Benoit-et-moi 2017
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Un précieux texte inédit de Benoît XVI

Il avait préfacé en 2015 le volume XI de ses Opera Omnia en russe: "l'Église est en danger lorsque la primauté de Dieu n'apparaît plus dans la liturgie". Ma traduction en français (3/10/2017)

>>> Des nouvelles toutes fraîches de Benoît XVI
>>> Mise à jour (et réparation d'un oubli !!): Ce texte a déjà été publié en avril dernier, avec le beau commentaire de Gian Guido Vecchi (cf. Un inédit de Benoît XVI); la récente visite d'Hilarion à Mater Ecclesiae nous donne l'heureuse opportunité de le relire.

La préface de Benoît XVI au volume XI des Opera Omnia en russe

(3/10/17)
Le 25 septembre dernier, le Métropolite Hilarion de Volokolamsk, Président du Département pour les relations ecclésiastiques extérieures du Patriarcat de Moscou, présent à Rome pour une rencontre œcuménique, a remis au Pape François et au Pape émérite Benoît XVI un exemplaire du volume XI des Opera Omnia de Joseph Ratzinger, "Théologie de la liturgie", traduit et publié en russe pour les éditions du Patriarcat de Moscou. Cette initiative est le fruit d'une coopération scientifique et éditoriale formelle entre la Maison d'édition du Patriarcat de Moscou, l'Association internationale "Sofia: Idea Russa, Idea d'Europa", l'Académie internationale "Sapientia et Scientia", la Libreria editrice vaticana et la Fondation vaticane Joseph Ratzinger - Benoît XVI.
En accord avec le Métropolite, une présentation solennelle du volume sera organisée au printemps à Moscou à l'École théologique du Patriarcat, en concomitance avec la session d'été des travaux de l'Académie. L'initiative se poursuivra avec la publication en russe de la trilogie sur Jésus de Nazareth.
Nous publions la Préface écrite par le Pape émérite Benoît XVI pour le volume sur la Liturgie, dont le métropolite Hilarion a voulu être le coordonateur pour l'édition en russe.
(www.fondazioneratzinger.va)

Nihil Operi Dei praeponatur. Que rien ne prime sur le culte divin. Avec ces paroles, saint Benoît, dans sa Règle (43,3), a établi la priorité absolue du culte divin sur toute autre tâche de la vie monastique. Ceci, même dans la vie monastique, n'était pas évident car pour les moines, le travail dans l'agriculture et la science était aussi une tâche essentielle.

Tant dans l'agriculture que dans l'artisanat et dans le travail de formation, il pouvait bien sûr y avoir des urgences temporelles qui auraient pu apparaître plus importantes que la liturgie. Face à tout cela, Benoît, avec la priorité donnée à la liturgie, souligne sans équivoque la priorité de Dieu dans notre vie: "A l'heure de l'Office divin, dès que le signal est entendu, laissant tout ce qu'on a entre les mains, il faut accourir avec la plus grande diligence" (43.1).

Dans la conscience des hommes d'aujourd'hui, les choses de Dieu et avec elles la liturgie n'apparaissent absolument pas urgentes. Il y a urgence pour tout. La chose de Dieu ne semble jamais urgente. Maintenant, on pourrait affirmer que la vie monastique est dans tous les cas quelque chose de différent de la vie des hommes dans le monde, et c'est certainement vrai. Et pourtant, la priorité de Dieu que nous avons oubliée s'applique à tous. Si Dieu n'est plus important, les critères pour établir ce qui est important se déplacent. L'homme, en mettant Dieu de côté, se soumet à des contraintes qui l'asservissent à des forces matérielles et sont ainsi opposées à sa dignité.

Dans les années qui ont suivi le Concile Vatican II, j'ai pris à nouveau conscience de la priorité de Dieu et de la liturgie divine. Le malentendu de la réforme liturgique qui s'est largement répandue dans l'Église catholique a conduit à mettre de plus en plus au premier plan l'aspect de l'instruction, et de sa propre activité, sa propre créativité. Le "faire" des hommes nous a fait presque oublier la présence de Dieu. Dans une telle situation, il devient de plus en plus clair que l'existence de l'Église vit de la juste célébration de la liturgie et que l'Église est en danger lorsque la primauté de Dieu n'apparaît plus dans la liturgie et donc dans la vie. La cause la plus profonde de la crise qui a bouleversé l'Église est l'obscurcissement de la priorité de Dieu dans la liturgie. Tout cela m'a amené à me consacrer plus largement que par le passé au thème de la liturgie parce que je savais que le vrai renouveau de la liturgie est une condition fondamentale du renouveau de l'Église. Sur la base de cette conviction sont nées les études qui sont rassemblées dans le tome 11 des Opera omnia. Mais dans le fond, malgré toutes les différences, l'essence de la liturgie en Orient et en Occident est unique et identique. J'espère donc que ce livre aidera aussi les chrétiens de Russie à mieux comprendre, d'une manière nouvelle et meilleure, le grand don qui nous est fait dans la Sainte Liturgie.

Cité du Vatican, en la fête de Saint Benoît,
11 juillet 2015
Benoît XVI
(d'après la traduction en italien de Pierluca Azzaro)