Le vrai-faux départ de Wuerl

et une lettre surréaliste du Pape (13/10/2018)

Beaucoup parmi ceux qui suivent l'actualité du Vatican se sont réjouis que le Pape se soit enfin décidé à "congédier" le cardinal Wuerl (78 ans). Sauf que... ce n'est peut-être pas un congé.
Sans doute n'avaient-ils pas lu la lettre que le pape a adressée à cette occasion à son «vénérable confrère, Donald William Wuerl, Archevêque de Washington».
Pour information, on trouvera en annexe ma traduction en français.
Nul doute que les Negri, Léonard, Burke, Müller et autres prélats congédiés expéditivement par le Pape, et sans un mot d'explication, sans parler des nombreux catholiques américains qui réclamaient la démission du cardinal (et même la justice civile!) apprécieront...

En attendant, lisons l'excellent article de Rorate Caeli qui résume bien et en peu de mots ce qu'il faut retenir de cette opération d'enfumage massif.

Wuerl I, Wuerl II, Wuerl III


rorate-caeli.blogspot.com/
12/10/2018
Ma traduction

* * *

Le pape François a accepté la démission du cardinal Donald Wuerl comme archevêque de Washington, près de trois ans après que Wuerl l'eût présentée pour ses 75 ans.

Loin d'un congé ou d'un licenciement, Wuerl et Francis ont réussi à transformer l'évènement en une fête de départ à la retraite. Dans la "belle lettre" du pape (mots de Wuerl ce matin dans un mail de 6h09 du matin sur la liste de diffusion) à l'archevêque sortant, Wuerl a reçu l'éloge de François :

«Vous avez suffisamment d'éléments pour "justifier" vos actes et distinguer ce que cela signifie de dissimuler des crimes ou de ne pas régler des problèmes, et de commettre des erreurs. Cependant, votre noblesse vous a conduit à ne pas choisir cette ligne de défense. J'en suis fier et je vous en remercie».


L'archidiocèse de Washington a créé une page d'hommage au cardinal Wuerl, soulignant toutes les réalisations de l'archevêque et défendant sa réputation. Il ne manque plus que la remise d'une montre en or lors d'un déjeuner pour célébrer une carrière aussi réussie avant la retraite.

Un détail intéressant dans l'évènement d'aujourd'hui: Wuerl reste responsable de l'archidiocèse de Washington. Ainsi, même après que sa démission ait été acceptée par François, il a été nommé administrateur apostolique de l'archidiocèse. À ceux qui ont déjà été congédiés, imaginez qu'on vous demande de rester jusqu'à ce que les vérifications et les formalités administratives soient réglées pour votre successeur. Ce n'était pas vraiment un licenciement; Don Wuerl contrôle toujours parfaitement sa mafia.

Enfin, rappelons que Wuerl est l'un des deux seuls membres américains de la Congrégation pour les évêques, l'organisme du Vatican chargé de choisir les nouveaux évêques qui seront nommés par le pape. Il y a lourd à parier que Wuerl a choisi son successeur. L'ensemble du processus a été orchestré, comme en témoigne l'interview amicale pré-arrangée, sur "America", bien sûr.

Wuerl I était l'archevêque de Washington. Wuerl II est l'administrateur apostolique de l'archidiocèse de Washington. Wuerl III sera le protégé de l'archevêque sortant, qui restera à la Congrégation pour les évêques. Telle est la réforme dans le pontificat de Bergoglio.

Peut-être l'avenir nous donnera-t-il tort, et un archevêque de Washington honnête et de tendance traditionnelle sera-t-il nommé par François. Le nouvel archevêque devra alors prendre les choses en main, y compris en appliquant le canon 915 pour les catholiques de l'archidiocèse déchiré de Washington (parmi lesquels les politiciens et les Jésuites) qui reçoivent la communion tout en étant ouvertement dissidents des enseignements fondamentaux de l'Église. Cela nécessiterait probablement de faire le ménage à la chancellerie, actuellement composée du sommet à la base d'acolytes de Wuerl.

Annexe


Lettre du Pape au cardinal Wuerl

A notre Vénérable Frère
le Cardinal Donald William Wuerl
Archevêque de Washington


Le 21 septembre, j'ai reçu votre requête d'accepter votre démission du gouvernement pastoral de l'archidiocèse de Washington.

Je suis conscient que cette demande repose sur deux piliers qui ont marqué et continuent à marquer votre ministère: chercher en toutes choses la plus grande gloire de Dieu et procurer le bien des personnes confiées à vos soins. Le berger sait que le bien-être et l'unité du peuple de Dieu sont des dons précieux que le Seigneur a implorés et pour lesquels il a donné sa vie. Il a payé un prix très élevé pour cette unité et notre mission est de veiller à ce que le peuple non seulement reste uni, mais devienne témoin de l'Évangile "afin qu'ils soient tous un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu'ils soient aussi en nous, afin que le monde croit que tu m'as envoyé" (Jn 17,21). C'est à partir de cet horizon que nous sommes continuellement invités à discerner toutes nos actions.

Je reconnais dans votre demande le cœur du pasteur qui, en élargissant sa vision pour reconnaître un plus grand bien qui peut profiter à tout le corps (cf. Exhortation apostolique Evangelii gaudium, 235), donne la priorité aux actions qui soutiennent, stimulent et font croître l'unité et la mission de l'Église au-dessus de toute division stérile semée par le père du mensonge qui, pour faire du mal au pasteur, ne veut que la dispersion du troupeau (cf. Mt 26, 31).

Vous avez suffisamment d'éléments pour "justifier" vos actions et faire la distinction entre ce que cela signifie de camoufler des crimes ou de ne pas traiter des problèmes, et de commettre des erreurs. Cependant, votre noblesse vous a conduit à ne pas choisir cette voie de défense. J'en suis fier et je vous en remercie.

De cette façon, vous indiquez clairement l'intention de faire passer le Projet de Dieu avant tout projet personnel, y compris ce qui pourrait être considéré comme bon pour l'Église. Votre renoncement est un signe de votre disponibilité et de votre docilité à l'Esprit qui continue à agir dans son Église.

En acceptant votre démission, je vous demande de rester Administrateur Apostolique de l'Archidiocèse jusqu'à la nomination de votre successeur.

Cher frère, je fais miennes les paroles de Ben Sira: «Vous qui craignez le Seigneur, ayez confiance en lui, et votre récompense ne saurait vous échapper» (2,8). Que la Vierge Marie vous protège de son manteau et que la force de l'Esprit Saint vous donne la grâce de savoir comment continuer à le servir en ce temps nouveau que le Seigneur vous donne.

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