La vérité sur l'Aquarius

Andrea Zambrano apporte la preuve qu'il s'agit d'une machination soigneusement préparée pour "tester" le nouveau gouvernement italien et embarrasser le leader de la Ligue ("raciste et xénophobe") et ministre de l'intérieur Matteo Salvini (12/6/2018)

 

Qui diffuse VRAIMENTdes fake news? C'est une question cruciale, au moment où la France s'apprête à légiférer, à travers un projet de loi “contre la manipulation de l'information”.

Contre le " gouvernement xénophobe ", le plan des reporters embedded


Andrea Zambrano
lanuovabq.it
12 juin 2018
Ma traduction

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Malgré les accusations qui pleuvent sur Salvini, aucun des 629 à bord d'Aquarius n'est en danger de mort. Comme le démontrent les reportages des journalistes embarqués sur le navire de l'ONG. Montés à bord avec la certitude de rencontrer de nombreuses vies à sauver. Avec un seul but qui démontre la préméditation du plan: raconter la première mission depuis «l'installation du gouvernement xénophobe».


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Personne n'est en danger de mort. Si l'un des migrants à bord de l'Aquarius l'était, la nouvelle ferait le tour du monde. Pour la simple raison que le bateau appartenant à l'ONG "SOS Mediterrannée" a également à son bord des personnes capables de se faire entendre dans les rédactions. Des journalistes. Des journalistes à bord, embedded, pourrait-on dire en empruntant une terminologie de guerre. Embauchés pour dire ce qui se passe à l'intérieur du navire, mais peut-être aussi quelque chose de plus.

Ils sont la preuve que le plan Aquarius a été préparé dans les moindres détails pour provoquer, disons les choses ainsi, une sorte de stress test chez le ministre Salvini qui, en réagissant, a déchiré le voile sur un système de taxis maritimes déguisé en aide humanitaire.

Rien n'est dû au hasard. Il va sans dire que si le bras de fer a été le premier banc d'essai pour la résistance du gouvernement naissant Conte, c'est aussi parce que l'opération Aquarius n'a pas commencé dimanche matin lorsque le ministre de l'Intérieur Matteo Salvini a bloqué le navire en route vers un port italien.

Tout a commencé deux jours plus tôt.

Vendredi 8 juin, la journaliste de Radio National España, Sara Alonso Esparza, poste sur son profil Twitter une carte postale de l'Etna vue du port de Catane. «Début de la mission à bord d'Aquarius. Nous appareillons de Sicile vers la zone SAR (Ricerca e soccorso, en anglais Search And Rescue, ndt) où nous arriverons probablement dimanche».

Elle n'est pas là pour faire un reportage touristique. Elle est là pour raconter. Avec elle, il y a deux autres journalistes, une espagnole et une correspondante américaine à Paris, plus un reporter photographe, lui aussi espagnol.

Comment se fait-il que le navire qui a droit aux gros titres, le navire qui crée un tel casse-tête au gouvernement, soit justement celui qui avait tous ces journalistes à bord bien avant le stop de Salvini? Pourquoi un groupe de journalistes d'importants journaux décide-t-il de prendre la mer à bord de l'Aquarius, sachant que le lendemain, il devra faire face à une urgence ?

Pour tester le gouvernement raciste la Ligue/Cinq Étoiles. Ce qui serait le droit/devoir normal d'information est couvert d'un voile d'ambiguïté si l'on pense que les journalistes ont bel et bien toutes les raisons au monde de raconter les faits, mais pourquoi l'ONG qui commande l'Aquarius a-t-elle profité de cette occasion pour embarquer des reporters, certaine que dans quelques heures tomberait sur une "pêche" très riche ?

Ce n'est pas un mystère, comme le dit candidement la collègue de Sara, Naiara Gallaraga, journaliste du quotidien espagnol El Pais. Dans la vidéo affichée sur Twitter, Sara Alonso est filmée sur le quai derrière le navire: «Nous sommes à Catane, en Sicile - dit-elle en faisant les présentations de l'Aquarius à ses lecteurs -. Nous appareillerons avec l'équipage dans la première mission de ce genre depuis qu'un gouvernement xénophobe, anti-migrant et populiste s'est installé en Italie. Nous vous raconterons dans les prochains jours».
En somme, le programme annoncé par la journaliste semble tout à fait respectable: quelques heures plus tard, dans la nuit du vendredi au samedi, elle immortalise romantiquement la côte sicilienne qui s'éloigne à la poupe tandis que le sillon blanc du navire s'allonge.

Dans les heures qui suivent, Sara Alonso poursuit avec le récit de la vie à bord et les opérations de sauvetage de trois embarcations à la dérive en précisant que tout est coordonné par le Centre de Coordination Maritime de Rome (ndt: twitter.com/SAlonsoEsparza). Le matin du 10 juin, la journaliste peut faire le point: «Après une nuit très intense et très dramatique, l'Aquarius navigue avec 629 migrants à bord: 229 venant de deux embarcations dont l'une brisée - 40 sauvés des eaux et 400 sauvés par d'autres navires marchands ou par la marine italienne et transférés à bord».

Le reportage montre donc que la Marine, une fois les naufragés chargés, les remet aux navires de l'ONG, qui peut ensuite faire route vers l'Italie pour "décharger" l'équipage.

Quelques heures plus tôt, sa collègue avait annoncé: «L'Aquarius arrive dans la zone SAR. Il semble que nous aurons du travail cette nuit. Il y a des naufragés dans l'immensité de la Méditerranée.

A bord, il y a aussi Anelise Borges, correspondante d'Euronews et de NBC en France. Elle aussi couvre les opérations de sauvetage et surveille la position du navire dans la Méditerranée.

Les trois femmes suivent la vie à l'intérieur du navire, rendant compte aussi de quelques moments heureux: des migrants s'embrassent pour avoir échappé au danger, des femmes chantent et dansent et d'autres sont filmées pendant la prière du matin. Mais à aucun moment, il n'apparaît de risque profond pour la santé physique des 629. Les fournitures sanitaires sont adéquates, de même que les vivres. Il n'y a pas de cas de danger imminent pour la vie des migrants. Et pourtant, les journaux et de nombreux politiques ont insisté lourdement sur le fait qu'avec cette décision, Salvini allait avoir de nombreux morts sur la conscience. Rien de tout cela n'émerge des reportages des seuls journalistes à bord. Tout au plus un peu de découragement à cause de la durée d'une opération qui aurait pris fin plus tôt avec un autre gouvernement. Mais, rapidement, l'équipage y remédie en montant la musique à plein volume.

Il semble que le sol italien soit le préféré et pour le faire comprendre, on utilise la peur. La journaliste, en effet, s'en sort à un certain moment avec un tweet étrange: «Rappelons par ailleurs que Valence est à 700 milles nautiques. L'arrivée serait retardée de quelques jours, et la nourriture manque». Et pourtant, quelques heures plus tard, la femme immortalise la préparation du repas pour les migrants, fourni par les bateaux d'autres ONG qui, entre-temps, sont venus en renfort.

Alors, où est le danger? Le risque pour la sécurité? Tout semble absolument routinier, à part le non de Salvini, et sauf que cette fois l'Aquarius n'accostera pas en Italie. Mais en Espagne, pays d'origine de deux des journalistes qui ont raconté toute l'opération en direct. Coïncidence ou destin ?

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