Catholiques "éclairés" vs "bas du front"

Revoilà le "curé madrilène", décidément très prolixe, qui met en scène sur le ton de la satire (gentille) deux personnages de fiction, archétypes respectifs de deux tendances opposées dans l'Eglise d'aujourd'hui. Occasion aussi de revenir sur le Manifeste du cardinal Müller (12/2/2019)

 

(Carlota)

Je ne résiste pas au plaisir de traduire un nouvel article du P. Jorge González Guadalix, surtout après avoir découvert la façon dont le cardinal Kasper, vient de critiquer la déclaration de foi du cardinal Müller (cf.
www.catholicnewsagency.com). Il y a trouvé des « demi-vérités », tandis qu’y seraient entretenues «la confusion et la division»!! Si j’osais, je dirais que c’est, selon une vieille formule, « l’hôpital que se moque de la charité ».
Nous découvrons donc aujourd’hui, Mariano, un camarade d’enfance de Rafaela ; à travers lui, notre « curé madrilène » brosse le féroce mais réaliste portrait d’une certaine église.

L’infaillibilité de Monsieur Mariano et la vue-basse de Rafaela


Jorge González Guadalix
www.infocatolica.com
10 février 2019
Traduction de Carlota

* * *

Monsieur Mariano, bien qu’il ne le reconnaîtra jamais, a cessé d’être catholique depuis bien longtemps. C’est vrai qu’enfant il a appris son catéchisme et même a envisagé une possible vocation sacerdotale. C’était un homme pieux, messe dominicale, confession de temps en temps et des prières, toujours. L’on peut dire que c’était un catholique. Pécheur, oui, mais catholique.

Mariano est de la même origine que Rafaela (1). Un gars du village, de formation et coutumes identiques. Rafaela est restée au village, accrochée à ce que lui a enseigné mademoiselle Juliana, la maîtresse d’école et dame catéchiste. Entre autres, et bien lui en a pris, aimer, écouter, obéir et se fier à la sainte mère l’Église. C’est pourquoi Rafaela n’a jamais eu de problèmes particuliers en matière de foi et a été capable de survivre aux "Père-Jésus" de service (2). Elle a son Astete et son Ripalda (3) et aujourd’hui elle dit que le compendium du catéchisme lui suffit pour ne pas se tromper.

Mariano s’en est allé à Madrid, il a gardé son habitude de messe dominicale et même, parfois, il a participé à des réunions de la paroisse. C’est là que Monsieur Mariano a trouvé une lumière admirable sous la forme d’un « Mariano, ta valeur est grande», et par conséquent, personne ne doit te dire ce que tu dois croire et comment tu dois te conduire. Voilà la Bible, c’est la seule chose qui a de la valeur. Le reste n’est que simples questions humaines qui, si elles te servent, c’est bien, et sinon, ce n’est rien du tout. Ou peut-être penses-tu que c’est très important pour Dieu, nos petites choses et nos petites discussions ?

Mariano a appris que dans l’Église catholique, il y a deux sortes de gens. D’un côté, il reste encore un nombre important de personnes incapables d’évolution personnelle, effrayées par la possibilité de prendre elles-mêmes des décisions, et toujours terrorisées face à ce vieil enfer, incompréhensible et d’une fausseté des plus fausses. Des gens qui obéissent à leur curé et croient tout ce que leur disent leurs évêques et le pape, qui se trompent de a à z, sauf le pape François. C’est ainsi que le bon Mariano dédaigne la tradition, le magistère, le catéchisme, des choses humaines qu’il dit, mais c’est pour rester avec quelque chose d’aussi fondamental que l’évangile et l’important c’est de s’aimer, et pour savoir cela il n’y pas besoin de lire les quatre évangiles, ni même un, ça c’est sûr. On le sait. Mariano appartient à l’autre groupe, le groupe de ceux qui sont éclairés (4), ceux d’aujourd’hui, ceux de leur temps.

Mariano qui fait référence à la tradition et au magistère comme à de simples produits humains, a cessé évidemment d’être catholique. Il n’est plus même évangéliste car même les évangélistes moyennement sérieux étudient au moins la Bible. Lui, il est au-dessus de tout cela. Il sait, il connaît, il discerne depuis sa réalité à lui, et sans aucun problème et il ne lui vient même pas à l’idée qu’il pourrait se tromper en quelque chose. Mariano n’est pas catholique, ni évangéliste, ni rien. Il est simplement infaillible.

L’Église d’aujourd’hui est pleine de Mariano qui ne lisent pas les Écritures, dédaignent la tradition et se passent largement du magistère. Des Mariano qui n’ont pas plus de critère, de meilleur fondement et de soutien vital qu’eux-mêmes, incapables du plus petit doute, sans le moindre besoin d’examiner ou de vérifier leurs postulats.

Le cardinal Müller hier, avec son manifeste, a été une bénédiction de Dieu pour les Rafaela de ce monde. Les Mariano, qui abondent, ont reçu le manifeste avec dédain et moquerie. Normal. Que peut apprendre à Mariano, Gerhard Ludwig Müller, tout cardinal qu’il soit, docteur en théologie, professeur d’université et pendant cinq ans préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi? Rien. Ce qu’il dit, ce sont des âneries, et lui Mariano, il le sait.

C’est donc la réalité de notre église à ce jour. Une Église de Mariano autodidactes, mais qui est soutenue par les Rafaela qui continuent à être fidèles au catéchisme de mademoiselle Juliana, qui apportent leurs centimes et plus, parfois, et qui doivent supporter les dédains.

Bienheureuses les Rafaela.

NDT


(1) Rafaela est un personnage récurrent des chroniques du P. Jorge González Guadalix. Elle est l’archétype de paroissiens bien réels (hélas de moins en moins nombreux) qui présentent comme traits communs, leur bon sens et la simplicité de leur attachement à une Église qui ne court pas après le modernisme et le monde.

(2) Le Père Jésus (prénom courant dans les pays de langue espagnole) est l’archétype du jeune curé moderne (version le Don Chichi, du « Don Camillo et les contestataires » de G. Guareschi).

(3) Désignations de catéchismes célèbres dans le monde de langue espagnole, du nom de leurs auteurs, les pères jésuites espagnols Gaspar de Astete et Jerónimo Martínez de Ripalda, ouvrages parus respectivement en 1599 et 1618 et utilisés jusqu’au début des années 1960. Ces catéchismes ont été traduits dès le XVIIème siècle dans de nombreuses langues parlés par les populations indigènes d’outremers et océans, évangélisés par les missionnaires espagnols.

(4) "Illuminati" dans le texte en espagnol. Autre appellation des "catholiques adultes"

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