Pas de printemps pour l'Église

En réalité, malgré la popularité (présumée) de François, les attaques contre l'Eglise n'ont jamais cessé, et l'hostilité contre elle reste intacte. La chronique hebdomadaire d'Andrea Gagliarducci (8/8/2018)

 

Après la démission de Benoît XVI et l'élection de son successeur, certains ont fait mine de croire (ou l'ont vraiment cru, naïvement) qu'enfin, c'en était fini de l'hostilité du monde contre l'Eglise, que la hache de guerre était enterrée et que s'ouvrait enfin une ère de bienveillance, ou au moins de respect envers ses croyances et de liberté pour les chrétiens. En réalité, il n'en est rien - il n'y a pas plus d'"effet Bergoglio" dans ce domaine que de retour, pourtant annoncé, des fidèles à l'église et de files d'attente devant les confessionnaux. De nombreux faits croisés, rassemblés ici par Andrea Gagliarducci sont là pour le prouver. Rien n'a changé (et j'ajoute personnellement: malgré tous les gages que le Pape a donnés aux pouvoirs qui comptent, et à leurs relais des médias).

Église catholique, les indices inquiétants d'une attaque qui n'a pas pris fin


Andrea Gagliarducci
www.mondayvatican.com
6 août 2018
Ma traduction

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Le pape François n'a peut-être pas profité d'une vraie lune de miel avec les médias. Certes, il a été dit pendant des années que la sympathie des médias envers le Pape François était grande, et que cela avait un impact direct sur la popularité de l'Église.
L'"Église du non", disait-on, s'est transformée en "Église du oui" grâce à l'esprit d'ouverture du Pape François. Le "Qui suis-je pour juger" du Pape sur les homosexuels, toujours cité hors contexte [??], a été considéré comme le début d'un nouveau printemps dans l'Église. Son "nous n'avons pas à nous reproduire comme des lapins", également cité hors contexte, était considéré comme une première ouverture de l'Église au contrôle des naissances.

En résumé, tout était Printemps sous le pape François. Et il y avait beaucoup d'attentes. Parmi ces attentes: l'accès possible à la communion pour les catholiques divorcés et remariés; une volonté présumée de l'Église catholique de reculer sur l'évangélisation au nom de la culture de la rencontre, sur la base de ce que le journaliste de gauche Eugenio Scalfari avait attribué au Pape dans sa première "interview", à savoir "qu'un Dieu catholique n'existe pas". D'autres attentes étaient le démantèlement de l'Eglise en tant qu'institution et la promotion d'une Eglise quasi nouvelle, basée non pas sur la confession de l'Evangile, mais simplement sur des actions concrètes. Même la possibilité d'un Concile Vatican III pour ouvrir l'Église à la modernité a fait l'objet de rumeurs.

Au-delà du fait que beaucoup d'attentes n'ont pas été comblées, et que beaucoup d'autres font partie d'une surinterprétation des paroles du Pape François (qui, en fait, ne fait jamais de déclarations définitives ni ne clôt une discussion) [une tactique, semble-t-il], il y avait cependant l'impression qu'une lune de miel entre le monde séculier et le Pape était en cours. Cette impression était fallacieuse.
Derrière les bravos au Pape François, venant de médias qui se sont en fait abstenus de rendre compte des vues plus traditionnelles du Pape François, la lutte contre l'Église catholique a continué.
Cette lutte est menée sur des principes qui ont leurs racines dans les mouvements protestants et nationalistes et dans les Lumières. En fin de compte, il y a vraiment de nos jours une persécution silencieuse.

Cette persécution n'est pas seulement la persécution contre les chrétiens, qui sont marginalisés dans l'arène publique comme le sont leurs symboles religieux. Cette persécution a conduit au martyre, comme celui du P. Jacques Hamel il y a deux ans: c'est un martyre de l'indifférence, parce qu'en fin de compte, la rage anti-catholique en France avait progressé des mois avant l'assassinat du P. Hamel.
Cette persécution n'est pas seulement la persécution qui conduit à des déclarations publiques soulignant que les religieux ne peuvent pas parler en public, parce que leurs paroles peuvent être conditionnées par leurs croyances religieuses, nonobstant le fait que les idées et l'idéologie peuvent conditionner tout autant que la religion, tout en cachant que cette dictature du relativisme, comme le Pape Benoît XVI l'a qualifié, s'attribue ainsi le pouvoir de décider quelles opinions valent la peine d'être écoutées.
Il y a aussi une persécution directe contre l'Église en tant qu'institution, à la fois en tant qu'institution religieuse et institution internationale. Des attaques sont portées contre le droit canonique, le dépeignant comme une loi obscurantiste, tout en ignorant la communauté qui accepte cette loi. En conséquence, la souveraineté du Saint-Siège est remise en question, et c'est là le véritable enjeu, l'objectif final d'une attaque qui n'a pas pris fin.

Quels sont les signes de cette attaque silencieuse?

En Inde, le Conseil national des femmes, après une affaire d'exploitation sexuelle impliquant plusieurs prêtres de l'Église orthodoxe siro-malankaise qui menaçaient une femme de révéler des secrets qu'elle avait avoués en confession, a demandé au gouvernement d'interdire à l'Église d'exiger que les femmes se confessent.
Dans l'État de Canberra, en Australie, le secret de la confession a été remis en question par un projet de loi récemment adopté qui établit un "système de signalement" dans les cas d'abus sexuels, et considère comme coupable de non-signalement quiconque ne signale pas les cas d'abus, même si ceux-ci sont révélés sous le sceau de la confession. Les évêques australiens en discuteront lors de leur assemblée du mois d'août.
Ce mois-ci, le Saint-Siège n'a pas présenté son rapport périodique sur la Convention contre la torture, ni son rapport sur la Convention relative aux droits de l'enfant. Ce n'est pas un cas unique, car la présentation des rapports aux comités de contrôle des conventions n'est pas obligatoire, et il y a des pays qui n'ont pas présenté de rapports depuis 15 ans.
Il ne fait aucun doute que, lorsque les rapports ont été présentés en 2014, il y avait un agenda pour attaquer le Saint-Siège, profitant de la crise des abus: le Comité des droits de l'enfant a qualifié la confession de "code du silence" imposé à un prêtre et a même appelé à changer le droit canonique, et le Comité contre la torture a inclus artificiellement parmi les cas de torture les abus sur les mineurs, bien que ceux-ci ne soient pas envisagés dans le texte de la Convention. Si des rapports devaient être présentés cette fois-ci, ce seraient probablement ces questions qui seraient à nouveau soulevées. Le Saint-Siège est donc contraint d'étudier avec soin comment contrer ces pressions indues.

Au Chili, les magistrats chargés d'enquêter sur les abus sexuels du clergé sur des mineurs ont envisagé l'idée d'appeler le Pape à témoigner et à parler de la manière dont l'Église catholique avait couvert les abus des prêtres dans ce pays. L'idée est venue au point culminant d'une série de saisies de documents de l'Église et de la convocation du Cardinal Ezzati pour servir de témoin dans un procès.
Revendiquer la possibilité de convoquer le Pape comme témoin n'est pas nouveau. Déjà en 2010, les organisations américaines qui s'occupaient les cas d'abus ont fait la même demande. Ces demandes sont faites principalement pour des raisons de publicité. En fait, un Pape est un chef d'État et ne peut être contraint de témoigner dans des procès. Et, comme le Pape n'est pas le chef d'une entreprise, il n'est pas responsable des actions personnelles des prêtres et / ou des évêques.
Le simple fait que cette idée soit reprise montre que l'attaque contre l'Église vise toujours dans la même direction, au cœur de l'institution.

Ces faits ne nient pas la question des abus sexuels par le clergé.
Mais ces faits sont matière à réflexion, comme une nouvelle saison où les horribles histoires d'abus seront exploitées pour remettre en question l'Église en tant qu'institution. Comme si les méfaits et les erreurs de ses membres rendaient les principes et les enseignements d'une institution non valides.
Ces attaques se sont poursuivies, même quand l'image de l'Église sous le pape François était censée avoir changé, et malgré le fait que le monde séculier aurait montré plus d'intérêt pour les paroles du Pontife.

Même ce qui précède fait partie d'une déformation. Le monde séculier a toujours regardé l'Église avec intérêt, comme le prouvent les grands débats engendrés par les paroles de Benoît XVI ou l'attention portée à chaque discours de saint Jean Paul II. Le fait est que le monde séculier a toujours fonctionné à sa manière, profitant des déclarations papales sans vraiment tenir compte de ce que les papes et l'Église disaient réellement.

Cela se produit à nouveau, et il est important de le voir. L'attaque contre l'Église se poursuit, dans un contexte culturel général marqué par l'indifférence face à ces attaques. De nos jours, il y a un grand empressement à attaquer les erreurs de l'Église et peu d'intérêt à défendre l'institution. Rien n'a changé, en fin de compte. Au moins pour l'instant.

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