Cours accéléré de préparation au mariage

Un mariage express célébré par le pape lui-même, en avion, lors de son périple en Amérique latine. Quelques questions de procédure... (19/1/2018)

Sans jouer les rabat-joie, il faut admettre que ce geste (peut-être moins spontané qu'on veut nous le faire croire, les "mariés" avaient semble-t-il préparé les alliances) est une trouvaille médiatique de plus. Le voyage du Pape au Chili et au Pérou se déroulait jusqu'à précédent dans l'indifférence générale (*) - ce qui est loin d'être une critique de ma part -, mais aujourd'hui, en passant de la rubrique "religion" à celle "people", il fait les gros titres.
Lorenzo Bertocchi souligne, sur le ton de l'humour, les problèmes posés par cette "mise en scène" - spontanée ou pas -, et le danger de banaliser ainsi un sacrement, en contradiction avec le droit canon, et même Amoris Laetitia, donnant ainsi à cette "infraction", volens nolens, valeur d'exemple. Sans compter que le Pape, en s'affranchissant ainsi des règles (comme il l'a déjà fait pour le lavement des pieds du jeudi saint), peut donner l'impression qu'il a le droit de tout faire... parce qu'il est le Pape!

Mariage célébré en vol, la dernière du Pape

Lorenzo Bertocchi
19 janvier 2018
www.lanuovabq.it
Ma traduction

* * *

On se souviendra toujours de la dernière étape du voyage apostolique du Pape au Chili, parce que pour la première fois dans l'histoire, un mariage a été célébré en plein vol, ou on pourrait même dire au vol, par un Pape. Dans l'avion qui transportait François de la capitale Santiago à Iquique, capitale de la région de Tarapacà, dans le nord du pays, le Pape a uni Carlos Ciuffardi, 41 ans, et Paula Podest Ruiz, 39 ans, respectivement steward et hôtesse de la compagnie Latam.

Mariés civilement depuis plus de dix ans, tous deux devaient se marier à l'église en 2010, mais leur paroisse a été détruite par le tremblement de terre et ils ont donc reporté le mariage. Carlos et Paula ont deux enfants et sans doute que durant ces ces huit années, ils n'ont pas trouvé d'autre occasion de s'unir par les liens du mariage devant un autel; ainsi, quand le Pape s'est approché pour la photo rituelle, ils lui ont demandé une bénédiction. François leur a demandé s'ils étaient mariés et ils ont répondu qu'ils n'étaient mariés que civilement.

«Et alors», a raconté le nouveau marié, «il nous a demandé: "Voulez-vous que je vous marie? Vous êtes sûrs?" Nous lui avons immédiatement répondu par l'affirmative. Puis il nous a dit qu'il fallait un témoin. Alors, j'ai tout de suite été en chercher un. Ainsi a commencé une petite cérémonie, là, sur place, nous nous nous sommes pris la main. Le Pape nous a ensuite demandé s'il y avait de l'amour dans notre mariage, si nous voulions continuer ainsi pour toute notre vie. Nous lui avons dit que oui, c'est ce que nous voulions. Il y a dix ans, nous nous sommes connus justement sur un avion. Et aujourd'hui encore, c'est notre vie».

Le mariage en vol a permis d'accélérer considérablement les temps de ces cours prénuptiaux auxquels l'exhortation apostolique Amoris laetitia consacre tout un chapitre. D'ailleurs, au §207 l'exhortation rappelle que dans les cours prénuptiaux «il ne s'agit pas de leur donner tout le Catéchisme, ni de les saturer avec trop d'arguments».

Ayant trouvé les témoins - le propriétaire de la compagnie aérienne Latam, Ignacio Cueto, et Mgr Mauricio Rueda, prélat colombien organisateur des voyages papaux - François a célébré le rite à 36 mille pieds d'altitude, dans les nuages. «Le mariage» aurait dit François selon les reportages journalistiques, «est le sacrement qui manque dans le monde, espérons que ce que vous avez fait inspire d'autres couples». L'acte de mariage a ensuite été établi sur une feuille standard A4.

Dans le mariage au vol, on ne sait pas comment ont été prises en compte les recommandations du droit canonique pour célébrer fructueusement le sacrement, comme se confesser et communier. Sur les «recherches nécessaires avant le mariage», prévues au canon 1067, on a probablement fait au plus court. Le canon 1068 n'a certaiment pas été suivi: «En danger de mort, si d'autres preuves ne peuvent être obtenues et à moins d'indices contraires, la déclaration des contractants, faite sous la foi du serment s'il y a lieu, qu'ils sont baptisés et qu'ils ne sont tenus par aucun empêchement, suffit». Même si en réalité, quand on voyage en avion, on ne sait jamais ce qui peut arriver.

«Le Pape», ont raconté les époux, «nous a ensuite demandé: "C'est toujours la dame qui commande, entre vous? Alors le mariage fonctionne parfaitement". Ce n'était pas du tout programmé. Le Pape s'est proposé et nous avons accepté. Penser qu'on a été mariés par le Pape, à bord d'un avion, c'est quelque chose d'incomparable, de merveilleux».

 

L'article s'achève sur des considérations plus sérieuses: malgré l'insistance obssesionnelle du pape sur le thème des migrants - un thème qui devrait pourtant plaire aux médias - on comprend qu'elle auraient du mal à trouver une place sur les premières pages des journaux, ou à faire l'ouverture du JT: c'est désormais la routine... Ce qui explique peut-être la nécéssité de mettre un peu de piment.

Une fois arrivé à Iquique, au nord du Chili, le Pape a célébré la messe au Campus Lobito, à vingt kilomètres au nord de la ville. Ce n'est pas précisément une foule qui l'attendait, les chroniques parlent de quelque 50 mille personnes, moins que prévu. Dans son homélie, François a rappelé que «l'Iquique est une "terre de rêves", une terre qui a su accueillir des gens de cultures et de peuples différents, des gens qui ont dû quitter leurs proches et partir». Pour continuer à être une terre qui reconnaît «le cri du peuple de Dieu, le cri des pauvres», il faut être attentifs: «Soyons attentifs», a-t-il dit, «à toutes les situations d'injustice et aux nouvelles formes d'exploitation qui exposent tant de frères et sœurs à perdre la joie de la fête. Soyons attentifs face à la précarité du travail qui détruit des vies et des familles. Soyons attentifs à ceux qui profitent de l'irrégularité de nombreux migrants, parce qu'ils ne connaissent pas la langue ou n'ont pas de papiers en règle. Soyons attentifs au fait que de nombreuses familles manquent d'un toit, de terre et de travail». C'est pourquoi nous devons nous engager, conclut le Pape, «et ensuite laissons Jésus accomplir le miracle».

NDT


(*) Le Pape n’attire pas les foules, au Chili. En témoigne la maigre affluence lors de la rencontre avec les jeunes du 17 janvier, au Chili.

Du temps de Benoît XVI (et pourtant, à chacun de ses voyages, l’affluence était de loin supérieure) le comptage (à la baisse) des présents était l’un des sports favoris des médias, commentaires désobligeants à l’appui (voir par exemple le cas du voyage au Brésil en 2007).

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