia pour imposer un virage qui dénature l'Académie.

Ce dernier pas est emblématique. Le 22 février prochain on célèbrera le trentième annversaire de la promulgation de l'Instruction Donum Vitae, par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et approuvée par le Pape Jean-Paul II (voir ici une brève explication du document - en italien). Développement de l'encyclique de Paul VI Humanae Vitae (1968) - mise à jour avec les dernières découvertes scientifiques et les nouvelles possibilités offertes par la technologie - et fondement d'encycliques ultérieures, Donum Vitae est un jalon important dans la construction de cette «culture de la vie» à laquelle Jean-Paul II tenait énormément pour contrer ce qu'il qualifiait de «culture de mort», désormais majoritaire en Occident.

On pouvait s'attendre à ce que l'Académie pontificale pour la Vie voulût dédier à ce document un grand séminaire. Il était en effet prévu pour le 2 Mars, sous le titre “Technology and Human Generation”, avec un programme déjà défini depuis longtemps. Et puis à l'improviste, avant Noël, il a été reporté sous prétexte du «récent renouvellement du statut de l'Académie» et de certaines «questions d'organisation connexes» non précisées (l'avis est toujours sur le site www.academiavita.org).

Les optimistes pensaient que le report suivait celui de l'assemblée générale de l'Académie, déplacé en Juin pour laisser le temps d'effectuer les nouvelles nominations. C'était une illusion, le véritable objectif était de faire exploser tout, le thème et l'approche pro-vie qui caractérisaient le «workshop» ne sont pas les bienvenus pour la nouvelle présidence.

Ainsi, sans le faire savoir publiquement, le 13 Janvier, les modérateurs des différentes sessions du Séminaire ont reçu une lettre dans laquelle le chancelier de l'Académie, Mgr Renzo Pegoraro, annonçait l'annulation définitive du séminaire, en des termes qui montrent que le vrai problème est qu'on préfère éviter le sujet. Devent se justifier, Mgr Pegoraro affirme en effet d'une part que la nomination des nouveaux membres de l'Académie «prendra un certain temps»: «Nous ne serons en mesure de fixer le séminaire qu'après que le processus sera mené à son terme», dit-il. Mais c'est là qu'arrive la véritable explication: «De même, dans la programmation du nouveau séminaire, nous devrons tenir compte de la nouvelle direction et les nouveaux défis de l'Académie».

En d'autres termes, oubliez de vous concentrer encore sur la fécondation artificielle, la maternité de substitution, et des choses de ce genre. La musique a changé et les études de l' Académie sont vouées à changer d'orientation. Mgr Paglia, en effet, a montré à plusieurs reprises qu'il se sentait trop à l'étroit dans le Magistère catholique, réaffirmé à la fois dans Humanae Vitae et dans Donum Vitae, auxquelles renvoient également l'encyclique Evangelium Vitae (1995) et l'Instruction Dignitas Personae (2008).

La confirmation de la relation essentielle et contraignante entre la signification unitive [ndt: dans le sens "qui tend à unir"] et procréatrice de l'acte conjugal est le fondement qui porte à la condamnation de la contraception d'une part et de la fécondation in vitro de l'autre. Il semble que dans le nouveau cours de l'Église même celles-ci soient devenues des murs à abattre, si bien qu'en tant que président du Conseil pontifical pour la famille, Mgr Paglia a fait appel au théologien moraliste milanais don Maurizio Chiodi, résolument plus libéral sur le sujet, pour donner des conférences et dicter les lignes théologiques et morales aux membres du Conseil. Il y a lourd à parier que don Chiodi sera l'un des appelés dans la nouvelle Académie pour la vie.

Et en effet, pour pouvoir changer la musique plus rapidement, Mgr Paglia met aussi la main aux musiciens. Le nouveau statut de l'Académie pour la vie, en vigueur depuis le 1er Janvier dernier, prévoit un important remaniement parmi les membres ordinaires: plus de nominations à vie d'experts, basées sur des compétences universitaires et scientifiques objectives conjuguées au dévouement sincère en faveur de la la vie, mais des nominations de cinq ans qui peuvent être renouvelées. La disposition a un effet rétroactif, de sorte qu'on peut déjà parier que dans les prochains mois, nous allons assister à la «retraite» d'experts totalement en phase avec Donum Vitae (pour faire court), et à l'entrée de nouveaux membres déterminés à dépasser la leçon de saint Jean-Paul II. Ce n'est pas pour rien que le nouveau statut a beaucoup atténué la nécessité d'une vision en phase avec la doctrine de l'Église pour pouvoir entrer à l'Académie: pour les membres ordinaires, on a éliminé l'obligation de souscrire l'«Attestation des serviteurs de la vie» et la Congrégation pour la doctrine de la foi disparaît en tant qu'organisme vatican de coopération avec l'Académie.

Pour mieux se rendre compte de la portée de la volte-face, il faut se rappeler que l'Instruction Donum Vitae, à l'instar de ce qui s'est passé avec Humanae Vitae, a provoqué de nombreuses réactions négatives de la part de quelques scientifiques et experts catholiques déjà engagés dans la recherche sur les techniques de procréation, considérées par la doctrine de l'Église comme moralement illicites. Ainsi, il y a également eu plusieurs épisodes de rébellion ouverte, avec des universités et des hôpitaux catholiques qui ont continué sur leur chemin. La situation était devenue telle que presque deux ans après la promulgation de Donum Vitae, le 21 décembre 1988, l'Osservatore Romano intervenait avec une note (ndt: non traduite en français) pour réaffirmer que l'instruction en question a une valeur doctrinale parce que «sur la dignité de la personne, la valeur de la vie humaine et la noblesse de l'amour conjugal», elle propose un enseignement qui «apparaît absolument essentiel pour la réalisation de la mission salvifique de l'Eglise».

Aujourd'hui, avec Paglia à la tête de l'Académie, il est facile de prévoir un déplacement graduel vers les positions des cliniques universitaires catholiques rebelles. Déplacement qui passe aussi par la relativisation du problème: c'est le même Mgr Paglia qui a expliqué que l'Académie pontificale pour la Vie est appelée à élargir ses horizons. On ne parlera plus en priorité de l'origine de la vie, une question qui était chère à Jea-Paul II, mais de «tout ce qui concerne la personne humaine, dans les différents âges de la vie, dans le respect entre genres et générations, dans la défense de la personne humaine, dans la promotion de la qualité de la vie, qui intègre "la valeur matérielle et spirituelle"». A noter également l'introduction d'une nouvelle terminologie, comme "genres", beaucoup plus conforme à l'esprit du monde.

Quoi qu'il en soit, il est clair que le but est de supprimer toute trace de l'enseignement et de l'action de saint Jean-Paul II.