"Come la Chiesa fini"

Une interview d'Aldo Maria Valli. Histoire d'un "amour trahi" (29/1/2018)

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Parmi ceux-ci, l'ouvrage d'Aldo Maria Valli dont nous avons déjà parlé dans ces pages (cf. benoit-et-moi.fr/2017 et, plus récemment L'Eglise dans la tempête), qui imagine à travers une fiction projetée dans le futur (une dystopie) ce qui pourrait advenir de l'Eglise si le mouvement initié par François se prolonge à travers ses successeurs.

Dans cette interview, au-delà de la trame du livre, il explique comment lui est venue l'idée de l'écrire, dit sa déception après les premiers moments d'enthousiasme et ses dubia de catholique fidèle à la doctrine devant la tournure prise par l'Eglise "miséricordieuse" de François.


Interview d'Aldo Maria Valli
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Ma traduction

* * *

- Vous êtes l'auteur du livre "Come la Chiesa fini", un roman dystopique inspiré par la dissolution progressive de l'Église catholique: comment votre histoire est-elle née?

« Je crois qu'il est toujours difficile pour un auteur de dire exactement comment naît un livre, surtout si, comme dans le cas présent, ce n'est pas un essai mais une fiction. En général, l'œuvre naît de l'atmosphère que je respire en m'occupant quotidiennement de l'Église catholique pour mon travail comme Vaticaniste de Tg1 [la première chaîne publique]. Je vois une Église souvent anxieuse de plaire au monde et d'être acceptée, plus soucieuse du dialogue que de la défense des vérités divines éternelles. Une Église dans de nombreux cas dominée par le politiquement correct et non par la vérité de Jésus. Je suis particulièrement frappé par le langage de cette Église, que je pourrais définir comme néo-moderniste. C'est ainsi, en raisonnant sur le langage, qu'est né le premier noyau du livre, qui est devenu ensuite un chapitre. Puis, me demandant comment je pouvais développer mon raisonnement sans devenir lourd pour le lecteur, mais, en même temps, sans perdre le caractère incisif, j'ai opté pour un récit dystopique, se situant dans le futur, dans lequel tous ce qui, selon moi, constitue les maux de l'Église d'aujourd'hui, est amené aux conséquences extrêmes. Stylistiquement, j'utilise beaucoup d'ironie et même une bonne dose de sarcasme. Je suis conscient du fait que, de cette façon, je peux aussi heurter la sensibilité de certains, mais j'ai voulu être sincère jusqu'au bout et ne pas diluer le contenu de base du livre, qui est une dénonciation passionnée».

- Dans votre récit, nous assistons à la conversion de l'Église Catholique en la Nouvelle Église Antidogmatique et à la proclamation du Superdogme du Dialogue: est-ce un processus déjà en cours?

« Je pense que oui, mais pas de façon uniforme et peut-être pas toujours de façon pleinement consciente. Quand l'Église tente de se présenter de manière amicale au monde, prétendant que personne ne doit être jugé et que Dieu lui-même, étant miséricordieux, ne juge pas mais accueille, et quand on ne fait pas appel au bien dans un sens objectif mais à un discernement général, je vois déjà à l'œuvre une Église Nouvelle qui semble avoir peur des vérités divines et pour cette raison abandonne la voie dogmatique pour descendre sur le terrain d'un dialogue qui se traduit en réalité par un reniement du Depositum Fidei. N'oublions pas les paroles de Jésus: "Ne croyez pas que je suis venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais une épée. En réalité, je suis venu pour séparer". La question du jugement ne peut être éliminée ou éludée au nom de la miséricorde générale. Les pasteurs qui se comportent ainsi ne confirment pas leurs frères dans la foi, mais confirment les lointain dans leur éloignement. C'est, à mon avis, une stratégie dévastatrice. L'Église, quand elle est applaudie par le monde sécularisé et païen, au lieu de se réjouir, devrait sérieusement s'interroger sur ce qu'elle enseigne et sur la ligne qu'elle suit. L'Évangile nous avertit: "Malheur quand tous les hommes diront du bien de vous"».

- Les événements qui conduisent à la fin de l'Église dans le livre sont marqués par la succession des papes tous curieusement nommés François: quel sera, à votre avis, le principal héritage du Pape Bergoglio?

« Ici, ma dénonciation est ouverte. L'Église du futur, imaginée par moi, établira que les papes doivent toujours s'appeler François pour rendre hommage à François Ier, le champion de la miséricorde et du dialogue, l'humble et bon pape tant aimé de la grande presse et des intellectuels de gauche et progressistes. Un choix, celui de rendre le nom de François obligatoire, né de la flogornerie, du conformisme et, encore une fois, du désir de plaire à l'opinion publique et aux maîtres de la pensée. Je parle un peu comme un "amoureux trahi", parce qu'initialement, j'ai cru en François et en sa capacité à donner à l'Église un authentique printemps, mais peu à peu j'ai dû changer d'avis et puis, après "Amoris laetitia", un document marqué par l'ambiguïté, j'ai définitivement ouvert les yeux sur un pontificat dans lequel l'homme semble prendre le dessus sur Dieu, et où l'enseignement sur la nécessaire conversion de l'homme semble remplacé par un magistère qui va jusqu'à proclamer le droit de l'homme à la miséricorde divine.
Quant à l'héritage de Bergoglio, bien que j'aie écrit un livre qui se passe dans le futur, je ne m'attribue aucun don prophétique. Beaucoup dépendra du successeur. Si les cardinaux choisissent un pape en ligne avec le pontificat actuel, nous aurons une Église marquée par un magistère de plus en plus "liquide" ,"léger", capable d'attirer les sympathies des lointains mais souvent déroutant pour les fidèles. Si, au contraire, nous avons un pape attentif à la vérité et au respect de la doctrine, l'Église entreprendra un chemin, sans doute difficile, pour réaffirmer à nouveau les principes fondamentaux, surtout dans le domaine moral. Dans le premier cas, nous aurons une Église encensée par la pensée dominante et les mass media sécularistes, mais regardée avec consternation par les fidèles qui sont restés ancrés aux vérités éternelles. Dans la seconde, nous aurons une Église attaquée par le monde et prise pour cible par les médias, mais fidèle à la vérité et à la tradition».

- Jésus avec son non praevalebunt a promis que l'Église survivra: dans votre roman, l'Église prend-elle vraiment fin?

« Dans mon roman, j'imagine qu'il y aura un dernier pape, retenu par des émissaires du mystérieux régime mondial qui, à ce stade, le dernier obstacle représenté par une Église catholique dissoute ayant disparu, aura le champ libre et soumettra l'humanité entière, au nom d'une fausse fraternité qui est en réalité domination absolue et déni total de liberté. Le pape sera enlevé et [contraint de] quitter le Vatican après avoir pris des décisions scélérates qui, de son point de vue, auraient dû démontrer une fois de plus le désir de dialoguer avec le monde, mais que le régime interprétera comme une certificat de décès, comme l'acte final d'une Église qui n'aura plus de raison d'exister. Bien sûr, je ne peux pas entrer dans les détails. Je dis seulement qu'il y aura un dernier rebondissement, pour que le lecteur puisse deviner que l'Église, en réalité, ne se terminera pas mais, mystérieusement, reprendra le chemin, comme un tout petit troupeau, sous le signe de l'humilité vraie, de la persécution et du martyre».

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