Dignité institutionnelle

Totalement à contre-courant, le P. Scalese revient avec humour sur le "lettergate" (23/3/2018)

 

Dignité institutionnelle


Père Giovanni Scalese CRSP
querculanus.blogspot.fr
23 mars 2018
Ma traduction

* * *

Il semblerait que le scandale du Lettergate se soit terminé par la démission (pas totalement convaincante) de Mgr Dario Viganò.
Durant l'affaire (en français dans le texte), j'ai regardé, entre amusement et affliction. Maintenant que l'histoire semble avoir atteint son épilogue, sans y revenir (cela a été fait plusieurs fois par d'autres et avec une grande compétence), je voudrais faire quelques rapides observations marginales.

1. Si c'est cela, les résultats de la grande réforme de la Curie entreprise il y a cinq ans... rendez-nous Ottaviani. Plaisanterie mise à part, ce qui s'est passé devrait faire réfléchir à l'opportunité de la centralisation actuelle du pouvoir. Qu'il y aût un besoin de coordination, c'est assez évident ; mais penser que les problèmes de la Curie se résolveraient par la création d'usines à gaz et la disparition de l'autonomie légitime, c'était, disons, d'une grande naïveté. La concentration de tous les médias (Radio Vatican, Osservatore Romano, Internet, LEV, Tipografia Vaticana) entre les mains d'une seule personne s'est révélée être une décision plutôt imprudente. De cette façon, l'erreur d'une personne finit par mettre tout le système en crise.

2. Ce qui s'est passé devrait aussi nous apprendre que, même si les temps changent, il y a certaines valeurs qui doivent rester inchangées. Nous vivons à une époque où ce qui compte, c'est l'image, l'efficacité et le succès, à atteindre à tout prix, sans être trop scrupuleux. Dans la gestion du pouvoir, le manque de scrupule, la bravade et le cynisme semblent être devenus la règle. Personnellement, j'ai toujours été d'avis que, pour gouverner efficacement, une pincée dabsence de scrupule est indispensable. L'important est de se rappeler que cette "pincée" a des limites, au-delà desquelles on flirte avec l'abus et l'arbitraire.

Malheureusement, on a l'impression que la tendance, qui est devenue courante dans la société, s'est également répandue dans l'Église. La classe dirigeante actuelle, souvent composée de jeunes monseigneurs ambitieux, semble suivre les traces des gestionnaires des affaires publiques d'aujourd'hui. Il faut dire que s'ils le font, c'est parce qu'il y en a qui les laissent faire. Le Pontife actuel, en ce sens, non seulement se montre très tolérant, mais souvent il ne donne pas un bon exemple. Dans l'interview donnée à la Civiltà Catolica (19 septembre 2013), le Pape François a dit : «Je peux dire que je suis un peu rusé (furbo), je sais manoeuvrer». Si nous ajoutons à la ruse naturelle les "restrictions mentales" apprises à l'école jésuite, nous comprenons que cela peut aboutir à des comportements qui ne sont pas toujours édifiants. La révélation, jamais démentie, de l'archevêque Bruno Forte sur la gestion du Synode sur la famille est restée célèbre : «Si nous parlons explicitement de communion avec les divorcés remariés, tu ne sais pas quel bazar ceux-là vont nous combiner. Alors n'en parlons pas directement, tu fais en sorte qu'il y ait les prémisses, ensuite, c'est moi qui tirerai les conclusions».
Avec de telles prémisses, il est évident que chacun se sent autorisé à faire mieux et plus.... L'histoire de la lettre devrait enseigner qu'il y a une limite à tout, au-delà de laquelle nos contemporains, même si dépourvus de malice qu'ils sont, se rebellent instinctivement et, à un certain point, vous obligent à reculer. C'est arrivé en Italie avec Renzi; maintenant cela arrive au Vatican avec Viganò.

Peut-être serait-il bon de redécouvrir certaines "vertus humaines", autrefois si recommandées (et aujourd'hui si négligées): corection, sérieux, honnêteté, sincérité, loyauté, fidélité à la parole donnée, respect des personnes, humilité de s'excuser, disponibilité à payer de sa personne, honneur, confidentialité, courtoisie, modestie, modestie, bonnes manières..... Beaucoup de gens pensent que ces vertus sont passées de mode; en réalité, elles continuent d'être indispensables si on veut vivre ensemble. Le Concile affirme à cet égard que sans elles «il ne peut y avoir de vraie vie chrétienne» (Apostolicam actuositatem, n. 4). A l'époque de Berlusconi président, on a inventé l'expression "dignité (decoro) institutionnelle", qui a vite fini au grenier après sa chute en disgrâce. Eh bien, peut-être serait-ce une bonne idée de la dépoussiérer et de le remettre en circulation, y compris dans le milieu ecclésiastique.

Tous droits réservés.
La reproduction, uniquement partielle, des articles de ce site doit mentionner le nom "Benoît et moi" et renvoyer à l'article d'origine par un lien.