Benoit-et-moi 2017
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Les confidences d'un ami

A l'occasion du 90e anniversaire de Benoît XVI, l'hebdomadaire "Famiglia Cristiana" publie le témoignage très émouvant de l'ex-directeur des éditions San Paolo. Un beau cadeau - aussi pour nous! (14/4/2017)

Don Antonio Tarza avec Benoît XVI le 23 mars 2017

Le Pape Benoît vu de près

13 avril 2017
Antonio Tarzia
www.famigliacristiana.it
Ma traduction

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Don Antonio Tarzia, ancien directeur des Editions San Paolo, révèle des épisodes inédits sur le pape émérite avec qui il a une vieille relation de collaboration et d'amitié.

Quatre-vingt dix ans de grâce, quatre-vingt dix ans de témoignage chrétien, et une vie vécue au service de la communauté et l'Eglise. Parmi les dons exceptionnels que ses amis et ses plus proches collaborateurs attribuent à l'homme Joseph Ratzinger, nous trouvons toujours la parfaite lucidité mentale, l'impressionnante capacité de synthèse et la charité vécue dans la vie quotidienne. Parmi les Béatitudes de Matthieu (5,3-10) celles dont il témoigne le plus sont: bienheureux les doux, bienheureux les cœurs purs, et bienheureux les artisans de paix. Je peux l'attester personnellement, ayant l'honneur de le connaître depuis plus de trente ans et d'avoir longtemps collaboré avec lui quand, encore cardinal, Ratzinger devint l'un des principaux et des plus respectés auteurs des Editions San Paolo, qu'à l'époque je dirigeais.

De sa douceur, je me souviens de son embarras à la présentation de son livre Entretiens sur la Foi, publié par les Editions San Paolo en 1985. Le livre était un dialogue avec le journaliste Vittorio Messori à l'époque éditeur de [la revue] Jésus , et ce fut un grand succès d'édition. Nous avions organisé avec Mgr Josef Clemens, secrétaire de Ratzinger, devenu par la suite évêque et secrétaire du Conseil pontifical pour les Laïcs, la rencontre avec les journalistes, les photographes et le public au Palais des congrès Augustinianum à Rome. La pièce comble, même même dans la partie supérieure, comptait de nombreux évêques et plusieurs cardinaux. Non invité, précédé de motards en uniforme, on vit même arriver Oscar Luigi Scalfaro, le ministre de l'Intérieur. Saluant avec un humour affable, il dit: «Il m'a été signalé par les forces de l'ordre qu'il y avait ici un rassemblement d'évêques et decardinaux. Je voulais m'assurer personnellement que ce n'était pas un conclave ....». Le cardinal Ratzinger souriait, serrait les main et saluait, mal à l'aise, pensant que tout cela était exagéré.

LA «PROPHÉTIE» DES ENFANTS
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Sa timidité apparut évidente quelques années plus tard à Anacapri où nous étions allés recevoir le prestigieux Premio San Michele. Sur la place Boffe, par un matin ensoleillé, deux enfants jouaient à se poursuivre quand la plus petite vit arriver un groupe de personnes et parmi elles le cardinal en habit [bordé de] rouge, avec une croix pectorale et la ceinture écarlate. «Qui est-ce, qui est-ce?» demanda-t-elle mettant sa main à sa bouche. «C'est le pape, c'est le pape!» cria son cousin plus grand, et amusés, peut-être apeurés, ils s'enfuirent en courant dans les ruelles. Il m'est venu à l'esprit le Psaume 8: «Seigneur, comme ton nom est magnifique sur toute la terre! Avec la bouche des enfants et des nourrissons .... ». Le cardinal rougit, et mal à l'aise, il essaya de changer de sujet. Mais dans le petit groupe d'amis (il y avait l'écrivain Marco Roncalli, neveu de Jean XXIII, la journaliste Donatella Trotta du Mattino, Mgr Clemens et Raffaele Vacca, le «parrain» du prix) commença un débat, concluant que si la prophétie était avérée, le professeur Vacca serait obligé de mettre sur le mur une plaque commémorant l'événement. Ce qui arriva en 2006, un an après l'élection comme Souverain Pontife: le maire entouré d'une foule d'anacapriens orna pour l'éternité la place Boffe d'une plaque commémorative perpétuelle.

AMI DE "SAN PAOLO"
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Pendant plus de 20 ans, entre l'éditeur San Paolo et le Cardinal se consolida une association: chaque année un nouveau livre à mettre en librairie et à porter à la Foire de Francfort, la Buchmesse. Parmi ceux-ci, nous publiâmes de nombreuses conférences officielles prononcées à travers le monde, et les homélies que le cardinal Ratzinger faisaient tous les jeudis à la messe célébrée pendant des années à Santa Maria della Pietà, au Collège teutonique. Son écriture minuscule en allemand parfait était toujours claire et profonde, documentée et tournée vers un avenir de paix et de sainteté chrétienne. Tous ces livres furent traduits en plusieurs langues, certains dans un nombre incroyable d'idiomes: Entretiens sur la foi dans plus de 15 et Ma Vie, publié en 1997, au moins 45. Les droits d'auteur étaient versées chaque année à des organismes de bienfaisance et des institutions caritatives, missions, orphelinats et couvents en Europe de l'Est. Le cardinal Ratzinger me disait: «N'oubliez sutout pas de payer les taxes (impôts)». Une année seulement, il ne me remit pas le volume convenu. Il dit qu'il devait faire petit sacrifice parce que, comme préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, il avait demandé le silence pendant 12 mois à un prêtre, et dans le voeu, il demandait que celui-ci eût la force d'obéir dans l'amour et la sincérité. Ce prêtre était le théologien brésilien Leonardo Boff, un représentant de la théologie de la libération.

DE L'ORANGEADE À TABLE
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En 1992 , j'étais avec le cardinal Ratzinger à Bassano del Grappa pour recevoir le Prix international Médaille d'or du mérite de la culture catholique. Le Dr Enrico Scalco, président du Prix, fit don au cardinal, conformément aux statuts, en plus de la médaille, d'une caisse de bouteilles de grappa avec une étiquette personnalisée. Avec un sourire de complicité, en acceptant le cadeau, le cardinal s'esquiva en disant: «Je le partagerai avec mes collaborateurs parce que je ne bois pas d'alcool fort. Mais je crois que la grappa de Bassano est très bonne». Nous savions tous qu'à table, il buvait uniquement de l'orangeade amère, du jus d'orange ou du thé, et seulement pendant les dîners officiels, il goûtait une gorgée de vin ou de bière.

On connaît la passion du Pape émérite pour les chats. Je me souviens que, dans la maison familiale en Allemagne il y en a deux. Un en bronze, avec les oreilles dressées, sur un piédestal dans le jardin, à côté de la fontaine-monument représentant la Vierge Marie et le «bateau de l'Eglise» avec trois «navigateurs» également en bronze: «Ce ne sont pas les apôtres», m'a expliqué sa sœur Maria, «mais les frères Ratzinger: moi, Georg et Joseph. C'est un cadeau d'une amie artiste Cristina Stadler». L'autre chat (en céramique blanche) est dans la maison et garde le piano sur lequel le cardinal se détend de temps en temps en jouant des hymnes liturgiques ou des morceaux classiques de Beethoven ou Mozart. Un jour, au retour de la messe, le cardinal posa sa calotte sur la tête du chat au long cou et ce fut assez pour lui gagner le titre affectueux de «Son Eminence le chat blanc».

LA RENCONTRE AU VATICAN
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Ma dernière rencontre avec Sa Sainteté remonte au 23 Mars 2017. Je lui ai rendu visite au Vatican dans le monastère Mater Ecclesiae où il passe les journées à l'écoute de la parole de Dieu et en prière d'action de grâce et de supplique pour l'Eglise et l'humanité. Après une petite heure de conversation affectueuse sur l'onde des souvenirs, sur l'actualité et les perspectives pour l'avenir, en me salutant, il m'a dit: «Et maintenant , quand viendrez-vous me voir?». Quand vous voudrez, Sainteté. Vous me faites appeler et je viens. Certainement, je demanderai une audience dans deux ans, pour une bénédiction spéciale». «Dans deux ans ... Je ne sais pas si je serai là», l'ai-je entendu murmurer, et il m'a semblé qu'il fermait les yeux. «Sainteté, dans deux ans, cela fera 50 ans que je dis la messe et j'ai besoin d'une bénédiction spéciale». Le visage rasséréné, avec un sourire et beaucoup de tendresse, il m'a dit: «Cinquante ans de sacerdoce ... alors j'attendrai!». J'ai baisé ses mains que je tenais entre les miennes et je suis sorti du monastère ému et heureux.

A présent, Sainteté, je voudrais vous souhaiter pour votre 90e anniversaire, selon la belle tradition juive: «Puissiez-vous vivre 120 ans comme Moïse», dépassant - ai-je ajouté - l'âge de Léon XIII, le Pape à la plus grande longévité de l'histoire, retourné à la maison du Père à l'âge de 93 ans. Tous mes voeux, Sainteté!