Benoit-et-moi 2017
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Quand Benoît XVI se couvrait la tête de cendres

Evoquant la symbolique des Cendres, Aldo Maria Valli se souvient de la lettre que Benoît XVI avait écrite en 2009 pour clarifier les "doutes" qu'aurait pu faire naître l'affaire Williamson (7/3/2017)

C'est une occasion pour relire cette magnifique lettre: w2.vatican.va

Le 21 janvier 2009, le Saint-Père publiait le décret de levée d'excommunication des 4 évêques lefebvristes.
Deux jours plus tard, le 23 janvier, relayée en particulier par la presse "catholique" à la française (au premier rang, "La Vie" - bien moins "papiste" à cette époque qu'aujourd'hui - à l'origine d'une mémorable pétition "Pas de négationiste dans L'Eglise"), la "bombe Williamson" explosait. Devait s'ensuivre un harcèlement médiatique d'une violence inouïe contre le Pape, encore inédit à ce moment, mais qui devait malheureusement être suivi par d'autres campagnes non moins violentes jusqu'à l'issue fatidique de février 2013. A l'époque, c'est l'ensemble de la catholicité progressiste (sans parler des médias laïcistes, vent debout contre le Saint-Père) qui exprimait ses "dubbia", menaces à l'appui! Et les soutiens au Pape étaient aussi rares que discrets. Autres temps...

Le 10 mars suivant, Benoît XVI publiait une "Lettre aux évêques de l’église catholique au sujet de la levée de l'excommunication des quatre évêques consacrés par Mgr Lefebvre", à laquelle mon site avait consacré une série d'articles regroupés ici: benoit-et-moi.fr/2009-I .

C'est de cette lettre qu'Aldo Maria Valli fait le coeur de la deuxième partie de sa réflexion à propos des cendres (la première partie était consacrée au geste "courageux" de Carol Monaghan, députée du Scottish National Party - centre gauche - et porte-parole de son parti, paraissant à la télévision avec au front la croix de cendre qu'elle venait de recevoir lors de la célébration du Mercredi des Cendres. Il suffit en effet d'imaginer ce qui se serait passé si un tel fait s'était passé chez nous!!!).
Notons (c'est moi qui le dis) que confronté à la possibilité que ses paroles ou ses actes puissent être mal interprétés par les fidèles, le saint-Père n'a pas hésité, non seulement à se remettre personnellement en cause, mais à clarifier leurs "dubbia" en s'adressant directement à eux - à travers leurs pasteurs - dans une lettre au ton entièrement personnel, ne devant à l'évidence rien aux bureaux de la Curie! Un exemple dont le Pape actuel serait bien avisé de s'inspirer

Quand Ratzinger se couvrait la tête de cendres

www.aldomariavalli.it
6 mars 2017
Ma traduction

* * *
A propos des cendres, par une association d'idées, il m'est revenu à l'esprit la lettre que le pape Benoît XVI ressentit le besoin d'écrire aux évêques du monde entier durant le Carême, il y a huit ans, le 10 Mars 2009, à un moment sous beaucoup d'aspects dramatique de l'Eglise catholique.

Dans ce cas, ce fut vraiment comme si le pape Ratzinger se couvrait la tête de cendres.

Je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais sa décision de lever l'excommunication des quatre évêques consacrés en 1988 par Mgr Marcel Lefebvre, un geste qui voulait être une main tendue et un signe de réconciliation, déchaîna un tollé, accompagné de polémiques acerbes et sous de nombreux aspects inédites. Beaucoup contestèrent l'opportunité de la décision papale, d'autres parlèrent d'un retour en arrière injustifiable par rapport à Vatican II.

Surtout, l'un des quatre évêques traditionalistes, Mgr Williamson, au même moment, dans une interview, fit des déclarations négationistes, évidemment très mal prises par les Juifs. Le pape se vit alors contraint d'écrire une lettre aux pasteurs pour clarifier le sens de sa décision et, admettant ses erreurs et celles de la Curie (ne pas s'être aperçu des déclarations du Williamson, disponibles par une simple recherche sur Internet), il parla d'«incident fâcheux» et dit qu'une autre erreur, source de profond regret, avait été de ne pas avoir suffisamment expliqué la portée et les limites de la levée de l'excommunication.

Le pape théologien, par beaucoup décrit comme dur et intransigeant, apparut en ces instants dans toute son humilité et, je dirais, dans sa fragilité, et réellement, cette lettre aux évêques avait l'aspect et le ton d'une sorte de rite pénitentiel, comme de se répandre des cendres sur la tête.

Cependant, Benoît ne renonça pas à réaffirmer avec une clarté cristalline les objectifs de sa mission et il écrivit: «Conduire les hommes vers Dieu, vers le Dieu qui parle dans la Bible: c’est la priorité suprême et fondamentale de l’Église et du Successeur de Pierre aujourd’hui. D’où découle, comme conséquence logique, que nous devons avoir à cœur l’unité des croyants. En effet, leur discorde, leur opposition interne met en doute la crédibilité de ce qu’ils disent de Dieu».

Puis il cita Paul (Gal 5, 13-15): «Que cette liberté ne soit pas un prétexte pour satisfaire votre égoïsme; au contraire mettez-vous, par amour, au service les uns des autres. Car toute la Loi atteint sa perfection dans un seul commandement, et le voici: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde: vous allez vous détruire les uns les autres!» Des mots d'une grande actualité.

Puissions-nous ne pas enlever trop vite les cendres qui nous ont été mises sur la tête ou sur le front, en ce carême 2017!

Aldo Maria Valli