Benoit-et-moi 2017
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Un inédit de Benoît XVI

Ecrite à Mater Ecclesiae, la préface au volume XI des Opera Omnia, consacré à la liturgie. Un pont entre l'Orient et l'Occident, un chemin vers l'oecuménisme (18/4/2017)

Cest le blog de Father Z qui m'a conduite à ce texte publié avant-hier dans Il Corriere della Sera, introduit par un bel article du vaticaniste "maison" Gian Guido Vecchi.


«Pour les hommes d'aujourd'hui, Dieu a perdu la primauté»
«Si le Seigneur n'est plus important, les critères pour établir ce qui est important se déplacent. L'homme, ainsi, se soumet à des contraintes qui le rendent esclave»
(Benoît XVI)


Nihil Operi Dei praeponatur
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Que rien ne soit placé avant le Culte Divin. Avec ces mots, saint Benoît, dans sa Règle (43,3), a établi la priorité absolu du culte divin sur toute autre tâche de la vie monastique. Cela, même dans la vie monastique, n'était pas immédiatement acquis parce que pour les moines, le travail dans l' agriculture et la science était aussi une tâche essentielle.
Tant dans l'agriculture, que dans l'artisanat et le travail de formation, il pouvait certes exister des situations d'urgence temporelle qui pouvaient apparaître plus importantes que la liturgie. Face à tout cela, Benoît, avec la priorité accordée à la liturgie, met clairement en relief la priorité de Dieu dans notre vie: «À l'heure de l'Office divin, dès qu'on entend le signal, qu'on accourt avec la plus grande sollicitude» (43,1).

Dans la conscience des hommes aujourd'hui les choses de Dieu et avec elles la liturgie ne semblent absolument pas urgentes. Il y a urgence pour toutes les choses possibles. La chose que Dieu ne semble jamais être urgente. Maintenant, on pourrait affirmer que la vie monastique est dans tous les cas quelque chose différent de la vie des hommes dans le monde, ce qui est certainement juste. Et pourtant, la priorité de Dieu, que nous avons oubliée, vaut pour tous. Si Dieu n'est plus important, les critères pour établir ce qui est important se déplacent. L'homme, en mettant Dieu de côté, se soumet lui-même à des contraintes qui le rendent esclave de forces matérielles et qui sont ainsi opposées à sa dignité.
Dans les années qui ont suivi le Concile Vatican II, j'ai à nouveau pris conscience de la priorité de Dieu et de la Liturgie divine. Le malentendu de la réforme liturgique qui s'est largement répandu dans l'Eglise catholique, conduisit à mettre de plus en plus au premier plan l'aspect d'instruction, et de l'activité et la créativité de chacun. L'action des hommes fit presque oublier la présence de Dieu. Dans une telle situation , il devint de plus en plus clair que l'existence de l'Église vit de la célébration correcte de la liturgie et que l'Église est en danger quand la primauté de Dieu ne figure plus dans la liturgie et donc dans la vie. La cause la plus profonde de la crise qui a secoué l'Eglise réside dans l'occultation de la priorité de Dieu dans la liturgie. Tout cela m'a amené à me consacrer au thème de la liturgie plus largement que par le passé parce que je savais que le vrai renouveau de la liturgie est une condition fondamentale pour le renouveau de l'Eglise. C'est sur la base de cette conviction que sont sont nées les études qui sont recueillies dans ce volume XI des Opera omnia. Mais au fond, malgré toutes les différences, l'essence de la liturgie en Orient et en Occident est une seule et même. Et ainsi, j'espère que ce livre pourra aussi aider les chrétiens de Russie à comprendre de manière nouvelle, et mieux, le grand don qui nous est offert dans la Sainte Liturgie .

Cité du Vatican, en la fête de saint Benoît,
11 Juillet 2015

(Traduction en italien de Pierluca Azzaro, copyright Libreria Editrice Vaticana)

Gian Guido Vecchi
Il Corriere della Sera
15 avril 2017
Ma traduction

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Le texte publié ici a été écrit par le Pape émérite Benoît XVI dans le monastère Mater Ecclesiae. Ce qui est déjà en soi un événement exceptionnel, comme l'occasion qui l'a motivé.
Aujourd'hui, Joseph Ratzinger célèbre ses 90 ans, justement le dimanche de Pâques. Par une combinaison très rare, cette année la date de Pâques est la même pour les catholiques et les orthodoxes. Comme cadeau spécial, le Pape émérite recevra un exemplaire du tome XI de ses Opera Omnia, «Théologie de la liturgie», traduit et publié en russe par le Patriarcat de Moscou. Une initiative préparée depuis longtemps - pour la traduction, supervisée par Olga Aspisova, il a fallu près de trois ans - qui se poursuivra avec la publication en russe de la trilogie sur Jésus de Nazareth. Tout cela grâce à la coopération scientifique et éditoriale entre la maison d'édition du Patriarcat de Moscou, la Libreria Editrice Vaticana, la Fondation Joseph Ratzinger et l'Académie Internationale «Sapientia et Scientia», fondée et présidé par (Mme) le professeur Giuseppina Cardillo Azzaro, et qui réunit des personnalités de la culture et la science «de l'Orient et de l'Occident de Europe» et des représentants de l'Eglise catholique et de celle orthodoxe.
La valeur œcuménique de l'initiative est évidente. Une occasion importante au point de convaincre le pape émérite d'écrire la préface de l'édition russe. Ce n'est pas un hasard si le texte porte la date du 11 Juillet 2015: la fête de saint Benoît, patron de l'Europe. Dans l'une des interventions centrales de son pontificat, le discours mémorable prononcé au Collège des Bernardins à Paris, le 12 Septembre 2008, Joseph Ratzinger avait expliqué comment le monachisme de saint Benoît avait sauvé le patrimoine de la pensée antique et façonné la culture européenne grâce à ces moines qui avaient pour objectif «quaerere Deum», chercher Dieu.
Dans un de ses livres les plus célèbres, l'Introduction au christianisme (Einführung in das Christentum, 1967), il rapportait la fable du clown et du village en flamme, narré par Søren Kierkegaard: le cirque qui prend feu, le clown envoyé pour appeler à l'aide le village voisin, les gens qui «rient aux larme » devant ses cris, le village et le cirque détruits par le feu. Ainsi, dans le texte écrit par le pape émérite pour l'édition russe du livre sur la liturgie, nous voyons la cohérence profonde de sa pensée: la préoccupation pour un monde dans lequel «la chose que Dieu ne semble jamais être urgente», pour l'Eglise «qui est en danger quand la primauté de Dieu ne figure plus dans la liturgie et donc dans la vie». C'est pour cela qu'on commence par le volume sur la liturgie.
«J'ai lu cette préface à des amis orthodoxes: "Elle est très forte", m'ont-ils dit, presque émus, on voit que nous sommes sur la même longueur d'onde», explique le professeur Pierluca Azzaro, responsable et traducteur de l'édition italienne des Opera omnia et président délégué de l'Académie «Sapientia et Scientia»: «Le très précieux pont que Joseph Ratzinger jette entre l'Orient et l'Occident concerne la liturgie: et il indique la voie, non pas vague et utopique, mais concrète et vivante d'un vrai chemin de renaissance qui voit catholiques et orthodoxes main dans la mains».